A. Beretz, un président inclassable

Les 22 membres du Conseil d’administration de l’université de Strasbourg, élus le 20 novembre 2012, se sont réunis cet après-midi pour élire le président. Résultats : Alain Beretz, 12 voix, Jacques Haiech, 7 voix. 3 conseillers ont voté « blanc ». « Félicitations, cher Alain Beretz ! Te voilà réélu pour un second mandat ».

Les élus étudiants de l’AFGES ont fait le président et ils expliquent pourquoi dans un communiqué daté de ce jour, 18 décembre 2012. Ils ont choisi le candidat Beretz en toute transparence. Rien ne peut leur être reproché ! Mais… l’AFGES est membre de la FAGE : à Reims, les 4 élus de la FAGE ont voté pour Gilles Baillat, candidat du SNESUP ; à Strasbourg, les 4 élus de la FAGE ont voté contre le candidat du SNESUP, Jacques Haiech. Ils ont voté pour un homme, pour une personnalité. Ils ont aussi voté pour un programme exposé lors du débat du 11 décembre 2012. Débat qui a tourné l’avantage d’Alain Beretz. La FAGE navigue-t-elle au fil des programmes locaux ou a-t-elle une stratégie nationale ?

Mon pronostic avant le scrutin de cet après-midi : Alain Beretz devait l’emporter 12 voix à 10 si les 4 élus de l’AFGES votaient pour lui. Jacques Haiech devait l’emporter 14 voix à 8 si les 4 élus de la FAGE votaient pour lui. Ce dernier n’a obtenu que 7 voix et donc apparemment aucune voix des 3 élus BIATSS (dont un élu SGEN-CFDT et un élu CGT), Aucune voix des 5 élus étudiants (dont un élu UNEF).

Les élus SGEN-CFDT, CGT, UNEF auraient donc voté « blanc » et, de fait contre Jacques Haiech, membre du SNESUP ? En fait, selon les propos entendus lors du Point presse, ce soir à 17 heures 30, ce serait bien plus compliqué que cela. Personne ne saura jamais qui a voté blanc. Mais ce qui est sûr, c’est que l’unité syndicale, péniblement construite, a volé en éclats cet après-midi à Strasbourg.

Point Presse ce soir à 17 heures 30. Le gagnant et le perdant font face à une dizaine de journalistes, à sept ou huit photographes ou cameramen. Inhabituel un tel côte à côte immédiatement après une élection. Même si les deux candidats sont fatigués après une après-midi de tensions, ils n’en répondent pas moins aux questions qui fusent.

Lors de ce point presse, j’ai compris encore mieux ce qui fait la force d’Alain Beretz, dont j’ai écrit qu’il avait mon respect et ma sympathie. Il a non seulement la carrure d’un président, mais il est un homme politique hors-pair, enraciné en Alsace – sa famille y a des positions plus que solides dans la pharmacie d’officine -, et qui joue de manière plus qu’habile sur le nécessaire « consensus alsacien », noté par Luc Weber, ancien recteur de l’université de Genève.

Alain Beretz est alsacien et il est de ce fait inclassable pour les français de l’intérieur que nous sommes Jacques Haiech et moi. Alain Beretz est-il de droite, du centre, de gauche ? Réponse ? Le président Beretz se veut politiquement inclassable. Il a une habileté que j’ai rarement vue et qui fait sa force.

Voici comment il s’est sorti des questions que je lui ai posées. « Alain, tu seras présent le 20 décembre pour élire le président de la CPU ; pour qui voteras-tu » ? « Je n’ai pas à répondre à cette question car elle n’est pas à l’ordre de jour de ce point presse. J’ai encore à consulter quelques collègues ».

« Être élu par un CA composé seulement de 22 membres est-il satisfaisant ? Vincent Berger, rapporteur national des Assises, propose une élection par le CA élargi aux personnalités extérieures ou une élection par les trois conseils centraux, qu’en pensez-vous » ? Jacques Haiech répond longuement pendant qu’Alain Beretz consulte ses SMS. Il ne répond pas car il est sauvé par le gong d’une autre question posée par un journaliste.

Quels vice-présidents proposerez-vous aux votes du Congrès ? « Équipe resserrée, renouvelée en partie, éventuelle ouverture à quelqu’un de l’opposition ». Des noms, des noms » ! Plusieurs membres de l’équipe sortante demeureront aux manettes. « Michel Deneken sera 1er vice-président en charge des formations, Hugues Dreyssé demeurera vice-président en charge des ressources humaines et des questions sociales ». Je pose la question : « Yves Larmet, maître de conférences, demeurera-t-il, vice-président en charge du patrimoine ? » Réponse avec un grand sourire : « oui, en dépit de ton hostilité de blogueur ».

Mais pourquoi donc Alain Beretz vire-t-il Catherine Mogenet, vice-président en charge de la « politique numérique et système d’information » et non Michel Deneken, 1er vice-président en charge des finances et qui aurait dû assumer ses responsabilités en matière de situation financière tendue dans l’université ? La question n’a pas été posée à Alain Beretz et, en habile homme politique, il ne l’a pas soulevée de lui-même !

Je pose une dernière question : « au cours de la campagne et en matière de formation, n’avez-vous pas fait des promesses électorales non financées ? ». Je ressens un certain énervement de la part d’Alain Beretz. « Non ! Je ne fais pas de promesses. Je ne propose que des évolutions souhaitables et soutenables ». Le président réélu recourt alors à un argument redoutable, qu’il a employé à plusieurs reprises dans le débat avec Jacques Haiech : « je vous mets au défi de »… « de dire que j’ai dit que », … « de prouver que j’ai dit que ».

Même type de réponses qui rendent Alain Beretz inclassable : « Je défends l’autonomie de l’université et non la LRU »… « Je respecte tous les représentants étudiants, et d’ailleurs je travaille autant avec l’AFGES qu’avec l’UNEF »… « La loi est incapable de tout régler. Elle nous laisse des marges de manœuvre importantes. La preuve, les lois Faure et Savary n’ont pas empêché les trois universités de Strasbourg d’avant la fusion d’être fort différentes ».

Le communiqué de l’université, relatant les résultats de cet après-midi, rappelle que le président Beretz a choisi de faire une carrière enseignante de vice-président puis président depuis 2001 (il est alors âgé de 47 ans). Il en a 58 aujourd’hui ; il en aura 62 à la fin du nouveau mandat qui s’engage. La loi Fioraso remettra sans doute les compteurs à zéro fin 2013, ce qui permettrait à Alain Beretz de rempiler à nouveau, jusqu’à sa retraite. S’il avait été battu aujourd’hui, il serait redevenu professeur en pharmacie et aurait peut-être repris un travail de clinicien, lui permettant de devenir PU/PH.

Alain Beretz un homme politique remarquable qui a l’habilité de ne pas se laisser piéger par une quelconque question. Jouer l’inclassable et se rendre inoxydable sous la droite comme sous la gauche. Alain Beretz est fort car il s’appuie sur ses réseaux en Alsace.

Je ne lui ai pas posé la question que j’avais sur la langue car elle n’aurait pas obtenu de réponse : « Alain, es-tu franc-maçon ? ». Alain Beretz, franc-maçon, et Michel Deneken, prêtre catholique, à la tête d’une université laïque et de service public. Un président et une université inclassables. En bref, une université alsacienne, quoi !

Ma prochaine lecture de Français de l’intérieur pour mieux comprendre : « L’Alsace pour les nuls ».

5 Commentaires

Classé dans C. Grand-Est (Alsace Lorraine Champagne-Ardenne)

5 réponses à “A. Beretz, un président inclassable

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  2. anonyme

    Et c’est reparti pour 4 ans de langue de bois, de mensonges et de manipulations…

  3. Jimmy

    « La FAGE navigue-t-elle au fil des programmes locaux ou a-t-elle une stratégie nationale ? »

    Le réseau de la Fage fonctionne sur un régime ascendant, ce n’est certainement pas elle qui dicte à l’AFGES quoi voter, mais bien l’inverse. (et ce conjointement aux autres administrateurs de la fédération)

    Ne cherchez pas de corrélation entre les présidentielles des Université de Reims de Strasbourg, il n’y en a pas. 😉

  4. Martainville

    Et si Béretz n’était – hélas – qu’un politique, et non pas un chercheur ???… c’est d’ailleurs ce qui menace nos universités. Peut-il encore faire autre chose que du pouvoir ? Comme dans le monde politique, certains feront le choix d’une carrière de pouvoir… au détriment de leurs collègues (car le présidentialisme universitaire tue les libertés universitaires et instaure une caporalisation). Il y a donc des professionnels du pouvoir. Là est le drame de l’Université, les chercheurs, ceux qui sont l’Université, ne veulent ni ne peuvent perdre de temps dans des activités de pouvoir, de plus en plus bureaucratiques et chronophages. Donc, il en résulte que ce ne sont pas les meilleurs d’entre nous qui sont élus… comme en politique… Et Tocqueville avait raison : la démocratie (donc la médiocratie) est inéluctable….à la merci des jeux politiciens et des politiciens de l’Université.
    Quant aux syndicats étudiants, ils sont dans une logique consommatrice et penchent pour le service le plus démagogique. Regardons ce qu’à fait l’UNEF depuis des années : elle a tué, dévalorisé, le diplôme.

  5. Livingston

    Ne généralisons pas ce très mauvais exemple.
    On connait tous des présidents ou vice-présidents, des « politiques » intègres et respectueux de la communauté qu’ils ou elles sont censés servir.