Suite de la chronique sur le changement de nom de l’Université de Paris : Université de Paris Quartier Latin. La sommation du Conseil d’État et la polémique qui s’en est suivie n’auraient pas dû exister.
Le problème n’est pas tant celui de la dissémination du nom de Paris dans les titres des universités que celui de la complexification pitoyable du tissu universitaire en région francilienne. Subsiste une première strate historique : celle des trois formes de regroupement de la loi Fioraso : fusion, communauté d’établissements (COMUE), association. Se dessine une seconde strate, celle de la création en 2018 d’Établissements Publics Expérimentaux.
L’université de Paris est un EPE. Une histoire pas drôle de gouvernement par les bureaux.
- Vu la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, notamment son article 52 ;
- Vu l’ordonnance n° 2018-1131 du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Université de Paris. Le décret fondateur du 20 mars 2019 crée une pléthore de structures qui constituent un écheveau organisationnel inextricable, entraînant des coûts de coordination élevés, une centralisation des décisions dans les équipes de direction et les services centraux. L’université de Paris, une bureaucratie galopante… en excellente santé. Un établissement expérimental pour arriver à un résultat confondant. Tout ça pour ça !
Le décret et son annexe statutaire sont très longs pour ne pas dire bavards. Croyant pouvoir anticiper toutes les facettes de la réalité universitaire, le décret fait rentrer les détails de l’organisation dans un processus centralisateur. Ce faisant, il commet une analyse organisationnelle erronée : les détails fixés en amont de l’existence de l’université bloquent d’emblée les expérimentations qu’elle voudrait tenter pour prendre en compte telle ou telle évolution de son environnement. Il est d’ailleurs paradoxal d’avoir glissé l’Établissement Public Expérimental dans une loi sur la Société de confiance ; l’effet produit est l’inverse de celui recherché : les détails institutionnalisent une Société de méfiance.
Pire : des soi-disant détails, cachés sous le tapis, ont un effet dévastateur quand leur contenu est révélé. Ainsi en va-t-il de l’affaire du « charnier » de Descartes révélée en particulier par Le Monde. « Frédéric Dardel, l’ex-président de l’université de 2011 à 2019, a été mis en examen, le 4 juin, du chef d’atteinte à l’intégrité d’un cadavre portant sur les conditions de conservation et de mise à disposition des corps au sein du Centre du don des corps (CDC). Situé rue des Saints-Pères, dans le 6e arrondissement de la capitale, le CDC est le plus grand centre anatomique de France, fondé en 1953 et rattaché à l’université de Paris (Descartes)« . Le CDC n’est évidemment pas mentionné dans le décret statutaire.
L’évolution des universités vers une centralisation et une présidentialisation renforcée de leur gouvernance n’est pas nouvelle. Nous l’avions observée en France et en Italie lors de notre recherche sur les Présidents français et les Rettori italiens, il y a près de 20 ans (article en ligne : Pierre Dubois, Stefano Boffo, La faiblesse de l’instance législative dans les universités. Le cas de la France et de l’Italie, Revue Internationale des Sciences Administratives, Vol 71 (1), mars 2005, pp. 35-54).
Attention : lire la suite en cliquant sur les pages 2, 3, ou 4.