1770. Goethe et Marie-Antoinette

Mai 1770 sur une île du Rhin, entre Kehl et Strasbourg. Remise de Marie-Antoinette à la France. Goethe estime que la tapisserie exposée à cette occasion constitue une grave faute de goût. Suite de la chronique : 1770-1771. Goethe à Strasbourg.

Diaporama de 30 photos de Pierre Dubois (mai 2021).

A. Marie-Antoinette d’Autriche, un mariage politique. Source : Marie-Antoinette d’Autriche (1755-1793), article de Wikipédia.

« Marie-Thérèse d’Autriche, comme tous les souverains de l’époque, met le mariage de ses enfants au service de sa politique diplomatique, qui vise à réconcilier, après des siècles de guerres, les Maisons d’Autriche et de France, dans le contexte du renversement des alliances et de la fin de la guerre de Sept Ans, et ainsi faire face aux ambitions conjointes de la Prusse et de la Grande-Bretagne.

Marie-Antoinette d’Autriche par Vigée Le Brin, 1783.

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Le 7 février 1770 au soir, Marie-Antoinette, âgée de 14 ans et 3 mois est réglée, donc prête à être donnée en mariage et à donner un dauphin à la couronne de France. Les négociations en vue du mariage sont menées à un rythme plus soutenu. Dès le 17 avril, Marie-Antoinette renonce officiellement à ses droits sur les couronnes dépendant de la Maison d’Autriche. Le 19 avril 1770, on célèbre son mariage par procuration, à cinq heures du soir, dans l’église des Augustins.

Deux jours plus tard, le 21 avril, au petit matin, la benjamine de la famille impériale, âgée de 14 ans et 5 mois, quitte définitivement Vienne et l’Autriche. Sa mère lui fait alors un grand nombre de recommandations. De douloureux pressentiments entourent alors son départ de Vienne.

Une anecdote raconte que l’abbé Joseph Gassner, ecclésiastique venu chercher l’asile à Vienne, se croyant inspiré par Dieu, à une question de Marie-Thérèse lui demandant comment allait sa fille, ne répondit pas, pâlit, et finit par articuler : Madame, il est des croix pour toutes les épaules.

Après environ trois semaines de voyage, le 7 mai 1770, la jeune Marie-Antoinette arrive à Kehl où elle doit participer au rite de remise de l’épouse, tradition de l’Ancien Régime ».

B. Une faute de goût, dénoncée par le jeune Goethe. Sources : article des DNA et exposition du palais Rohan.

« Le 7 mai 1770, Strasbourg accueille la dauphine Marie-Antoinette, déjà mariée par procuration au futur Louis XVI, petit-fils de Louis XV. Goethe assiste à un événement dont le faste est pour lui entaché par une extraordinaire faute de goût, typique de la désinvolture française…

C’est une tapisserie sortie des ateliers de la Manufacture des Gobelins, aujourd’hui conservée au musée national du château de Compiègne, qui en est la cause. Réalisée en 1755 d’après un carton de Jean-François de Troy, elle représente deux personnages de la mythologie grecque, Jason et Médée, dont on sait combien l’histoire finira mal – dans la folie et dans le sang…

Avec ses 4,30 m de haut et 4,43 m de large, la tapisserie en imposait par sa dimension dans le vaste décorum mis en place pour accueillir Marie-Antoinette. Mais elle choqua le jeune Goethe, qui avait acquitté le prix d’entrée pour découvrir les splendeurs du goût français. Il relate la bévue dans ses mémoires : Quoi ! m’écriai-je sans m’inquiéter des assistants, est-il permis de mettre si inconsidérément sous les yeux d’une jeune reine, dès le premier pas qu’elle fait dans son royaume, l’exemple des plus horribles noces qui furent peut-être jamais célébrées ? N’y a-t-il donc parmi les architectes, les décorateurs, les tapissiers français, personne qui comprenne que les images représentent quelque chose, que les images agissent sur l’esprit et le cœur, qu’elles produisent des impressions, qu’elles éveillent des pressentiments ?

A contrario, il célèbre une autre tapisserie déployée pour accueillir la jeune dauphine. La pièce reprenait la célèbre fresque de Raphaël, L’École d’Athènes. C’est à travers elle que Goethe découvre avec ravissement l’art italien de la Renaissance. Il y voyait l’expression du juste et du parfait, résume Florian Siffer, commissaire de l’exposition Goethe à Strasbourg.

  • Visite virtuelle de l‘exposition de Strasbourg : vidéo de 11 minutes. Présentation par le commissariat de l’exposition, Florian Siffer, responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins, et Aude Therstappen, conservatrice en charge des collections germaniques et scandinaves de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ».

C. Acte officiel de la remise de la dauphine Marie-Antoinette au royaume de France. Source. Archives de Strasbourg. Actes constitutifs et politiques de la commune, correspondance politique, archives du Prêteur royal (XIIe – XVIIIe siècle) dans les archives de la Ville antérieures à 1790.

Un rite qui obéissait à un protocole très strict…

« L’acte de remise de Madame la Dauphine en une halle construite dans une Isle du Rhin près de Strasbourg » date du 7 mai 1770.

Ce document manuscrit de plusieurs pages relate avec minutie les détails de la cérémonie du passage à Strasbourg de Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, dauphine de France (1755-1793) avant son mariage officiel avec le dauphin à Versailles, à savoir :

  • l’annonce faite par le duc de Choiseul de la prochaine arrivée de la princesse,
  • la relation détaillée des fêtes et cérémonies qui ont eu lieu à cette occasion,
  • les minutes des harangues adressées à la princesse,
  • la correspondance du magistrat et de M. d’Autigny, Prêteur royal, avec le duc de Choiseul,
  • des listes nominatives des dames de la noblesse d’Alsace présentées à Marie-Antoinette et des personnes de sa suite,
  • des états de répartition de 2500 ducats aux bas-officiers de la princesse et des 50 louis qu’elle a fait donner à l’écuyer de la ville,
  • un compte des dépenses occasionnées par la construction et l’ameublement de la maison destinée à la cérémonie de la remise de Marie-Antoinette et par les fêtes données en son honneur,
  • des pièces relatives à l’établissement d’une route à travers les banlieues de Hoerdt et de Niederweyer, pour faciliter le voyage de Marie-Antoinette,
  • une indication de l’itinéraire suivi par la princesse depuis Vienne jusqu’à Strasbourg ».

… et qui constituait un passage obligé dans la vie d’une future souveraine de France.

« Le symbole le plus visible de ce rite de remise de l’épouse était le bâtiment construit en bois sur l’île aux Épis, une zone neutre au milieu du Rhin, entre les villes de Kehl et de Strasbourg, où la jeune Marie-Antoinette venant de Vienne après près de trois semaines de voyage, était arrivée dépouillée de ses vêtements et de ses biens d’origine avant de repartir avec ses nouveaux habits de princesse française.

Les deux entrées du bâtiment ont été disposées de telle sorte qu’elle y entre du côté autrichien et en ressorte du côté français : pour Marie-Antoinette, c’était ainsi un rite de passage de sa vie de jeune fille à sa vie de femme.

Une fois entrée dans la ville de Strasbourg, elle a été reçue au palais épiscopal par le cardinal de Rohan et le soir même du 7 mai 1770, elle s’est rendue au spectacle à la Comédie.

Elle a quitté Strasbourg le lendemain pour cinq jours de voyage au bout duquel elle rencontrera enfin le dauphin à qui elle est promise.

C’est le 16 mai 1770 que Marie-Antoinette l’épousera à Versailles et c’est le 18 mai 1774, à la mort du roi Louis XV, qu’elle deviendra reine de France, à l’âge de 18 ans ».

D. La colère provoquée par le passage à Strasbourg de Marie-Antoinette en 1770. Source : Blog Antonia Forum actif

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