Regroupements : le chapitre VIII

La loi sur l’Enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 prévoit trois modes de coopération et de regroupement entre établissements (chapitre VIII bis du Code de l’éducation) : la Fusion, la Communauté d’universités et d’établissements (COMUE), l’Association.

Cette chronique, qui permet aux lecteurs d’accéder aux sources intégrales, leur paraîtra technique, ennuyeuse. Un effort est en effet nécessaire pour comprendre que la mise en œuvre de la Loi ESR a un enjeu éminemment politique : l’autonomie des universités, leur liberté et responsabilité, leur gouvernance collégiale.

Pourquoi Geneviève Fioraso et la directrice de la DGESIP, Simone Bonnafous, en rajoutent-elles pour faire respecter le calendrier à marche forcée, synonyme d’une grave atteinte à l’autonomie et à la démocratie universitaires ? Parce qu’elles se sentent aujourd’hui fragilisées et éjectables à l’approche d’un remaniement ministériel ?

1er acte de la réforme du Supérieur après la victoire de la Gauche aux élections du printemps 2012 : la tenue des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans son rapport du 17 décembre 2012, Vincent Berger, alors président de Paris 7 Denis Diderot, est prudent ; il ne fige pas la nature des regroupements, leur nombre et leurs noms.

P1100874Vincent Berger. L’émergence de ces grandes universités demande de la patience. Il préconise un délai de deux ans après l’adoption de la loi.

P1100869P11008702ème acte de la réforme, 15 janvier 2013 : rapport du député Jean-Yves Le Déaut (117 propositions). Chronique du 21 janvier 2013 sur EducPros : Communautés d’universités. Il faut féliciter le député de Meurthe-et-Moselle, par ailleurs premier-vice président du Conseil régional de Lorraine, car il n’a pas eu peur du ridicule : “communauté d’universités” est un pléonasme fort inventif ! Le projet de loi (version du 15 janvier 2013) retient la suggestion du Lorrain. Pas de calendrier de regroupements dans ses propositions.

3ème acte de la réforme, début juillet 2013Texte final élaboré par la CMP (Commission mixte paritaire, Sénat – Assemblée nationale). Le très long article sur les regroupements (article 38) impose 3 regroupements ; fusions, communautés, associations ; pas d’alternative ! Pourquoi ? Pas de calendrier imposé pour les fusions et associations. Par contre, un calendrier à marche forcée pour les communautés. Article 59. Les établissements publics de coopération scientifique (les PRES) deviennent des communautés. Leur conseil d’administration adopte, dans un délai d’un an les nouveaux statuts de l’établissement pour les mettre en conformité avec les articles L. 718-6 à L. 718-14 du code de l’éducation. Le temps des Assises est oublié !

4ème acte de la réforme, 22 juillet 2013 : promulgation de la loi. Un chapitre VIII bis sur la coopération et les regroupements d’établissements, analogue aux propositions de la CMP. Un calendrier à marche forcée pour les COMUE ! Demande d’aide aux lecteurs. Les rapporteurs de la loi ont-ils argumenté ce délai d’un an ? Des parlementaires de la majorité s’y sont-ils opposés ?

La loi ESR, une loi bavarde, une loi confuse et contradictoire sur les regroupements désormais imposés. Même les juristes y perdent leur droit ! Un nouveau chapitre du Code de l’éducation pour ça !

Le délai du 22 juillet 2014, imposé pour les COMUE, va permettre une attaque en règle contre l’autonomie des universités et leur gouvernance déjà si peu collégiale. Vincent Berger, aujourd’hui conseiller de François Hollande, préconisait un délai de deux ans ! C’est panique à bord dans les conseils des ex-PRES et les équipes présidentielles des établissements ! Un risque très important de n’importe nawak !

Geneviève Fioraso et Simone Bonnafous mettent la pression pour que le délai soit tenu. Elles ont publié, ces dernières semaines, des textes sans statut juridique (ni décret, ni arrêté, ni circulaire), des textes d’un autoritarisme encore jamais vu dans l’histoire de l’Université. Mais à quoi sert donc Vincent Berger ? Il devrait conseiller à François Hollande de faire taire la Ministre et de ne pas la renouveler dans sa fonction. Il faut s’opposer à ce délai du 22 juillet. Laisser du temps au temps. Autoritarismes ! Ce sera l’objet de la prochaine chronique.

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1 commentaire

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Une réponse à “Regroupements : le chapitre VIII

  1. Martinville

    La fusion et le regroupement des universités, c’est un machin technocratique d’apparatchiks afin de diminuer le nombre de leurs interlocuteurs. C’est, plus grave, une illusion soviétique, la fascination des éléphants blancs, des grandes structures engluées dans les enjeux de pouvoirs et la bureaucratie. Et c’est une ineptie intellectuelle : la France n’est pas la Chine (hélas ou tant mieux). A une époque où le travail en réseau réunit les petites unités, où la mutualisation de services communs de back office permet des économies, comment a-t-on pu concevoir un tel projet : il y a bien sûr de belles carrières à faire pour nos collègues apparatchiks qui ont abandonné le savoir pour le pouvoir. Le rapport Berger est révélateur de la logorrhée indigeste et prétentieuse des technocrates (on dirait un rapport de l’ENA, c’est vous dire !) : l’ajout de l’adjectif démocratique est une plaisanterie pour faire passer la pilule, ça sent la manipulation à plein nez et faire des grandes universités démocratiques, c’est à mourir de rire : Rousseau et bien d’autres penseurs de la démocratie ont toujours lié cette forme de pouvoir à la petite taille des entités où elle se manifeste. Historiens, économistes et sociologues connaissent l’efficacité des grandes structures bureaucratiques (cf. l’URSS). Les grandes universités, c’est une démission de l’intelligence.

    Il serait plus opportun de revoir la carte de l’offre, de spécialiser certaines universités, et d’accompagner financièrement et avec du sens pratique ce réaménagement (prime de déménagement des profs, bourses pour les étudiants contraints de se déplacer loin, etc…). On ne peut pas faire tout partout. Il est regrettable que les universitaires cautionnent ce qui paraît hors du bon sens… mais la fascination du pouvoir est toujours la plus forte : nous aimons construire des usines à gaz… et certains universitaires ont une vocation de gaziers.

    PS. Dire que certains universitaires aiment le pouvoir n’est pas une attaque personnelle (quoiqu’en pensent nos censeurs), mais une réalité humaine (trop humaine d’ailleurs)… et il est toujours bon que le pouvoir arrête le pouvoir, car le pouvoir corrompt (l’âme) et trop de pouvoir…