La première chronique sur le Plan Emploi en faveur des Jeunes a décrit les mesures mobilisables par les étudiants de l’enseignement supérieur qui vont arriver sur le marché du travail ou qui vont entrer à l’université en octobre 2009 : primes à l’embauche, développement de l’alternance (cliquer ici). Avant d’analyser les réactions des syndicats d’employeurs et de salariés, quelques remarques préalables.
Le lieu symbolique choisi par Nicolas Sarkozy : le Campus Veolia-Environnement (site), centre de formation de l’entreprise internationale, structure pour fédérer les projets de formation et organiser les formations (diplômes du CAP au master en passant par plusieurs licences professionnelles) ; il est impossible de savoir sur le site quelles sont les universités qui délivrent ces diplômes ! Le choix de ce Campus constitue un autre affront du Président de la république à la communauté universitaire : rêve-t-il de transférer les formations professionnelles universitaires à des centres de formation de grandes entreprises ?
Le Plan est un plan dit d’urgence. Pourquoi vient-il si tard ? La sonnette d’alarme sur le chômage des diplômés du supérieur en 2008 est tirée depuis l’automne dernier (chronique : « diplômés au chômage »). On pourrait dire aussi : pourquoi le Plan vient-il si tôt, alors que la commission de concertation sur la jeunesse, créée par Martin Hirsch, Haut Commissaire à la Jeunesse, doit rendre ses conclusions d’ici moins d’un mois ? Elle préconisera une simplification drastique des multiples dispositifs pour l’insertion des jeunes (dispositifs coûteux, peu lisibles et peu efficaces) et la création d’un contrat unique d’insertion (voir et écouter les vidéos de la Mission commune d’information jeunes sur le site du Sénat).
Pourquoi le Plan vient-il si tôt alors que, dans le même temps de l’annonce de ses mesures, Nicolas Sarkozy confiait une mission sur le développement de l’alternance à son ami Henri Proglio, PDG de Veolia-Environnement, mission chargée d’élaborer une charte de l’alternance ? Et sans oublier, la mission sur l’alternance confiée à Jean-François Pilliard (UIMM) en janvier 2008 et dont le rapport n’est pas encore paru. Décidément, Nicolas Sarkozy n’en fait qu’à sa mode avec le calendrier ! Il discourt quand il a envie de discourir !
Les réactions à ce plan étaient attendues : applaudissements du patronat, réserves et critiques des syndicats. Le MEDEF « approuve sans réserve le plan pour l’emploi des jeunes… qui aspirent à découvrir le monde de l’entreprise » (communiqué du MEDEF) ; Laurence Parisot devrait faire plus attention aux verbes qu’elle emploie ; les jeunes ne viennent pas « découvrir » l’entreprise ; ils n’y arrivent pas en touristes ; ils y viennent travailler et se former. Le MEDEF en redemande : les contrats de professionnalisation devraient avoir les mêmes avantages financiers que les contrats d’apprentissage. Une voix un peu discordante : celle de Jean-François Pilliard (voir supra) qui ne croit pas à l’efficacité des primes à l’embauche (les entreprises qui mettent en chômage partiel des salariés ou qui procèdent à des licenciements ne vont évidemment pas embaucher de jeunes).
L’enthousiame est le même chez les syndicats patronaux alliés du MEDEF. L‘Union Professionnelle Artisanale juge les mesures positives. L’Assemblée Permanente des Chambres de Métier se dit prête à accueillir 50.000 jeunes de plus dans ses centres de formation d’apprentis (CFA). La CGPME se « réjouit de voir ériger la professionnalisation en priorité gouvernementale ». Il faut regretter le silence des organisations patronales de l’économie sociale : ils ont raté l’occasion de « faire entendre leur différence » (site de l’USGERES).
Les syndicats de salariés sont favorables au développement de l’alternance, mais ils contestent le déséquilibre du plan : nombreuses aides aux entreprises et rien pour la progression du revenu des jeunes (les montants des gratifications de stage et des rémunérations des contrats en alternance restent en effet inchangés).
La CGT « déplore la part belle faite aux entreprises »…, « les subventions au capital » ; elle revendique, pour les jeunes en alternance, « la gratuité des frais d’inscription, de scolarité, d’équipement et de transport », l’embauche des jeunes au terme de ces contrats (communiqué de la CGT). L’UNSA critique l’absence de contraintes en termes d’emplois durables (communiqué de l’UNSA). Pour FO, « le gouvernement peut mieux faire » (communiqué de FO).
Pour l’UNEF, « le plan de Nicolas Sarkozy n’est ni ambitieux, ni efficace »… ; « il ne fait que développer des dispositifs existants » ; avec les contrats aidés, les jeunes sont considérés comme des « sous-salariés ». La FAGE souhaite le développement des contrats en alternance dans l’enseignement supérieur et revendique, pour booster ces contrats, la création d’un Centre de Formation d’Apprentis dans chaque université (communiqué de la FAGE).
En matière de stage, des syndicats de salariés et d’étudiants se félicitent de l’extension de la gratification aux stages de 2 mois, mais ne s’en satisfont pas. Ils revendiquent un véritable statut du stagiaire, une rémunération mensuelle équivalant à 50% du SMIC, progressant avec la durée du stage et fonction du niveau de qualification (CGT). L’UNEF demande l’interdiction des stages « hors-cursus ».
Plusieurs syndicats de salariés s’associent à l’UNEF pour revendiquer pour les étudiants une « allocation d’autonomie », la CGT demandant la prise en compte des années d’études pour la retraite. Martin Hirsch, présent au congrès de l’UNEF, redit son opposition à cette allocation d’autonomie : « elle aurait des effets pervers et une efficacité limitée ».
Les syndicats doutent de l’efficacité des mesures prises pour faire augmenter l’emploi et faire diminuer le chômage des jeunes. Rappelant l’absence d’effets significatifs des Plans Jeunes au cours des 30 dernières années, ils mentionnent de possibles « effets d’aubaine » (profiter des aides de l’Etat pour recruter des jeunes que les entreprises auraient de toute manière recruté) et de possibles « effets de substitution » (embaucher des jeunes plutôt que des adultes). Pour éviter que les aides publiques soient dépensées à fonds perdus, la CFDT demande un « engagement volontariste des employeurs à embaucher, former et sécuriser l’emploi des jeunes » (communiqué de la CFDT).
Les stages et les contrats en alternance ne sont pas une solution pour les jeunes diplômés à la recherche d’un premier emploi. Ceux-ci veulent entrer sur le marché du travail et ce serait une erreur que de les inciter à poursuivre des études toujours plus longtemps. Les syndicats demandent ainsi que le « droit à une formation initiale différée », prévu par l’accord de janvier 2009, soit repris dans la loi en cours d’élaboration. La CFDT demande la mise en oeuvre d’un « Dispositif Jeune Actif » pour accompagner les jeunes dans leur insertion professionnelle (ils devraient être suivis par un référent unique) ; certains d’entre eux devraient pouvoir bénéficier d’un « Revenu Jeune Actif » d’un montant proche de celui du RMI-RSA. L’UNEF revendique, pour les jeunes diplômés, une aide à la recherche du premier emploi (50% du SMIC pendant un an).
Et les syndicats d’enseignants du supérieur ? Le silence du SNESUP, du SGEN-CFDT, de l’UNSA Education, d’AutonomeSup est assourdissant. Dommage ! Il est quelquefois important de sortir de la défense de sa seule corporation et de se préoccuper des conditions d’études et d’insertion professionnelle des étudiants.
Voulant aller bien au-delà des mesures du Plan pour les Jeunes, tous les syndicats de salariés, d’enseignants et d’étudiants appellent à participer aux manifestations unitaires du 1er Mai 2009.
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