ANDES, communiqué du 12 juillet 2016.
Attirer les docteurs dans la fonction publique : les messages contradictoires du gouvernement.
L’ANDès, association nationale des docteurs, déplore que la volonté exprimée du gouvernement d’attirer davantage de docteurs dans la fonction publique soit suivie d’actions contradictoires peu propices à cet effet. En témoignent, notamment, les annonces récentes de confier des responsabilités qui nécessitent une expérience conséquente de recherche à des personnes non titulaires d’un doctorat. L’ANDès regrette la lenteur du gouvernement pour intégrer de façon substantielle des docteurs dans la fonction publique et l’encourage à mettre en œuvre et concrétiser au plus vite les dispositions législatives prises en 2013.
Des responsabilités de recherche confiées à des personnes sans compétences de recherche validées
Alors que les différents corps de la fonction publique tardent à s’ouvrir aux titulaires d’un doctorat, les fonctions qui nécessitent une expérience de recherche s’ouvrent parallèlement de plus en plus à des personnes non titulaires de ce diplôme. Cette évolution à deux vitesses envoie à la communauté des docteurs un message au mieux incohérent, au pire alarmant. Ainsi, le corps des recteurs s’ouvre depuis 2010 de plus en plus largement à des agents sans expérience de recherche1, et le président de la République a récemment proposé la nomination à la présidence de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) d’un chef de cabinet ministériel non titulaire d’un doctorat. Que penser, par ailleurs, des dispositions rendant possible l’encadrement d’un doctorant par tous les « personnels des établissements d’enseignement supérieur, des organismes publics de recherche », y compris ceux qui n’ont pas de doctorat2 ?
Une intégration des docteurs dans la fonction publique qui se fait attendre
À l’inverse, l’apport des compétences fournies par le doctorat pour la modernisation de la fonction publique dans des domaines non liés à la recherche est largement reconnu. Il a conduit à l’article 78 de la loi du 22 juillet 2013 qui prévoit d’adapter les concours de catégorie A de la fonction publique pour y favoriser l’intégration de docteurs. Pourtant, la mise en application de cet article tarde à venir. Après une mission mise en place par le ministère chargé de la recherche3 et un avis du conseil d’État en septembre 20144, il a fallu attendre fin 2015 pour que la ministre de la Fonction publique diffuse un courrier à ce sujet aux autres ministères. Quelques corps ont ouvert des voies d’accès aux docteurs5, mais d’autres n’ont pas évolué6. Par ailleurs, nous attendons toujours la publication, censée être annuelle malgré deux ans de retard, du premier rapport recensant ces évolutions, prévu par l’article 79 de la même loi.
Le concours externe spécial de l’agrégation : une initiative fragile à consolider ?
Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a souhaité montrer l’exemple en créant un concours externe spécial de l’agrégation ouvert uniquement aux docteurs, afin de les attirer sur des postes d’enseignants du secondaire. Le décret correspondant7 présente toutefois l’inconvénient de distinguer la reconnaissance de l’expérience professionnelle apportée par le doctorat en fonction des modalités contractuelles de réalisation des recherches, en contradiction avec la volonté du législateur exprimée dans l’article 78 de la loi du 22 juillet 20138. L’ANDès demande ainsi au gouvernement de rectifier sans délai cette disposition. La communauté des docteurs ne semble pas avoir été suffisamment consultée à propos des modalités d’organisation de ce concours. Autant d’écueils à éviter pour les initiatives des autres ministères qui s’inspireraient de celle-ci.
1 Décrets n° 2010-889 du 29 juillet 2010 et n° 2015-1617 du 10 décembre 2015.
2 Article 16 de l’arrêté du 25 mai 2016.
3 Mission à Patrick Fridenson sur la reconnaissance professionnelle du doctorat.
4 Assemblée générale (section de l’administration), avis n° 388823 du 4 septembre 2014.
5 Décrets n° 2014-1261 du 29 octobre 2014, n° 2016-619 du 18 mai 2016 et n° 2016-907 du 1er juillet 2016.
6 Décret n° 2016-205 du 26 février 2016.
7 Décret n° 2016-656 du 20 mai 2016.
8 Les statuts particuliers de chaque corps ou cadre d’emplois prévoient les modalités de prise en compte de cette expérience professionnelle pour le classement effectué lors de la nomination ou de la titularisation en leur sein, sans distinguer les modalités contractuelles de réalisation des recherches ayant été sanctionnées par la collation du grade de docteur », article 78 de la Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013.
Le Doctorat, c’est comme le handicap? Des postes réservés?
La présentation de l’affaire de l’INRA (en § 2) est pour le moins déloyale.
On nous parle d’un « chef de cabinet ministériel non titulaire d’un doctorat » pour laisser entendre qu’il s’agit de basses combines politiciennes. Mais cela occulte complètement le fait que ce directeur de cabinet (et non chef, soyons précis quand on invoque la recherche) est un haut fonctionnaire, ingénieur agronome, qui a une longue expérience de direction dans la haute administration et dans un établissement public. Je ne suis pas persuadé que la direction d’un établissement de près de 10000 personnes nécessite absolument une « expérience de recherche », même s’il y a environ 2000 chercheurs.
Un établissement comme un autre, bien sûr, dont les missions sont simplement « d’organiser, d’exécuter et de coordonner, à son initiative ou à la demande de l’Etat, tous travaux de recherche scientifique et technologique dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement ». Effectivement, on se demande bien ce qu’un doctorat pourrait apporter pour diriger un tel établissement ! Quant à l’aspect déloyal, pensez bien à aller commenter tous les articles de presse qui pointaient depuis quelques temps déjà cette nomination pressentie. Enfin, un autre point de vue intéressant sur le fond, du côté syndical : http://www.inra.cgt.fr/actualites/tracts/Nomination_PDG_INRA_Cq_CGT_20juil2016.pdf
Je suis particulièrement sensible à ce que vous dites, étant l’auteur d’un article de doctrine, sous l’angle juridique, consacré à cette question. Je me permets d’en citer les références : Edwin Matutano, La reconnaissance du doctorat dans la fonction publique : une bouteille jetée dans l’océan normatif ?, Actualité Juridique-Fonctions publiques, n° 5, septembre-octobre 2015, p. 275.
Avec tous mes encouragements,
Edwin Matutano