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1763. Rêver une Amérique française

1763. Dernière année de la guerre de Sept ans : les vainqueurs sont les anglais, les vaincus sont les français (perte du Canada). La Guyane devient le dernière rêve de l’Amérique française.

Suite de la chronique 24 décembre 1770. Choiseul exilé. La décision de Choiseul, en 1763, de créer en Guyane une colonie idéale aboutira à un échec retentissant (17 000 morts en deux ans). Il aurait été logique de compter ce fiasco comme facteur de disgrâce du puissant ministre de Louis XV. Ce ne fut pas le cas.

Partie 1. La Guyane, le dernière rêve de l’Amérique française. Source : ouvrage de Marion F. Godfroy, éditions Vendemiaire*, 2014, 318 pages.

« Créer en Guyane une colonie idéale. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants parcourant à pied  les routes de France d’est en ouest pour arriver au port de la Rochelle et de là embarquer pour Cayenne : c’est l’extraordinaire aventure que mit en œuvre, en 1763, le duc de Choiseul, dans l’idée de faire pièce à la domination anglaise outre atlantique, et de créer en Guyane une colonie idéale d’où serait banni l’esclavage…

Une histoire de rivalités internationales, entre la France et l’Angleterre, victorieuse de la guerre de Sept ans et triomphante en Amérique du nord. Une histoire de clans concurrents dans l’orbite du pouvoir, de faveur et de disgrâce, Turgot contre Choiseul, et d’un idéal des Lumières dévoyé.

Bilan : 17 000 morts« .

Partie 2. Les Jésuites en Guyane à partir de 1668. Deux sources :

« Présentation générale des résultats des interventions archéologiques conduites à Loyola, une habitation exploitée par les jésuites en Guyane, à partir de 1668 et jusqu’à leur interdiction en 1763. L’habitation Loyola, située à Rémire, à 10 km de Cayenne, couvre une superficie d’un peu plus de 1 000 hectares. Jusqu’à 500 esclaves y travaillèrent à produire des biens dont les revenus finançaient le grand projet des religieux en Amérique : l’évangélisation des Amérindiens par le biais des missions. Cet établissement illustre, de façon éloquente, la relation particulière qu’entretint l’église catholique avec le système esclavagiste.

Historique de cette habitation et de la place qu’occupaient les missionnaires dans cette aventure coloniale. Les recherches ont mis au jour la maison de maître et ses dépendances, la chapelle et le cimetière, une forge, une poterie, une manufacture sucrière complète (moulins, chaufferie, purgerie et étuve) une caféterie, une indigoterie… Un très abondant mobilier céramique, verrier et métallique a été recueilli au cours des opérations archéologiques ; il permet de préciser les conditions de vie et les relations commerciales de cette habitation, exceptionnelle par ses dimensions mais représentative de l’économie coloniale à cette époque.

Une entreprise de mise en valeur du site est actuellement engagée, elle vise à révéler au public un lieu illustrant, de façon éloquente, la mémoire de l’esclavage en Guyane ».

Partie 3. Histoire de la Guyane au 18ème siècle. Source : extraits de l’article de Wikipédia.

« En 1713, le traité d’Utrecht considère le fleuve Maroni comme la frontière ouest de la Guyane française. Par ce traité, le roi Louis XIV abandonne totalement le bassin de l’Amazone aux Portugais, mais la difficulté à fixer les frontières géographiques en Amazonie va être la source de disputes durant deux siècles. Les deux parties ne cessent de rechercher l’extension de leur territoire respectif par l’installation de postes militaires, de missions religieuses et de comptoirs commerciaux. Ces disputes se termineront en 1900 par un arbitrage suisse qui fixe la frontière entre le Brésil et la France.

Vers 1750, de nombreux Amérindiens s’installent sur le territoire.

En 1762, les Jésuites sont expulsés de la Guyane sur ordre de Louis XV : l’expulsion précède l’implantation en Guyane par la volonté du ministre français Choiseul d’une nouvelle colonie de peuplement ; des milliers de personnes sont envoyées de France pour accélérer de manière décisive la colonisation des terres. Cette politique volontariste échoue car rien n’a été préparé pour les accueillir.

En 1763, une campagne de propagande principalement menée en Alsace et en Lorraine conduit environ 15 000 Français dont 12 000 Alsaciens et Lorrains vers le port de Rochefort, à destination des savanes de l’Ouest guyanais. En effet, après la perte du Québec, Choiseul veut faire de la Côte Sauvage une nouvelle colonie de peuplement afin de réaffirmer la position française en Amérique.

Choiseul, qui s’imagine la Guyane comme un paradis luxuriant, a une méconnaissance totale du terrain. Le projet colonial est réalisé dans l’approximation. Les colons, dont un certain nombre est déjà malade sur le bateau surpeuplé, débarquent à Kourou en pleine saison des pluies et dans les marais. 12 000 colons meurent dans l’année de maladies (dysenterie, fièvre jaune, syphilis, paludisme). L’expédition, menée par Choiseul, est un cuisant échec, le paradis guyanais se transforme en enfer. Une soixantaine de familles de survivants au désastre de Kourou se réfugient sur le petit archipel en face de Kourou, baptisé Îles du Salut pour l’occasion, avant de retourner en France.

En 1776, un gouverneur compétent est enfin nommé. Pierre-Victor Malouët, secondé par l’ingénieur Joseph Guisan, d’origine suisse, entreprend un programme de réforme de l’agriculture et d’aménagement de territoires agricoles. Le territoire va connaître une période de relative prospérité jusqu’à la Révolution française.

À partir de 1792, la Révolution fait de Cayenne un lieu de déportation pour les prêtres réfractaires et les ennemis politiques de la Révolution. Le premier bagne, celui de Sinnamary, est créé. Jusqu’en 1805, le territoire est un lieu de déportation pour les opposants politiques aux différents régimes qui se succèdent en France.

En 1794, la République Française abolit l’esclavage mais remplace les esclaves par les religieux français et belges. C’est le conventionnel André Pomme, premier député de Guyane, qui est à l’origine du projet de déportation des religieux français et belges ».

Partie 4. Guyane Française, Données historiques. Source : université Laval.

« Après 1763, la Guyane était demeurée française à la faveur d’une violente tempête qui avait empêché les Britanniques de s’en emparer. Elle restait donc sur la liste des rares colonies françaises à développer. La perte du Canada pouvait être compensée en quelque sorte par la colonisation de la Guyane. Le duc de Choiseul voulait en faire un nouveau Canada sous le nom de France équinoxiale, parce que la durée des jours et des nuits y reste approximativement la même tout au cours de l’année ».

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Rochefort et la Charente (17-19ème)

Rochefort et la Charente du 17ème au 19ème siècle. Suite de la chronique Turgot et la Charente (1772-1773). Le pont suspendu de Tonnay-Charente.

La Charente en Charente maritime : la marée à Rochefort, l’aménagement et la défense de l’estuaire à Port des barques, le canal de Brouage, l’assainissement au 18ème et 19ème siècles (page 2, cliquer ici), le pont transbordeur entre Rochefort et Échillais (page 3, cliquer ici).

Quatre diaporamas (63 photos).

Carte de 1689

Partie 1. De la création de l’Arsenal de Rochefort en 1666 à l’aménagement d’un système militaire complet, pour empêcher un ennemi éventuel de remonter l’estuaire de la Charente jusqu’à Rochefort. Source : extraits de Moisdon Pascale, présentation de la vallée de la Charente en Charente-Maritime, dossier d’aire d’étude.

« Rendu navigable à partir d’Angoulême par des aménagements pratiqués au Moyen Âge, le fleuve a permis le développement d’une myriade de petits ports et de quelques places plus importantes, comme celles d’Angoulême, Cognac, Saintes, Taillebourg ou Tonnay-Charente ».

Néanmoins, entre l’océan et Rochefort, la marée se fait puissamment sentir et rend difficile ou impossible la navigation à marée basse étale.

Diaporama 1 (14 photos). Marée basse à Rochefort

« A partir de 1666 et l’implantation de l’arsenal à Rochefort, l’accroissement du trafic fluvial pour l’alimentation de l’établissement en matériaux, vivres et marchandises manufacturées, stimule l’économie des communes traversées mais aussi celles alentours. Le rôle joué par Rochefort dans les échanges avec les colonies, en augmentant encore les besoins, participe de ce mouvement.

L’établissement militaire, qui se déploie sur la rive droite à Rochefort, possède un certain nombre de sites annexes dans l’estuaire : bassins ou fosses à bois, fontaine, magasins à poudre… En outre, des redoutes et des forts y sont édifiés pour protéger l’arsenal de toute incursion ennemie, ainsi que des phares pour guider les vaisseaux dans l’entrée du fleuve ».

Le fort Lupin (1685-1689).

La fontaine royale de Lupin « construite en 1676, reconstruite en 1763 en aval de fort Lupin, c’est la première source captée puisque son origine remonte à la fondation de l’arsenal de Rochefort pour permettre aux navires de se ravitailler en eau potable ».

Diaporama 2 (18 photos). Fontaine royale de Lupin

En mars 1780, La Fayette repart en Amérique à bord de la frégate Hermione. Il aurait embarqué à la Fontaine de Lupin, pour éviter le lent et long trajet naval depuis Rochefort. Il arrivera à Boston le 27 avril.

Partie 2. Le canal de Brouage, devenu canal de la Bridoire, relie la Charente à la Seudre. Source : inventaire Nouvelle Aquitaine

Diaporama 3 (15 photos). La citadelle et le canal de Brouage

« Le Canal de Brouage est le seul canal navigable aménagé dans les marais des environs de Rochefort. La carte de l’embouchure de la Charente relevée en 1704 par Claude Masse montre qu’il emprunte, au moins partiellement, l’ancien lit de la rivière d’Arnou ou de Pont-L’Abbé qui meut le moulin de la Bridoire situé à son embouchure. Sur cette carte, les terres basses alentour sont des marais. Ce canal est réalisé en plusieurs campagnes de travaux ; le projet initial qui prévoyait de relier Rochefort à Brouage est complété par une jonction avec la Seudre ».

« L’aménagement de la première partie d’une quinzaine de kilomètres entre Brouage et Rochefort est commencé entre 1782 et 1785 sous la direction de l’intendant Réverseaux ; en même temps sont ouverts les canaux de Broue et de Mérignac. Le canal de la Bridoire doit faciliter la navigation entre la mer et la Charente, tout en assainissant par un ensemble de canaux et de fossés les territoires marécageux de Pont-l’Abbé-d’Arnoult et de Champagne, dans les marais de Brouage. François Philibert Boischot, adjudicataire des ouvrages de dessèchement des marais de Rochefort en 1783, est chargé de ceux nécessaires à l’ouverture de ce canal.

Après avoir été interrompus une vingtaine d’années, les travaux reprennent sous la direction des ingénieurs Champion de la Bretonnière et Masquelez, au début du 19e siècle. La partie déjà réalisée est curée et deux écluses sont construites, l’une à l’embouchure du canal dans la mer, l’autre à celle de la Bridoire. Le canal, ainsi rendu navigable à partir de 1807, sert au transport de sels, de vins, d’eaux-de-vie et de bois de construction.

Pour permettre la navigation, le canal fait 17 mètres de large avec une profondeur de 2,50 mètres. Des gares et des élargissements pratiqués à chacune de ses inflexions servent de points de repos et facilitent le croisement des bateaux de fort tonnage à fond plat. Ainsi, les chargements peuvent partir de Brouage et remonter la Charente directement, sans subir de transvasements entre des bâtiments de mer et des bateaux de faible tirant. Deux fois par an, pour l’entretien du canal, il est nécessaire de faucher, de réparer les talus et banquettes et d’effectuer son curage. Le halage se fait à bras d’hommes et par chevaux ».

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1776-1789. L’abolition des Corvées

Louis XVI est roi depuis la mort de son grand-père, Louis XV, le 10 mai 1774. Les six édits de Turgot (février 1776) concernent :

  • la suppression des jurandes et maîtrises.
  • la suppression de la Caisse de Poissy.
  • la suppression des droit de hallage sur les grains.
  • la suppression des charges sur les ports.
  • la diminution des droits sur les suifs.

Ouvrage de référence Anne Conchon, La corvée des grands chemins au 18ème siècle, Presses universitaires de Rennes, 2016. Chapitre VII. Trouver une alternative à la corvée, p. 229-276.

Partie 1. Évolution des Corvées au 18ème siècle. Source : Anne Conchon, Le temps de travail en quête de mesure. La corvée royale au 18ème siècle, Genèses 2011/4, (n° 85), pages 50 à 69.

1738. Généralisation de la corvée royale, travail imposé d’entretien des voies et ouvrages d’art publics : routes, ponts, fossés, palissades.. Elle est amorcée en 1738 par les mesures du contrôleur général des finances Philibert Orry et permet d’agrandir et moderniser le réseau des routes en France.

1776 (5 janvier). Turgot, contrôleur général des finances, présente au roi six projets d’édits.

1776 (janvier). Discussions au sein du Conseil royal. La taxation en argent (au lieu de la corvée) concernait les privilégiés (Noblesse et Clergé). Maurepas et Miromesnil obtiennent finalement l’exemption du Clergé.

1776 (février). Suppression des corvées par édit royal.

1776 (11 mars). Le Parlement s’opposant à l’édit, Louis XVI tient un lit de justice le 11 mars pour le lui imposer.

1776 (12 mai). Renvoi de Turgot.

1776 (11 août). Successeur de Turgot : Clugny, ancien intendant de Guyenne : puisqu’il faut faire parler de soi, je puis toujours culbuter d’un côté ce que M. Turgot a culbuté de l’autre. Il rétablit ainsi les corvées, laissant toutefois liberté aux intendants de leur substituer une taxe en argent.

1777 (8 septembre). Quelques mois après sa nomination comme Directeur général des finances, Necker adresse le 8 septembre aux intendants un questionnaire comportant quatorze items. Cette enquête a d’abord vocation à estimer le nombre de travailleurs nécessaires à la construction et à l’entretien des routes afin d’évaluer le coût de la dépense à engager.

1787 (27 juin). La corvée royale est supprimée définitivement par Ordonnance.

1789 (4 août). La corvée seigneuriale est abolie.

Partie 2. Turgot et les Corvées. Source : Benoît Malbranque, La suppression des corvées par Turgot (février 1776), Institut Coppet, mars 2016.

Turgot. Je crois la corvée injuste en ce que c’est une charge qui ne tombe que sur un certain nombre de paroisses que le hasard rend voisines des grands chemins. Je la crois encore plus injuste, en ce que le fardeau en retombe uniquement sur les journaliers et les laboureurs qui sont les moins intéressés à la bonté des chemins, dont les seuls propriétaires de terre profitent par l’augmentation de leurs revenus. Je crois d’ailleurs impossible de mettre une règle certaine dans leur administration. 

« Arrivé dans Limousin, Turgot comprenait l’ampleur du mal et anticipait parfaitement sa cause. Il songea à remplacer purement et simplement le système des corvées, cet impôt en nature, par une imposition plus juste : une taxe en argent. Sous ce système, le pauvre paysan contribuerait par son argent à la construction ou la réparation de la route et n’irait pas la construire ou la réparer lui-même. Ce difficile travail serait laissé à des spécialistes, rémunérés par les fonds perçus de l’impôt. La construction des routes est un art qui a ses principes et ses règles, ignorés du vulgaire, à plus forte raison des paysans, fera plus tard remarquer Gustave d’Hugues avec raison.

Après son expérience réussie dans le Limousin, Turgot, devenu ministre, supprimera les corvées pour le pays entier. Condorcet, qui le soutenait ardemment dans cette lutte, écrira que cette abolition devait être pour les paysans un bien inappréciable. On peut calculer ce que cette suppression peut épargner d’argent au peuple, ajoutera-t-il, mais ce qu’elle lui épargnera du sentiment pénible de l’oppression et de l’injustice est au-dessus de nos méthodes de calcul. 

Autre grand partisan de la réforme, Voltaire écrira : Je suis enchanté des édits sur les corvées et sur les maîtrises. On a eu bien raison de nommer le lit de justice, le lit de bienfaisance ; il faut encore le nommer le lit de l’éloquence digne d’un bon roi. Lorsque maître Séguier lui dit qu’il était à craindre que le peuple ne se révoltât, parce qu’on lui ôtait le plaisir des corvées, et qu’on le délivrait de l’excessif impôt des maîtrises, le roi se mit à sourire, mais d’un sourire très dédaigneux. Le siècle d’or vient après un siècle de fer. À un autre correspondant, il dira plus simplement : L’abolition des corvées est un bienfait que la France n’oubliera jamais.

Partie 3. Un livre sur Louis XVI, Jean-Christian Petitfils, éditions Perrin, nouvelle édition novembre 2015, 1116 pages, pages 221-222.

Partie 4.  Édit de suppression des corvées (février 1776). Source : texte intégral publié par l’Institut Coppet en 2016.

L’utilité des chemins destinés à faciliter le transport des denrées a été reconnue dans tous les temps. Nos prédécesseurs en ont regardé la construction et l’entretien comme un des objets les plus dignes de leur vigilance.

Jamais ces travaux importants n’ont été suivis avec autant d’ardeur que sous le règne du feu roi, notre très honoré seigneur et aïeul. Plusieurs provinces en ont recueilli des fruits par l’augmentation rapide de la valeur des terres.

La protection que nous devons à l’agriculture, qui est la véritable base de l’abondance et de la prospérité publique, et la faveur que nous voulons accorder au commerce comme au plus sûr encouragement de l’agriculture, nous feront chercher à lier de plus en plus par des communications faciles toutes les parties de notre royaume, soit entre elles, soit avec les pays étrangers.

Désirant procurer ces avantages à nos peuples par les voies les moins onéreuses pour eux, nous nous sommes fait rendre compte des moyens qui ont été mis en usage pour la construction et l’entretien des chemins publics.

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1787. L’Assemblée des Notables

Louis XVI et Charles-Alexandre de Calonne, l’Assemblée des Notables (février – mai 1787).

Chronique en 4 parties. Partie 1. L’Assemblée des Notables, décision de Louis XVI pour soutenir les réformes de Calonne. Partie 2. Calonne, Contrôleur général des finances (1783-1787). Partie 3. L’Assemblée des Notables  : accès à certaines des sources originelles publiées sur Gallica bNF. Partie 4. Un chapitre de livre et deux articles sur l’Assemblée des Notables.

Partie 1. L’Assemblée des Notables. Source : article éponyme sur Wikipédia.

« L’Assemblée des notables convoquée par Louis XVI eut lieu en deux temps : une première réunion du 22 février au 25 mai 1787 et une seconde du 6 novembre 1788 au 12 décembre suivant.

Louis XVI convoqua la première assemblée le 29 décembre 1786 dans le but de soumettre le programme de redressement financier proposé par son ministre Calonne. Le projet, exposé par ce dernier au roi le 20 août 1786, prévoyait de combler le déficit en établissant un impôt, la subvention territoriale, s’appliquant sur les terres jusqu’alors libres de droits. Le programme comprenait aussi l’impôt du timbre et la suppression des corvées. Le parlement refusa au préalable d’enregistrer ces mesures, prétextant qu’aux États généraux seuls appartenait le droit de les établir. Ce refus entraîna la convocation de l’Assemblée des notables.

L’assemblée des notables, dont les membres sont nommés par le roi, comprenait les 7 princes du sang majeurs (le comte de Provence , le comte d’Artois, frères du roi, le duc d’Orléans, le prince de Condé, son fils, le duc de Bourbon, son petit-fils, le duc d’Enghien, le prince de Conti), 7 archevêques, 7 évêques, 6 ducs et pairs, 6 ducs non pairs, 8 maréchaux de France, des intendants, des parlementaires, des députés des pays d’États, des représentants des corps de ville des plus grandes cités du royaume, soit au total 147 personnes. Composée de propriétaires, elle était très majoritairement hostile aux réformes projetées ».

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« Prévue initialement le 29 janvier 1787, l’assemblée ne va tenir sa première réunion dans l’hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles que le 22 février 1787 en raison d’une indisposition de Calonne, ce qui laisse le temps à l’opposition aux réformes de s’organiser. L’assemblée constitue sept bureaux pour examiner le plan du ministre. Un seul bureau l’approuve, celui que préside le comte d’Artois ».

« Le premier bureau, présidé par le comte de Provence, le déclare « inconstitutionnel ». Les autres, sans rejeter les réformes, les déclarent inapplicables, et présentent des contre-propositions qui les dénaturent. Tous feignent de découvrir l’ampleur du déficit et s’en insurgent à plaisir. Calonne, irrité, fait imprimer ses rapports, ce qui achève de lui aliéner la Cour. »Le premier bureau, présidé par le comte de Provence, le déclare « inconstitutionnel ». Les autres, sans rejeter les réformes, les déclarent inapplicables, et présentent des contre-propositions qui les dénaturent. Tous feignent de découvrir l’ampleur du déficit et s’en insurgent à plaisir. Calonne, irrité, fait imprimer ses rapports, ce qui achève de lui aliéner la Cour.

De tous les partis, c’est le clergé qui se montre le plus virulent. Les gazetiers et les libellistes, de leur côté, raillent l’assemblée de notables, accusée d’être à la solde du pouvoir, piquant l’amour-propre de certains députés, encouragés dès lors à faire preuve d’indépendance.

Des caricatures circulaient dans lesquelles Colonne Cuisinier (comme singe) à un comptoir Buffet de la Cour déclare devant un troupeau de volailles : mes chers administrés, je vous ai rassemblés pour savoir à quelle sauce vous voulez être mangés – Mais nous ne voulons pas être mangés du tout !!! – Vous sortez de la question …« 

« Calonne soutenu seulement par le comte d’Artois et le clan Polignac, haï par Marie-Antoinette, est lâché par Louis XVI le 10 avril. L’assemblée des Notables est également remerciée  le 25 mai« .

Partie 2. Charles-Alexandre de Calonne, Contrôleur général des finances, ministre d’État. Source : extraits de l’article Calonne sur Wikipédia.

« Calonne, Contrôleur général des finances depuis novembre 1783, va se trouver acculé à entreprendre des réformes de fond au moment même où il a perdu le soutien de l’opinion. En 1786, la situation des finances apparaît en effet catastrophique : avec la disparition du troisième vingtième, le déficit prévu pour 1787 excède 100 millions, alors que les parlements refusent tout nouvel emprunt.

Le 20 août 1786, Calonne adresse à Louis XVI le Précis d’un plan d’amélioration des finances dans lequel il propose de « revivifier l’État entier par la refonte de tout ce qu’il y a de vicieux dans sa constitution ». Il s’agit notamment de supprimer les douanes intérieures, de supprimer les traites, de réduire la taille, de remplacer les corvées par une prestation en argent, de transformer la Caisse d’escompte en une banque d’État et surtout de créer de nouveaux impôts en taxant les propriétés de la noblesse et du clergé.

Le point central du projet de réforme est en effet la création d’une subvention territoriale, impôt unique qui remplacerait les anciens vingtièmes, et qui devrait surtout frapper tous les revenus fonciers sans distinction de privilèges. À la différence des vingtièmes, en principe provisoires, la subvention territoriale doit être perpétuelle. D’autre part, alors que les vingtièmes ménageaient des possibilités de rachats, d’abonnements et d’exemptions, la subvention territoriale serait payée par tous sans exception. Enfin, alors que les vingtièmes étaient assis sur les déclarations des contribuables, la subvention serait répartie par des assemblées provinciales. Celles-ci seraient au sommet d’une pyramide d’assemblées locales (assemblées paroissiales et municipales, assemblées de districts) élues par les contribuables. Les assemblées seraient élues par les propriétaires, sans distinction de statut social et aideraient l’intendant à répartir l’impôt.

Au départ, Louis XVI a soutenu fermement son ministre. Il a approuvé tous les plans soumis à l’assemblée des notables et n’a cessé d’encourager le contrôleur général. Pourtant, il va brutalement lui retirer son soutien : le 10 avril 1787, sans qu’aucun signe avant-coureur ne l’ait laissé pressentir, Calonne est remercié ; en juin, il se décide à l’exil, dans les Pays-Bas autrichiens, puis à Londres.

Plusieurs explications ont été avancées au brusque revirement de Louis XVI : on a évoqué la perte du soutien de Vergennes, mort le 13 février ; l’hostilité du baron de Breteuil, avec qui Calonne vient de se brouiller ; l’intervention de Marie-Antoinette, qui n’a jamais beaucoup apprécié le contrôleur général ; l’accusation portée par le marquis de La Fayette, d’avoir vendu des domaines de la couronne pour deux millions, sans en avertir Louis XVI. Mais sans doute la principale cause de la disgrâce de Calonne doit-elle être recherchée dans la clameur de l’opinion publique.

De fait, lorsque la nouvelle de son renvoi se répand, la joie est générale à Paris, où l’on accusait Calonne de vouloir augmenter les impôts et où on l’avait surnommé Monsieur Déficit. En réalité son plan audacieux de réformes aurait peut-être pu sauver la monarchie s’il avait été soutenu jusqu’au bout par le Roi. Mais il ne l’aurait fait qu’au prix d’une transformation en profondeur de son esprit, avec la remise en cause de la division en trois Ordres« .

Partie 3. L’Assemblée des Notables : accès à certaines des sources originelles, publiées in extenso sur Gallica BNF.

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L’agriculture au siècle des Lumières

L’agriculture au siècle des Lumières. Chronique en quatre parties : 1. Agriculture dans l’encyclopédie, 2. Le rôle de Bertin, 3. Les Sociétés royales d’agriculture, 4. L’émergence d’une médecine vétérinaire.

Partie 1. Agriculture. Source : extraits du long article de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, volume 1, 1751, pages 183 à 190.

« L’agriculture est, comme le mot le fait assez entendre, l’art de cultiver la terre. Cet art est le premier, le plus utile, le plus étendu, & peut-être le plus essentiel des arts…

Henri III. Charles IX. Henri IV. se sont plûs à favoriser par des Reglemens les habitans de la campagne. Ils ont tous fait défenses de saisir les meubles, les harnois, les instrumens & les bestiaux du Laboureur. Louis XIII. & Louis XIV. les ont confirmés. Cet article n’auroit point de fin, si nous nous proposions de rapporter toutes les Ordonnances relatives à la conservation des grains depuis la semaille jusqu’à la récolte. Mais ne sont-elles pas toutes bien justes ? Est-il quelqu’un qui voulût se donner les fatigues & faire toutes les dépenses nécessaires à l’agriculture, & disperser sur la terre le grain qui charge son grenier, s’il n’attendoit la récompense d’une heureuse moisson ?

La Loi de Dieu donna l’exemple. Elle dit : « Si l’homme fait du dégât dans un champ ou dans une vigne en y laissant aller sa bête, il réparera ce dommage aux dépens de son bien le meilleur. Si le feu prend à des épines & gagne un amas de gerbes, celui qui aura allumé ce feu supportera la perte ». La loi des hommes ajoûta : « Si quelque voleur de nuit dépouille un champ qui n’est pas à lui, il sera pendu, s’il a plus de quatorze ans ; il sera battu de verges, s’il est plus jeune, & livré au propriétaire du champ, pour être son esclave jusqu’à ce qu’il ait réparé le dommage, suivant la taxe du Préteur. Celui qui mettra le feu à un tas de blé, sera fouetté & brûlé vif. Si le feu y prend par sa négligence, il payera le dommage, ou sera battu de verges, à la discrétion du Préteur…

Pour cultiver les terres avec avantage, il importe d’en connoître la nature : telle terre demande une façon, telle autre une autre ; celle-ci une espece de grains, celle-là une autre espece. On trouvera à l’article Terre & Terroir en général ce qui y a rapport, & aux plantes différentes le terroir & la culture qu’elles demandent : nous ne réserverors ici que ce qui concerne l’agriculture en général ou le labour.

Proportionnez vos bêtes & vos ustenciles, le nombre, la profondeur, la figure, la saison des labours & des repos, à la qualité de vos terres & à la nature de votre climat.

Si votre domaine est de quelqu’étendue, divisez-le en trois parties égales ou à peu près ; c’est ce qu’on appelle mettre ses terres en soles.

Semez l’une de ces trois parties en blé, l’autre en avoine & menus grains, qu’on appelle mars, & laissez la troisieme en jachere.

L’année suivante, semez la jachere en blé ; changez en avoine celle qui étoit en blé, & mettez en jachere celle qui étoit en avoine.

Cette distribution rendra le tribut des années, le repos & le travail des terres à peu près égaux, si l’on combine la bonté des terres avec leur étendue. Mais le Laboureur prudent, qui ne veut rien laisser au hasard, aura plus d’égard à la qualité des terres qu’à la peine de les cultiver ; & la crainte de la disette le déterminera plûtôt à fatiguer considérablement une année, afin de cultiver une grande​ étendue de terres ingrates, & égaliser ses années en revenus, que d’avoir des revenus inégaux en égalisant l’étendue de ses labours ; & il ne se mettra que le moins qu’il pourra dans le cas de dire, nia sole de blé est forte ou foible cette année.

Ne dessolez point vos terres, parce que cela vous est défendu, & que vous ne trouveriez pas votre avantage à les faire porter plus que l’usage & un bon labourage ne le permettent.

Vous volerez votre maître, si vous êtes fermier, & que vous décompotiez contre sa volonté, & contre votre bail ».. .

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Partie 2. Henri-Léonard Bertin et le développement de l’agriculture au siècle des Lumières. Source : Note historique de Georges Pédro dans Sciences direct.

Partie 3. Les Sociétés royales d’agriculture (1757-1793). Source : extraits de l’article de Bernard Herencia. Histoire et contributions de leurs membres et correspondants au Journal de l’agriculture (1765-1783), Histoire des Techniques, X-1, 2022.

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1763. Bertin et la navigation fluviale

Le plan Bertin et la navigation fluviale (1763-1773). Chronique mobilisant le livre d’Éric Szulman, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime.

Le plan Bertin pour la navigation intérieure (1763-1773) était ambitieux. Il s’agissait de doter le Royaume de France d’un réseau connecté de fleuves, de rivières et de canaux, permettant de parcourir l’ensemble du territoire et ainsi de pouvoir à terme rejoindre toutes les mers qui baignent les côtes du pays.

Développer les voies navigables : problématique ancienne et contemporaine de l’Ancien Régime, mais aussi du monde d’aujourd’hui. Mener les études de faisabilité technique et financière, hiérarchiser et planifier les chantiers, assurer la construction et l’entretien.

L’idée novatrice de Bertin a été de vouloir se passer du système traditionnel de la concession à des entreprises privées à un système de financement public fondé sur le caractère non aliénable du domaine de la Couronne.

Le plan de Bertin tenait la route, mais il s’est heurté à des obstacles politiques et financiers. En dépit de son inventivité pragmatique (systèmes mixtes, temporaires ou différenciés selon les particularités de chacune des provinces du Royaume), la décennie Bertin n’a pas été couronnée de succès. Beaucoup de projets, mais aucune nouvelle voie d’eau d’ampleur.

Les travaux du canal de Bourgogne, serpent … de mer depuis le début du 17ème siècle, ne commenceront qu’en 1775 et ne seront terminés qu’en 1832.

Toutefois, le plan Bertin a eu un impact positif sur l’agriculture et les mines (chronique à venir), et a dessiné les prémisses de politiques publiques au niveau du Royaume et  des Provinces, s’appuyant sur une administration propre, coopérant avec des partenaires publics obligés (Ponts et Chaussées, Eaux et Forêts), inventant les montages financiers nécessaires.

Partie 1. Brève biographie d’Henri-Léonard Bertin (1720-1792)  

Source : extraits d’un article de Gabriel Arlet d’après Héphaistos à Sophie Antipolis, Gedim, 1991.

Henri-Léonard Bertin (1720-1792) succède, en novembre 1759, à Etienne de Silhouette dans le nouveau gouvernement formé autour du duc de Choiseul.

Portrait de Bertin par Alexandre Roslin

« Né à Périgueux en 1720 dans une famille de robe récemment anoblie, il a fait une carrière brillante et rapide. Maître des Requêtes en 1741, intendant du Roussillon en 1749, puis de Lyon en 1754, il est nommé intendant de Police trois ans plus tard. Cette fonction lui vaut d’être protégé par Madame de Pompadour et de compter parmi les familiers du roi. C’est un esprit « libéral », selon ce qu’entend Montesquieu.

Plein de bonne volonté, il va s’efforcer de réorganiser l’administration des provinces et durant les quatre années passées au contrôle général des Finances, il appuiera sans réserve l’action de Trudaine. Malheureusement, la dégradation de la situation financière provoquée par la guerre dite de Sept ans l’oblige, plus encore que ses prédécesseurs, à des réformes sévères et d’autant plus impopulaires, en particulier à l’établissement d’un cadastre qui doit conduire à une répartition plus équitable des impôts.

Devant l’insubordination générale et dangereuse des Parlements, Choiseul temporise, recule, cède et sacrifie Bertin. En décembre 1763, le duc abandonne le contrôle général à un représentant des opposants, le conseiller au parlement L’Averdy, dont l’inexpérience et la naïveté seront vite la risée des Parisiens toujours moqueurs.

Le roi n’a pu s’opposer au renvoi de Bertin mais il ne veut pas abandonner un ami. Un secrétariat d’État, le cinquième du ministère, est créé spécialement pour lui ».

Partie 2. Décembre 1763, Louis XV crée un Secrétariat d’État pour Bertin. Source : Archives nationales du ministère de la Culture.

« Ce cinquième secrétariat d’État fut créé, de façon tout à fait exceptionnelle, le 14 décembre 1763, au profit de Henri-Léonard Bertin, alors démissionnaire du contrôle général des finances qu’il occupait depuis 1759 après avoir exercé les fonctions d’intendant du Roussillon puis de Lyon et de lieutenant général de police de Paris.

Les attributions de ce secrétariat d’État, détachées du contrôle général des finances, comprenaient : la Compagnie des Indes, les manufactures de coton et de toiles peintes, les haras et les écoles vétérinaires, l’agriculture et les sociétés d’agriculture, les mines, la navigation intérieure, les canaux, les carrosses publics, fiacres et messageries, le roulage, les petites postes, les dépôts et collections de chartes, les loteries, l’échange de la principauté de Dombes, et, comme les autres secrétariats d’État, les dons, pensions, brevets et expéditions dépendant de son département.

Celui-ci, assez étendu, incluait la Guyenne, la Normandie, la Champagne, la principauté de Dombes, la généralité de Lyon, le Berry, les îles de France et de Bourbon et tous les établissements de la Compagnie des Indes.

1764. En butte aux empiètements du contrôle général des finances, Bertin abandonna dès 1764 la Compagnie des Indes et les manufactures de coton et toiles peintes. 

1773. Il se fit attribuer à grand peine les questions relatives aux biens communaux, aux défrichements et dessèchements. Le commerce ne fit jamais partie de ses compétences.

1774. Il réussit en revanche à concentrer les mines dont il conserva l’exclusivité, moyennant l’abandon de la navigation à l’intendant des finances chargé des ponts et chaussées.

1775. Turgot reprit les carrosses et messageries.

Privé de moyens financiers et de personnel compétent, le petit ministère de Bertin connut un échec relatif, sauf en ce qui concerne les mines. Sa suppression fut prononcée après la démission de son titulaire, le 26 mai 1780″.

Partie 3. Éric Szulman, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime. Naissance d’une politique publique, Presses universitaires de Rennes, Histoire, 2014, 376 pages. Publication sur OpenEdition Books (13 mai 2019).

Bonnes feuilles du chapitre III : diaporama de 15 photos.

Schémas

Partie 4. Compte-rendu de l’ouvrage par Pierrick Pourchasse. Source : Presses universitaires de Rennes, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2016/1, n° 123-1, pages 209 à 210.

« L’ouvrage d’Éric Szulman présente un sujet original : la politique des autorités françaises concernant les voies navigables entre 1660 et 1792. L’auteur interroge sur la longue durée les modalités de l’intervention publique dans la conception d’un réseau de circulation fluviale à l’échelle nationale. La volonté d’améliorer les voies d’eau du royaume devient une préoccupation publique au temps de Colbert ; les règles portant sur la navigation sont intégrées à la réformation des eaux et forêts de 1669. Le propre d’un cours d’eau est d’être chose publique et la police des rivières est définitivement organisée ».

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SUP. 302 900 étudiants étrangers

Les effectifs d’étudiants étrangers en mobilité internationale pendant la pandémie et un an après, Louis Bodelin, Louise Vinet, Guirane Ndao, MESRI, Note d’information du SIES, décembre 2022, n°22.11, 6 pages.

Extraits de la Note d’information. « En 2021-2022, 302 900 étudiants étrangers en mobilité internationale sont inscrits dans l’enseignement supérieur en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer. Ils représentent 11 % de l’ensemble des étudiants de l’enseignement supérieur.

Après une année de baisse du nombre de mobilités internationales marquée par la crise sanitaire, la rentrée 2021 enregistre un retour à un nombre historiquement haut d’étudiants en mobilité internationale, dépassant pour la première fois la barre des 300000 étudiants« …

Cliquer sur les images pour les agrandir

« En 2021-2022, 21 % des étudiants étrangers en mobilité internationale sont inscrits dans les établissements du secteur privé. Le recours à l’enseignement privé est toujours plus important pour les étudiants français ou résidents étrangers (22 %). La hausse des inscriptions dans le secteur privé ne s’est pas tarie avec la crise sanitaire (+ 0,7 point entre les rentrées 2019 et 2020). La progression sur deux ans est cependant plus marquée pour les étudiants étrangers en mobilité internationale (+ 2,4 points entre 2019 et 2021) que pour les étudiants français ou résidents étrangers (+ 1,2 point). Les étudiants étrangers en mobilité internationale qui s’inscrivent dans le secteur privé vont majoritairement dans les écoles de commerce (72 %) »…

« En 2021-2022, la moitié des étudiants étrangers en mobilité internationale sont originaires du continent africain. Les étudiants asiatiques représentent 22 % de l’ensemble, suivis des européens (19 % dont 15 % de l’UE) et des américains (9 %).

L’Ile-de-France et les académies frontalières accueillent relativement plus d’étudiants en mobilité internationale ».

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1786. Réorganisation des arsenaux

La réorganisation des arsenaux. Ordonnance du roi pour diviser les forces navales en neuf escadres. Source en ligne : Gallica BnF. Ordonnance promulguée par le ministre de la Marine de Castries le 1er janvier 1786. 5 escadres à Brest, 2 à Toulon, 2 à Rochefort.

A suivre. Chroniques et photos du blog Histoires d’universités sur l’Arsenal de Rochefort.

Partie 1. Histoire de la marine française sous Louis XIV et Louis XV. Source Wikipédia : bonnes feuilles sur la réorganisation des arsenaux.

« Tirant les premières leçons du conflit [Guerre d’indépendance des États-Unis], de Castries ordonne dès 1783, une réorganisation des arsenaux car ceux-ci ont eu du mal à suivre l’effort de guerre prolongé ».

De Castries, par Joseph de Broze

Arsenal de Brest. « Le premier concerné est celui de Brest. La guerre a mis en lumière son engorgement avec de trop nombreuses tâches à accomplir : assurer la subsistance des escadres et des matelots ; réparer en trois mois d’hiver une armée de 25 vaisseaux ; armer plus de 300 voiles. Les ingénieurs se sont aperçus qu’aucun bassin de radoub de Brest ne peut recevoir les vaisseaux à trois-ponts, voire ceux de 80 canons, sauf aux marées exceptionnelles. La répartition interne de l’arsenal n’est pas commode. Les magasins touchent à la montagne. Les quais sont trop étroits, les cales mal aérées et trop proches les unes des autres. Les services réciproques des ateliers sont constamment mêlés. Dans la perspective d’un nouveau conflit qui semble inévitable à moyen terme, il faut littéralement repenser l’arsenal de Brest, ainsi que la plupart des autres.

Les ordres du maréchal de Castries du 9 août 1783 et du 20 mars 1784 envoyés aux commandants et intendants de chaque arsenal exigent d’eux la confection d’un plan d’aménagement réglé sur les forces navales destinées à chaque base. Les plans d’aménagement et les textes qui les accompagnent révèlent une redistribution spatiale imposée par la rationalisation des procédés de fabrication et de stockage, ainsi que par un meilleur découpage des phases de production et de montage. L’arsenal est modelé, organisé en aires, terrasses, rampes, bassins où s’effectuent des types précis de travaux. L’accumulation des stocks de matières premières et d’agrès oblige à la multiplication des structures de conservation : magasins, halles, hangars, fosses. Les fonctions de construction développent le nombre de bassins, de cales, d’amarrages. L’arsenal est redessiné en fonction de la rapidité et de l’aisance du service, ainsi qu’en fonction du nombre de navires à traiter simultanément. Il devient aussi une zone de communication et de mouvements où homme, matériaux et vaisseaux doivent passer d’un point à un autre selon un ordre et un sens de circulation précis ».

Partie 2. Construction de l’Arsenal de Cherbourg. « En réalité, les plans élaborés ne sont pas immédiatement appliqués sur le terrain. Les réaménagements demandent de nombreuses années car l’Histoire, les habitudes, la géographie et les infrastructures existantes ralentissent l’évolution. C’est Cherbourg, construit à partir de 1783, qui mobilise toute l’attention du ministère et qui bénéficie d’une organisation entièrement pensée sans avoir à tenir compte du passé. Créer une grande base dans la Manche face à la Grande-Bretagne est une préoccupation centenaire depuis Vauban, Le Havre et Dunkerque étant incapables d’accueillir les gros vaisseaux à fort tirant d’eau. Après hésitation entre deux rades, celle de la Hougue et celle de Cherbourg, le choix se fixe sur cette dernière. Cherbourg est à ce moment là une modeste bourgade de pêche donnant sur une rade foraine, c’est-à-dire complètement ouverte. L’idée est de construire un arsenal donnant directement sur la mer, et non plus enfermé dans une rivière comme Rochefort ou au fond d’un goulet protecteur comme Brest.

Pour édifier l’arsenal et le protéger des attaques britanniques (comme en 1758), il faut créer un site artificiel de relâche en fermant la rade par une immense digue capable d’accueillir entre 60 et 100 vaisseaux français et espagnols. Louis XVI approuve les plans de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, Louis-Alexandre de Cessart qui propose de construire 90 caissons coniques en chêne devant être immergés et placés à une soixantaine de mètres les uns des autres. Chaque caisson mesure 20 mètres de haut pour 50 mètres de diamètre à la base et doit être lesté de pierres et de moellons, relié à son voisin par des chaines et filets de fer puis complété par des amas de pierres perdues. La digue, qui doit passer à 4 km au large doit être longue elle-même de 4 km à peu près puis être garnie de batteries d’artilleries. Ce projet original, gigantesque, est estimé à 30 millions de livres, sans commune mesure avec la digue de La Rochelle imaginée par Richelieu en son temps ».

« Après des essais effectués au Havre, le premier caisson est remorqué puis coulé le 6 juin 1784 devant une foule de 10 000 personnes massées sur tout le rivage de Cherbourg, alors que la rade est couverte d’embarcation chargées d’autres spectateurs. Cette même année, de Castries vient voir les travaux. »Après des essais effectués au Havre, le premier caisson est remorqué puis coulé le 6 juin 1784 devant une foule de 10 000 personnes massées sur tout le rivage de Cherbourg, alors que la rade est couverte d’embarcation chargées d’autres spectateurs. Cette même année, de Castries vient voir les travaux.

En mai 1786, c’est au tour du comte d’Artois, frère du roi, de faire de même. En juin, c’est Louis XVI, sur proposition de Calonne, qui vient inspecter le chantier en compagnie du ministre de la Guerre et de la Marine. Le roi, qui suit avec passion le développement de sa marine voit la mer pour la première fois. Le 23 juin, Louis assiste à l’immersion du neuvième caisson en présence de l’escadre d’évolution, sous les vivats des équipages, de la foule et des salves des batteries côtières. Le roi déjeune sur la plate-forme de l’un des caissons précédemment immergé puis monte à bord du Patriote, vaisseau neuf de 74 canons aux ordres d’Albert de Rions. Il prend à bord deux autres repas et étonne les officiers par l’étendue de ses connaissances navales.

Le 24, Louis préside à la revue navale depuis le Patriote et assiste à des exercices de tir. Le 25, il inspecte la pointe de Querqueville où un fort doit s’élever puis visite à l’improviste plusieurs corvettes et frégates. L’enthousiasme populaire ne faiblit pas. Marie-Antoinette – qui n’est pas présente car elle est enceinte – décrira ce voyage comme la démarche la plus marquante que le roi ait faite pendant son règne. Dans les faits, il s’agit effectivement de l’une des dernières grandes manifestations d’attachement populaire envers Louis XVI dans les années qui précèdent la Révolution. Au comte d’Hector, commandant de la Marine à Brest qui a fait le voyage à Cherbourg, Louis annonce qu’il a l’intention de visiter tous ses ports. Les évènements vont en décider autrement ».

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Université de Lille, nid de conflits

De 2003 à 2005, au terme d’une recherche auprès de 35 recteurs italiens (ou anciens recteurs) et de 33 présidents français (ou anciens présidents), je publiais, avec Stefano Boffo, La faiblesse de l’instance législative dans les universités. Le cas de la France et de l’Italie, Revue Internationale des Sciences Administratives, Vol 71 (1), mars 2005, pp. 35-54;

20 ans plus tard, la situation  s’est simplifiée pour les établissements qui ont renforcé leur regroupement et opté pour le statut d’Établissement Public Expérimental. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’une faiblesse de l’instance législative (exercée par le Conseil d’administration), mais d’une fusion entre le Législatif et l’Exécutif au profit de ce dernier, représenté, dans le cas de Lille, par le Président, l’équipe présidentielle, le Cabinet, la Direction générale des services, le Comité de direction.

Les conseils centraux n’ont plus d’influence sur les décisions de politique universitaire. Ils sont dans l’incapacité de régler les conflits qui ne manquent pas de surgir (cf. la chronique : l’université de Lille craque de partout).

Dans cette chronique, je m’efforce de démontrer que les statuts de l’université de Lille (décret du 20 septembre 2021) contribuent à multiplier les nids de conflits. Ce décret crée un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel expérimentant de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement.

Partie 1. L’université de Lille est devenue un Établissement Public Expérimental en janvier 2022. L’EPE est devenu très tendance.

L’université de Lille se substitue à l’université de Lille (fusion des 3 universités de Lille effective au 1er janvier 2018). Elle  regroupe, en tant qu‘établissements-composantes conservant leur personnalité morale, l’École nationale supérieure des arts et industries textiles, l’Institut d’études politiques de Lille, l’École nationale d’architecture et de paysage de Lille et l’École supérieure de journalisme de Lille.

Mes commentaires. L’université de Lille se substitue à l’université de Lille mais change de statut. Devenue EPE (Établissement Public Expérimental), elle regroupe désormais 4 établissements-composantes conservant leur personnalité morale (budget propre : dépenses et recettes, comptes financiers).

L’EPE Université de Lille est un lourd géant organisationnel. Big is not beautiful. A taille humaine, l’université Catholique de Lille devrait avoir de beaux jours devant elle.

Partie 2. Le Comité de direction

Cette extension à des établissements-composantes n’est pas une fusion reconfigurée. Elle crée des nids de conflits. Pour les éviter, il est créé un comité de direction (une instance de plus par rapport à une fusion simple), sans aucune représentation des personnels et des usagers. Les désaccords sont explicitement prévus.

Section 2 du décret. Article 16. Le comité de direction réunit le président de l’université, les vice-présidents statutaires, les directeurs et doyens de composantes et les directeurs des établissements-composantes.

Article 17. Attributions.

Article 18. Fonctionnement du comité de direction. 1. Il se réunit au moins deux fois par mois à l’initiative et sous la présidence du président de l’université. 2. A défaut de consensus, le comité de direction se prononce à la majorité des deux tiers de ses membres statutaires. Quand une question soumise au comité de direction concerne spécifiquement un établissement-composante ou une composante, son directeur peut, en cas de désaccord sur le résultat du vote, demander qu’un nouvel examen soit assuré et soumis au vote.

Le comité de direction est assisté d’une conférence réunissant le président de l’université et les directeurs des établissements-composantes. Cette conférence est notamment le lieu privilégié de concertation préalable aux décisions de l’Université de Lille ayant un impact sur les établissements-composantes.

Suite de mes commentaires. Le comité comprend en fait deux structures chronophages. Il est assisté d’une conférence. Il se réunit au moins deux fois par mois. Cette fréquence rapprochée parait nécessaire pour construire des consensus point par point et régler les conflits. Atteindre la majorité des deux-tiers est difficile.

Partie 3. Chapitre II. Les Conseils centraux. Le Conseil d’administration

Article 20. Composition du conseil d’administration : 44 membres.

Mes commentaires. Les enseignants chercheurs, traditionnellement majoritaires dans le Conseil d’administration, ne le sont plus (16 sièges sur 44) ; cela va accentuer la tendance à ne présenter qu’une seule liste lors des élections, une seule candidature à la présidence.

L’ensemble des personnels et usagers ont certes la majorité au CA (28 sièges sur 44). Croire qu’une décision peut être actée par 23 d’entre eux, c’est s’aveugler. Le CA, dans cette nouvelle composition permise par les EPE, est un nid de conflits.

Les membres extérieurs du CA, nommés et non élus du CA sont aussi nombreux que les enseignants élus (16 administrateurs sur 44).

La représentation des quatre établissements-composantes est assurée alternativement par chacun des directeurs pour une durée d’un an. Comment les quatre directeurs ont-il vécu cette vexation, cette provocation, ce rabaissement ? Nid de conflits superfétatoire. 

Article 20. Les 44 membres sont ainsi répartis :

16 enseignants-chercheurs, enseignants, chercheurs, personnels enseignants et hospitaliers et personnels assimilés dont 8 représentants du collège A des professeurs et personnels assimilés et 8 représentants du collège B des autres enseignants et personnels assimilés.

6 représentants des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue inscrits dans l’établissement. Pour chaque représentant des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue, un suppléant est élu dans les mêmes conditions que le titulaire ; il ne siège qu’en l’absence de ce dernier.

6 représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, des bibliothèques, sociaux et de santé en exercice dans l’établissement.

7 membres de droit :

– le président du Conseil régional Hauts-de-France ou son représentant ;
– le président du Conseil de la Métropole Européenne de Lille ou son représentant ;
– le délégué régional Hauts-de-France du  CNRS ou son représentant ;
– le délégué régional Nord-Ouest de l’INSERM ou son représentant ;
– le directeur du centre de recherche de l’INRIA ou son représentant ;
– le directeur général du Centre Hospitalier Universitaire de Lille ou son représentant ;
– le directeur général de l’Institut Pasteur de Lille ou son représentant.

1 représentant des établissements-composantes. Cette représentation est assurée alternativement par chacun des quatre directeurs d’établissement-composante pour une durée d’un an.

8 personnalités extérieures à l’établissement :

  • trois personnalités désignées par des organismes choisis, à la majorité simple, par les membres relevant des collèges définis aux a, b, c, d et e du 1° du présent article.
  • quatre personnalités désignées, à titre individuel, par les mêmes membres du conseil, à la majorité simple, après appel public à candidature publié sur le site internet de l’établissement.
  • un représentant du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER).

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1717. Assemblée des communautés

1717. Aix, Assemblée des communautés.

Partie 1. Source : Ekaterina Martemyanova, La représentation imparfaite en Provence au XVIIIème siècle, un potentiel d’innovation ? pages 193-209.

Article publié dans La représentation avant le gouvernement représentatif, Presses Universitaires de Rennes, Collection Histoire, octobre 2020, 366 pages.

Le cas d’Aix-en-Provence, garante de l’indépendance provençale et maîtresse de la représentation. Source : Bibliothèque Méjanes, pièce 4835, Lettres patentes en faveur des États de Provence, enserrées dans la lettre circulaire aux membres du corps de la noblesse, Aix, 1717, p.5.

Bonnes feuilles de l’article d’E.katerina Martemyanova, pages 193, 206 et 2007.

Diaporama de 5 photos.

Allivrement : fixation du revenu net imposable dans l’établissement de la contribution foncière, après inscription sur la matrice cadastrale et classification des parcelles (Dictionnaire Larousse)

Affouagement : dénombrement de tous les feux ou ménages, usité particulièrement en Provence, pour la répartition des impôts (Dictionnaire Littré).

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