La modulation des heures de services d’enseignement (« selon les besoins de l’université et les priorités individuelles ») est une des pierres d’achoppement de la réforme du statut des enseignants-chercheurs (lire la chronique d’hier : Grève du Supérieur (1). Elle a cependant toujours existé et est fort souhaitable. Au milieu des années 80, parce que directeur du services des stages de l’université, je faisais un demi-service avec l’accord du président. Au milieu des années 90, parce que directeur d’une fédération d’unités de recherche du CNRS, mes collègues chercheurs avaient pris en charge la moitié de mes heures d’enseignement. A l’inverse, au début des années 2000, j’ai dirigé un observatoire des insertions sans aucune décharge de service et quand, au bout de cinq ans de service fait et réussi, une promotion locale a été donnée à un autre, j’ai démissionné. Trois cas de figure donc : des règles transparentes, équitables et stables sont nécessaires.
Les critiques que je partage et quelques propositions. 1. Le pouvoir des présidents LRU est exorbitant (voir la chronique : élire le président). « Ils arrêteront le service des enseignants en début d’année, » conformément à l’avis de leur CA ; la CPU exige également un avis de l’équipe de recherche. Comme beaucoup de mes ex-collègues, je crains l’autoritarisme et les pratiques de clientélisme. Présidents, chefs d’entreprise ou chargés de clientèles ?
2. Le décret prévoit le maintien du potentiel d’enseignement. Les diminutions de charges d’enseignement pour les uns devraient donc être compensées par des augmentations de charges au-delà des 192 heures de TD pour les autres. C’est un voeu pieux. Les présidents veulent la paix sociale dans leur université et ne prendront pas le risque de « punir » certains ; ceux-ci seraient, d’ailleurs et forcément, défendus par les syndicats. Les présidents « clientélistes » vont multiplier les décharges de services (les primes, les promotions) pour s’attacher une clientèle (nécessaire à leur réélection). Les décharges correspondent déjà à 5 à 10% du potentiel d’enseignement ; les primes dépassent les 100.000 euros. Bonjour les dégâts pour les universités passées à l’autonomie financière élargie (lire la chronique : autonomie financière ?)
3. L’évaluation par le CNU… tous les 4 ans. L’évaluation est totalement nécéssaire. Mais pauvres enseignants qui devront attendre 4 ans avant d’être évalués : il s’agit d’une inégalité de traitement condamnable. Le CNU (j’en ai été membre) prend essentiellement en compte les activités de recherche, malgré ses déclarations « généreuses » (ou « hypocrites ») sur l’importance des responsabilités pédagogiques et administratives. Ce n’est pas un décret qui changera les comportements !
4. Le mépris non dit pour les tâches pédagogiques et administratives et la valorisation, excessive à mon avis, des tâches de recherche (voir, dans le décret, le projet de « chaires d’excellence« ). Les bons chercheurs – enseignants ont déjà la chance de percevoir une prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), de pouvoir être détachés à l’Institut Universitaire de France (IUF) ; pourquoi en rajouter encore une « couche » par des décharges de service d’enseignement ? Ne serait-il pas plus équitable d’accorder à chaque nouveau recruté dans le corps des enseignants fonctionnaires un droit à un certain nombre d’années sabbatiques pour mener à bien des recherches (10 à 12 ans, soit environ un tiers des années de vie active). Bref, une sorte de « chéque » dépensable au cours de la trajectoire et prenant en compte choix individuels et priorités de l’équipe de recherche. Mesure coûteuse certes : elle imposerait donc la fusion du corps des enseignants-chercheurs et de celui des chercheurs à temps plein.
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