Mon ami Richard Biéganski est décédé à Marseille le 25 août 2020, à l’âge de 77 ans. Mes pensées les plus attristées pour ses proches.
J’ai tant de choses à raconter (notre amitié a duré 55 ans – 1965-2020) que je vais consacrer trois chroniques à Richard. Celle d’aujourd’hui concerne le métier de sociologue, les conclusions que nous avons tirées de l’exercice de cette profession. Je dirai dans une seconde chronique pourquoi Richard me paraissait incarner une société plus humaine pour l’après-covid, une société s’appuyant sur la pluriactivité et la frugalité.
Diaporama de 23 photos : le métier de sociologue

Marseille. Originaire du bassin minier du Pas-de-Calais, Richard a pourtant vécu 30 ans dans cette ville compliquée mais attachante. L’âge de la retraite venu, il aimait descendre du Panier, le quartier où il avait élu domicile, proche de son ancien lieu de travail à la Joliette, de la cathédrale La Major, pour aller admirer le coucher du soleil dans la Méditerranée ; il estimait que rien n’était plus beau.

Mais, ces derniers temps, atteint d’emphysème, la marche lui devenait de plus en plus pénible. J’aime croire que, une dernière fois avant d’être hospitalisé pour sa fin devenue certaine, le soleil rouge, plongeant doucement dans la mer, l’a rendu heureux.

Juillet 2919, sur la terrasse du Mucem, Richard et moi après un déjeuner d’une demi-douzaine d’huitres et d’un verre de Muscadet. Je ne savais pas que ce serait notre dernière rencontre en face à face.

Juin 1966. Douze étudiants obtiennent une licence de sociologie à la Faculté des Lettres de Lille. Ce diplôme avait été créé en 1958. Mais du fait de ce faible effectif, beaucoup de cours étaient mutualisés avec les étudiants en philosophie, en psychologie, en économie politique.
Juillet 1965. Cinq de ces douze étudiants en sociologie de Lille sont invités par Pierre Bourdieu pour un stage d’une semaine dans son centre de recherche de la rue Monsieur le Prince dans le 6ème. Séminaires de recherche, travaux pratiques sur les données d’enquête sur la pratique sociale de la photographie, sur la fréquentation des musées. Nous logions dans le pavillon du Maroc à la Cité internationale. Jacques-Yves Eloy nous avait photographiés, Richard et moi, dans le Jardin du Luxembourg. Daniel Chave, décédé en 2011, avait aussi participé à ce stage (chronique du blog : Daniel Chave, la soude aux soudeurs).

Toute notre vie, nous avons été fiers d’avoir eu, parmi nos maîtres, Pierre Bourdieu. Aussi, nous nous sommes précipités quand une exposition, à Marseille en 2009, a été consacrée aux photos qu’il avait prises en Algérie.

Un autre de nos maîtres lillois : Jean-René Tréanton, coauteur du Traité de Sociologie du Travail au milieu des années 60. Il avait mis en place un certificat optionnel Introduction à la Sociologie du Travail. Nous avons suivi ces cours et réussi les examens en septembre 1966. Jean-René a été déterminant pour notre accès à un emploi dans le champ de sociologie de la formation, du travail, de la négociation collective, de l’emploi.
Jean-René est décédé en décembre 2015, dans sa 91ème année. Richard et moi, nous lui avions rendu visite au cours de l’été précédent, dans sa maison de Bretagne, à l’heure de l’apéro. Retrouvailles fort émouvantes. Un hommage collectif lui a été rendu en décembre 2016 ; quatre des douze diplômés de 1966 étaient présents : Jacques-Yves Eloy, Michel Davaine, Richard et moi.

Trois périodes dans la trajectoire professionnelle de Richard Biéganski. Après la licence, il n’a pas poursuivi en doctorat.
A. Une première période de travail, à Lille, consacrée à des études régionales pilotées par Jean-René Tréanton : recourir à la recherche en sociologie pour changer la société.
1973. L’accord national interprofessionnel de 1970 et la loi sur la formation professionnelle continue de 1971 conduisent à la création de l’Agence nationale pour le développement de l’éducation permanente, établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du Ministère de l’Éducation nationale, créée par décret du 13 février 1973.
B. Deuxième étape de la trajectoire. Richard saisit cette opportunité de recherche. Il est embauché par l’ADEP. Il déménage à Paris avec sa famille.
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