Le mouvement universitaire de la fin de l’hiver et du printemps 2009 a-t-il un impact négatif sur les inscriptions 2009-2010 dans les universités, en particulier dans les universités les plus touchées par le long arrêt des cours dans le premier cycle ? Personne ne peut sérieusement répondre à cette question ce 23 septembre 2009 ! Les inscriptions ne sont pas terminées. Il faut savoir en effet qu’il est possible de commencer à suivre les cours sans être inscrit. Les universités ne s’en satisfont certes pas ; elles font pression pour que toutes les inscriptions se fassent dans les délais les plus courts, mais, dans la pratique, elles comprennent que des étudiants s’inscrivent administrativement tardivement, ne serait-ce que pour des raisons financières. Et surtout, elles se donnent le maximum de chances pour que leurs effectifs ne diminuent pas. Une date fatidique pourtant : le 15 janvier 2010, elles devront remonter au ministère leurs fichiers informatiques d’étudiants inscrits (procédure SISE) ; elles s’y soumettent car leur financement en dépend ; celui-ci dépend presque encore exclusivement du nombre d’étudiants inscrits dans tel ou tel type de filière.
Des chiffres ! Tout le monde est avide de chiffres. Les sondages se multiplient dans le pays. Il s’ensuit de grandes contradictions en matière statistique. Il faut du temps pour produire les « vrais chiffres », des chiffres rigoureux, de multiples fois vérifiés. Malheureusement, l’opinion publique, formatée par de nombreux médias, ne veut pas attendre : elle veut connaître quasiment en temps réel une situation pourtant non stabilisée.
La pression de cette opinion et de certains médias oblige les parties prenantes à fournir des chiffres, à entrer dans un jeu classique de confrontations. La ministre donne des chiffres dans sa conférence de rentrée : « la diminution des effectifs est limitée » (cliquer ici). L’UNEF joue son rôle d’opposant patenté : « la diminution des effectifs est plus importante que la ministre ne le dit » (cliquer ici). Les présidents sauvent les meubles : « on ne constate pas de chute des effectifs ; il y a même des progressions dans certaines filières ». On n’imagine pas un président déclarant le contraire : ce serait suicidaire pour lui et pour son université ! Les chiffres qui circulent aujourd’hui font partie d’une communication politique. Il faut les oublier, considérer qu’ils n’existent pas et attendre quelques mois pour savoir ce qu’il en est réellement. Patience !
La communication politique et médiatique ne fait pas dans la rigueur statistique. Elle mélange des choux (le nombre total d’inscrits) et des carottes (le nombre de bacheliers 2009 en train d’entrer en 1ère année de licence universitaire). Elle préfère parler des choux ; ils sont gros et peuvent cacher les carottes. Un peu de démographie cependant : les phénomènes démographiques ne se déforment que lentement. Chacun peut imaginer que les effectifs d’une université peuvent augmenter plusieurs années de suite alors que le nombre de néo-entrants en 1ère année, immédiatement après le bac, diminue.
Ce 23 septembre 2009, la seule possibilité est donc d’investiguer les données statistiques sur les années passées, les tendances observées. Elles sont issues de la statistique publique, de la DEPP. La dernière année connue et publiée est 2008-2009. Repères et Références statistiques, édition 2009, est paru début septembre (cliquer ici) et c’est une mine d’informations chiffrées, incluant des comparaisons sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. Il faut goûter notre plaisir : ces Repères et Références existent encore. Peut-être viendra un jour le temps de leur disparition : il faut se rappeler que les statisticiens de la DEPP ont été malmenés depuis un an (cliquer ici). Le temps est peut-être proche d’une statistique politique en lieu et place d’une statistique scientifique indépendante du pouvoir politique.
1. Les effectifs inscrits dans les universités diminuent. Cela est prouvé au niveau national (cliquer ici) et dans les régions qui osent publier des données (cliquer ici). Les universités contrecarrent cette tendance, en particulier depuis la création du LMD en 2002, en laissant exploser l’offre de formation : elles multiplient le nombre de diplômes pour attirer les étudiants, pour éviter la diminution des effectifs. Conséquence : le nombre d’étudiants par diplôme diminue, augmentant mécaniquement la dépense par étudiant (un exemple parmi d’autres).
2. Les effectifs de bacheliers entrant à l’université diminuent (cliquer ici). Pourquoi une inversion de tendance aurait-elle lieu cette année ? A cause des succès de la politique de la ministre ? Orientation active, Plan Licence, augmentation apparente du nombre de boursiers (cliquer ici). Ou, paradoxalement à cause du mouvement de 2009 (cliquer ici) ? Pour cette rentrée, les données d’admission post-bac (1er voeu choisi par les futurs bacheliers) confirmaient la tendance à la baisse des souhaits d’inscription dans les universités (cliquer ici).
3. Les bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur font de plus en plus l’objet de procédures de sélection (cliquer ici). Environ 2/3 des bacheliers 2009 sont passés par cette procédure ou vont y passer (cas des étudiants de médecine et de pharmacie qui vont être confrontés à la sélection en fin de 1ère année). Les universités sont maltraitées, ne bénéficient pas d’une égalité de traitement de la part des pouvoirs publics. Elles se sont impliquées dans l’orientation active (cliquer ici) ; elles devraient, comme les autres filières d’enseignement supérieur, être autorisées à faire une l’orientation prescriptive. Les universités ne sont-elles pas libres et responsables de par la loi LRU ?
4. L’objectif consensuel, à droite comme à gauche, est de parvenir à « 50% de diplômés du supérieur dans les générations de jeunes ». On en est encore loin ; le taux est même en train de diminuer. Pour y parvenir, il faudra une réforme explosive : créer des lycées régionaux d’enseignement supérieur (LRES) préparant au 1er cycle de l’enseignement supérieur, le cycle licence, LRES indépendants des lycées (qui perdraient donc leurs classes supérieures, les CPGE et les STS) et des universités dont l’enseignement commencerait au master et se poursuivrait éventuellement, pour certains étudiants, en doctorat. Ceci est une autre histoire : elle espère animer les débats sur ce blog pendant de longs mois. Une première mouture de cette réforme (cliquer ici).