Archives mensuelles : octobre 2009

Financer selon la performance (1)

Les universités publiques sont financées très majoritairement par l’Etat (plus de 85% de leurs ressources) et elles doivent le rester ! Les autres financeurs sont l’Union européenne, les collectivités territoriales, les entreprises, les ménages (dont droits d’inscription payés par les étudiants). A l’avenir, les Fondations universitaires pourront également apporter des financements. Pour les dotations des dernières années et pour 2010, lire les chroniques : « Budget 2010 » et « Dotations inégales« . Cette chronique est issue d’une communication au Colloque international « Université, universités », tenu à Besançon les 22 et 23 octobre 2009.

Selon quels critères et selon quels mécanismes, les universités peuvent-elles être dotées ? Elles peuvent l’être selon leurs projets, leurs activités, leurs résultats. La chronique s’intéresse aux financements selon les résultats atteints, financement communément appelé « financement selon la performance ». Un tel type de financement est dans l’ère du temps ; il participe d’une idéologie libérale, entrepreneuriale, concurrentielle, de la compétition. Il ne peut être rejeté d’emblée car, après tout, il s’agit d’affecter de l’argent public aux universités et d’observer si elles en font un bon usage. Personne ne peut s’opposer à cela : ne pas gaspiller l’argent public ! C’est cependant un changement de paradigme pour les universités et Bernard Belloc, conseiller de Nicolas Sarkozy, le résumait ainsi dans son intervention à Besançon : « ce ne sont pas les moyens qui font les projets » (traduction : « ne vous attendez plus à des dotations de base récurrentes »), « ce sont les projets qui font les moyens » (traduction : « mettez-vous dans une logique de projets dont les résultats seront évalués »).

La Conférence des Présidents d’Université (CPU) a accepté le principe d’un financement selon la performance (communiqué de juillet 2009), mais elle y met un certain nombre de conditions dont la révision du modèle d’attribution des moyens aux universités, appelé « SYMPA » ! 

Mais financer les universités selon la performance soulève un très grand nombre de problèmes. Qu’est-ce que la performance ? Performance par rapport à quoi et à qui ?  Comment l’évaluer et la mesurer ? Une approche par les seuls indicateurs de résultats est-elle suffisante et acceptable ? Cette première partie de la chronique porte sur les concepts, définitions et méthodologies utilisés : ce détour peut paraître fastidieux mais il est indispensable ; c’est le seul moyen d’être le plus rigoureux possible dans un débat politiquement très sensible. Il faut savoir de quoi l’on parle.

Champ du financement selon la performance ? Il peut être plus ou moins détaillé. Les universités peuvent être financées selon leur performance, mais il peut s’agir aussi du financement de leurs composantes, de l’offre de formation de chacune de celles-ci et également de leur recherche. Financement de la performance par les financeurs externes certes, mais rien n’empêche de penser aussi à un financement interne de la performance, surtout dans les universités « libres et responsables » : financements des composantes selon leur performance établie.

Quelles dotations ? Il peut s’agir de ressources de fonctionnement, d’investissement, de ressources humaines (dotations de postes d’enseignants-chercheurs, de chercheurs, de BIATOSS).

Mais que veut dire performance ? Selon la logique managériale, les choses sont apparemment simples. Les universités ont des missions à accomplir, missions fixées par le législateur. Ces missions se traduisent en objectifs, en projets et en activités (et même en tâches) ; projets et activités mobilisent des ressources ; leurs résultats peuvent être mesurés. On voit donc tout de suite que cela n’a guère de sens de vouloir évaluer et doter les universités selon leur performance globale : les projets et les activités sont trop divers.

Deux types de performance sont communément mesurés. L’efficience met en relation les ressources utilisées et les résultats atteints. Un bon résultat peut avoir mobilisé beaucoup ou peu de ressources (on parle aussi d’optimisation de l’usage des ressources). Un problème surgit aussitôt : les ressources des universités sont présentement inégales et sont largement le fruit d’héritages historiques, et ce en dépit des politiques de redéploiement des ressources ; la CPU ne veut plus de ces politiques car elles ont toutes échoué.

Second type de performance : l’efficacité. La mesure de l’efficacité met en relation les objectifs visés et les résultats atteints. Les universités se doivent donc d’être efficientes et efficaces, mais – problèmes – elles n’ont pas toutes les mêmes ressources ! Dès lors, quelles universités doivent ou peuvent être financées selon la performance ? Trois modèles. Premier modèle possible : financement des universités qui ont les meilleures performances ; c’est le financement de l’excellence ; 10 à 15% des universités pourraient être ainsi financées. Deuxième modèle possible : financement des universités qui atteignent la norme de performance prescrite. Ce qui engage un débat et complexifie l’approche : qui fixe la norme (le ministère ?) et à quel niveau la fixer ? Par exemple la norme à atteindre pour le taux de succès à la licence en 3 ans doit-elle être fixée à 60, 70 ou 80% ? Troisième modèle possible : financement des universités qui progressent en performance d’une période à l’autre. Derrière chacun de ces modèles, il y a des types d’universités : on peut penser par exemple que Pierre et Marie Curie voudrait un financement de performance selon le premier modèle et qu’une université nouvelle de province avec peu de moyens aimerait se voir financer selon le 3ème modèle (financements au vu des progrès accomplis).

D’autres questions doivent être résolues avant le passage à un financement selon la performance. Quelle doit être la part de financement selon la performance, relativement à celle du financement des projets et des activités ? Une part mineure (incitative) ou une part majoritaire ? Quelle que soit la réponse à cette question, les évolutions ne pourront qu’être lentes. Actuellement, la part de financement selon la performance réellement mesurée est proche de zéro. Vouloir aller trop vite serait mettre le feu aux poudres dans un grand nombre d’universités !

D’autres questions encore. Selon quelle périodicité doivent être mesurées les performances ? En temps quasi réel, tous les ans, tous les 4 ans dans le cadre des contrats d’établissements ? Il faut noter ici que les universités sont rangées dans des « vagues de contractualisation », ce qui représente une source d’inégalités à plusieurs titres (le ministère a plus ou moins d’argent à dépenser selon les années et commencer à doter les universités d’une seule « vague » selon la performance renforcerait les inégalités).

Et enfin, une autre question aussi explosive que les précédentes : financer selon la performance consiste-t-il à affecter des ressources supplémentaires aux « performants » ou à supprimer des ressources aux « non-performants ». Financement selon la performance : bonus ou malus ?

Bref, le financement selon la performance pourrait n’être qu’un serpent de mer et n’être présentement qu’une opération de communication « libérale ». Les questions qu’il pose sont nombreuses et les choix d’y répondre de telle ou telle manière n’ont pas encore été pris. Mais le financement selon la performance pourrait, devrait engager les universités dans des démarches de progrès, de mesure de leurs résultats. Ce serait déjà un énorme progrès pour la collectivité, une source de diminution de certains gaspillages de crédits publics. 

Cinq chroniques à venir. L’histoire du financement selon la performance au travers d’une histoire de l’évaluation. Comment évaluer les résultats atteints au terme d’une période donnée ? La question clé des indicateurs ! Le financement de l’offre de formation selon la performance. Le financement des collectivités territoriales, des entreprises, des ménages aux universités selon la performance de celles-ci. 

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Ils ont choisi l'Economie sociale

Le marché du travail est extrêmement difficile pour les diplômés du supérieur de 2008 et 2009 (chronique : « la peur du déclassement« ). Dans ce contexte, des diplômés se posent et ont malheureusement le temps de se poser (le nombre de mois pour trouver un emploi est de plus en plus important) la question : « j’ai un diplôme, j’ai des compétences certifiées pour exercer un métier, j’ai une expérience professionnelle car j’ai effectué plusieurs stages au cours de mes études : dans quel type d’entreprise, j’ai envie de travailler ? »

Dans la fonction publique ? Dans le secteur public ? Dans le secteur privé lucratif ? Ou dans le secteur de l’économie sociale, dans une coopérative, dans une mutuelle d’assurances ou de protection sociale, dans une association employeur, dans une fondation ? L’économie sociale, c’est plus de 10% de la richesse produite en France et plus de 10% de ses emplois ; c’est une économie dynamique dans ce contexte de crise.

Les entreprises de l’économie sociale attirent de plus en plus de jeunes diplômés car elles ne mettent pas l’argent au coeur de leur objectif mais la personne (le client, la salarié, le partenaire). Travailler dans une organisation de l’économie sociale permet de donner plus de sens à sa vie. C’est ce que démontre la 1ère convention des emplois et des formations de l’économie sociale en Champagne Ardenne qui aura lieu à Reims mardi 13 Octobre 2009 (pour en savoir plus sur cette convention, cliquer ici).

Pour cette convention, le blogueur, administrateur de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale en Champagne Ardenne (CRESCA), a réalisé 14 reportages sur des organisations de l’économie sociale en région. Celle-ci intervient dans tous les champs de l’activité économique régionale : la banque coopérative, la grande distribution, la viticulture, les services à la personne, le travail social, l’insertion par l’activité économique, l’animation des quartiers, le sanitaire et social… Chacune de ces organisations emploie des diplômés du supérieur à Bac+2 ou 3 et à bac+5 : cliquer ici pour accéder au reportage.

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Des soutiers dans l'université ?

« Les soutiers de l’université » par Catherine Rollot, Le Monde du 6 octobre 2009. Les deux sous-titres de l’article sont misérabilistes et provocateurs à l’égard des enseignants du supérieur. 1. « Vacataires, attachés temporaires, CDD, bouche-trous parfois pour quelques heures par an, ils ont bac+8 et galèrent durant des années en marge de l’enseignement supérieur. Avec l’espoir de plus en plus ténu d’une titularisation » ; « Avant d’être payé, il faut parfois attendre un an ».

La précarité existe à l’université ; elle a progressé et elle risque de progresser. Il faut la dénoncer : Catherine Rollot a donc raison. Mais, pour mener un combat crédible et efficace, il faut éviter les approximations et quelquefois les contrevérités. Combien de « soutiers » ? Personne ne le sait mais on devrait le savoir car les universités doivent produire désormais un « bilan social ».

Première confusion introduite par l’article : le mélange de situations enseignantes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Si tout enseignant recruté sur un contrat à durée déterminée est en situation précaire, alors oui, la proportion de précaires est importante dans les universités ; elle l’est cependant moins que dans le privé.

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