Archives mensuelles : juillet 2023

1744. Louis XV à Molsheim

Partie 1. Le portrait de Louis XV dans la cour du restaurant À la Ville de Paris (Molsheim).

La porte des Forgerons marque l’entrée méridionale de la ville

Diaporama de 11 photos

« La date exacte de construction n’est pas connue, mais la porte est incluse dans l’enceinte de 1250-1260, largement remaniée vers 1320. Elle est mentionnée de manière certaine au moins depuis 1363 sous le nom Smidttor, et constitue déjà à cette époque la porte d’entrée principale de la cité médiévale. Le corps de garde (Wachstube), situé à droite permet au veilleur de surveiller les alentours. La maison du portier et péager est située de l’autre côté.

Le 21 juin 1783, un incendie parti du grenier à foin de l’auberge ravage tout le quartier situé entre les actuelles rues de Strasbourg, de l’Église et Notre-Dame. Le portier, monté en hâte pour sonner le tocsin, met par  inadvertance le feu à la charpente de la tour elle-même, ce qui fait d’une part fondre la cloche et d’autre part empêche les secours extérieurs d’arriver.

La charpente est rebâtie selon un angle différent par la suite, et la cloche remplacée par celle de Saint-Georges. Cette cloche qui pèse quatre tonnes est utilisée pour sonner à six heures du matin l’ouverture des portes de la ville et à dix heures du soir leur fermeture, pratique toujours en vigueur même si les portes ne sont plus fermées5.

Quant à la présence du portrait de Louis XV, Il se peut qu’elle fasse allusion à l’année 1744, au passage de l’armée royale se rendant en Alsace pour repousser au delà du Rhin l’armée autrichienne (guerre de succession d’Autriche 1740-1748).

Campagnes de Jacques de Mercoyrol de Beaulieu, capitaine au régiment de Picardie, 1743-1763 :

Extraits du texte sur la campagne de 1744

« Le prince Charles marcha sur Saverne, s’en empara et y campa. L’armée du Roi fut obligée de passer le canal qui vient de Saverne à Strasbourg, sa droite à proximité de cette ville et sa gauche à Molsheim. Notre communication avec Strasbourg fut toujours libre et dans ce camp nous attendions le secours qui nous venoit de Flandre. Le roi Louis XV en étoit le conducteur mais une maladie [8-15 août], dont il faillit mourir l’arrêta à Metz, où il fut plusieurs jours sur le bord du tombeau ; à cette époque Louis le Bien-Aimé étoit pleuré de tous ses sujets ; le Ciel, touché de leur douleur, le leur rendit par une heureuse convalescence.

Le maréchal de Noailles avait été chargé de la conduite des troupes tirées de l’armée de Flandre pour venir au secours de celle d’Alsace. A peine étoit-il à portée de nous joindre, que nous fûmes instruits que, sur les progrès apparents du prince Charles, le roi de Prusse, Frédéric II, qui en craignoit les suites, avoit marché à Prague et s’en étoit emparé, et signifioit à l’Impératrice-Reine qu’il suivroit ses conquêtes si elle ne rappeloit l’armée aux ordres du prince Charles qui avoit pénétré en Alsace. Cette reine fit passer ses ordres au prince Charles et celui-ci ne fut plus occupé que d’évacuer l’Alsace et de repasser le Rhin [10 août] ; il se pressa avant que le secours qui nous venoit pût nous joindre.

Le maréchal de Noailles arrive à Molsheim avec une partie de ce secours, le reste devant y arriver les deux jours suivants. Étant l’ancien du maréchal de Coigny, il prend le commandement de l’armée, ordonne que le lendemain elle passera le canal [de Molsheim] pour marcher, suivre les ennemis et tâcher de les joindre et de les attaquer, s’il est possible, avec avantage. En deux marches l’armée se rend près de Haguenau, où elle séjourne un jour, pour que toutes les troupes venant de Flandre puissent s’y réunir.

Le maréchal donne ses ordres pour la marche du lendemain ; elle s’exécute sur six colonnes, l’artillerie disposée comme pour le combat, les gros équipages sont restés sous le canon de Strasbourg et les menus suivent les colonnes dont ils sont dépendants. L’armée, dans cet ordre, traverse la forêt de Haguenau. Les têtes des premières colonnes arrivées attendent que les autres le soient, pour toutes ensemble déboucher dans la plaine qui est au nord de cette forêt. Les ordres sont si bien donnés et exécutés que toutes les colonnes débouchent vers les huit heures du matin. Au même instant les têtes desdites colonnes, arrivées à un certain point de cette plaine, y font halte et de suite l’armée se forme en bataille sur deux lignes, ce qui s’exécute dans l’ordre le plus exact.

Ce déploiement fut un des plus beaux qu’on eût vus jusqu’alors ; l’armée étoit de 60.000 hommes bien effectifs, où tout désiroit de combattre et punir l’Autrichien de son audace d’avoir porté la guerre dans une province françoise. Tous les cœurs formoient ce désir et jamais armée ne donna à son général par son vœu unanime plus d’espoir d’une victoire assurée ».

Partie 2. La campagne de 1744 : treize chroniques du blog

La guerre de succession d’Autriche, commencée en 1740, est à un tournant. Les troupes royales françaises commencent à prendre le dessus dans les Pays-Bas autrichiens.

26 mars. Maurice de Saxe est promu maréchal de France, « passant devant huit lieutenants-généraux plus anciens que lui ».

10 avril. Celui-ci se rend à Valenciennes où il prend la tête de l’armée destinée à attaquer les Pays-Bas autrichiens. Il s’agit de mener une guerre de sièges.

3 mai. Louis XV quitte Versailles pour prendre le commandement de l’armée de Flandre. Au cours du trajet, il prie devant l’image de Notre-Dame de Grâce à Cambrai. 

12-14 mai. Premier voyage de Louis XV à Lille, par Aristote Crapet, Revue du Nord, Année 1914, n°17, pp. 1-10.

5 juin. Traité de Versailles. Deuxième alliance franco-prussienne.

7 juin. Le roi entre à Menin sur la Lys après la prise de la ville. « Celle-ci assure à l’armée des subsistances prélevées en Flandre intérieure et ouvre une suite de sièges destinés à conduire le roi jusque sur la côte de la Flandre maritime, afin au moins de gêner les anglais dans leur passage de troupes sur le continent ».

25 juin. Prise d’Ypres.

1-5 juillet. Charles de Lorraine franchit le Rhin et envahit l’Alsace à la tête des armées autrichiennes. Louis XV part à sa rencontre avec une partie de l’armée.

19 juillet. Bataille de Pierrelongue. Le Roi partant pour l’Alsace laisse le commandement de l’armée de Flandre au Maréchal Comte de Saxe.

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Saint-Maurice, abbaye depuis 515

Chronique en 3 parties. Biographie de Saint Maurice, Histoire de l’abbaye (partie 2), Trésor de l’abbaye (partie 3).

Diaporama de 30 photos : la Basilique (extérieur et intérieur).

Diaporama de 42 photos : le Trésor de l’abbaye (11 œuvres, cartels, détails).

Partie 1. Biographie de Saint Maurice d’Agaune. Source : extraits de l’article de Wikipédia. 

« Maurice d’Agaune, ou saint Maurice, et ses compagnons coptes venus de Thèbes (soldats thébains), martyrs du Valais, sont des chrétiens morts pour leur foi sous l’empereur Dioclétien au début du IVe siècle (vers 303) ».

« Le récit de leur martyre est, en partie seulement, altéré de légende. Celle-ci est née de l’invention de corps de martyrs, de la tradition de saint Maurice d’Apamée importée peut-être par le moine Jean Cassien, mais aussi du souvenir encore vivant de la legio Felix. Cependant la thèse de l’École des chartes de Jean-Marie Theurillat a précisé les évènements historiques en les dégageant du merveilleux dont la piété les avait enjolivés ; une meilleure connaissance du remaniement des structures de l’armée romaine à la fin du IIIe siècle a fait tomber les objections historiques et techniques, et surtout les fouilles archéologiques entreprises au pied du rocher d’Agaune ont pleinement confirmé l’existence et le rôle de l’ensemble funéraire édifié par saint Théodore pour recueillir les restes des martyrs entre 370 et 380.

Pendant la persécution de Dioclétien, les soldats de la légion thébaine, venus d’Égypte, auraient reçu l’ordre de tuer tous les habitants près d’Octodure (Martigny) au nord des Alpes, qui avaient été convertis au christianisme par saint Materne. Maurice et les soldats de sa légion refusèrent d’obéir à cet ordre et furent condamnés à mort.

Selon une autre version, peut-être mieux attestée, les troupes romaines étaient envoyées par Dioclétien pour réprimer en Gaule une révolte de bagaudes (entre 286 et 304). Faisant étape à Agaune, leur commandant, Maximien Hercule, césar de Dioclétien, décida d’organiser à Octodure, la ville proche, un sacrifice à Jupiter. Maurice et ses compagnons refusèrent d’y participer. Furieux, Maximien fit décimer la Légion thébaine sans entamer sa résolution. Une nouvelle décimation n’ayant pas eu davantage de résultat, il fit exécuter la totalité de cette troupe.

Saint Sigismond, souverain du royaume des Burgondes et plus tard le premier roi chrétien canonisé au nord des Alpes, fonde le monastère de Saint-Maurice d’Agaune qu’il dote puis, le 22 septembre 515, y inaugure la louange perpétuelle du martyr.

Cette fondation en fait le plus ancien établissement monastique d’Occident chrétien toujours en activité, ayant été occupé en permanence. Situé sur la via Francigena, voie de pèlerinage qui mène au tombeau de saint Pierre à Rome, l’abbaye fait partie des plus importants monastères créés au nord des Alpes durant le haut Moyen Âge ».

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Le Siècle des Lumières

Le Chat (Philippe Geluck) et le Siècle des Lumières.

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Carte de Prusse en 1740 et 1786

Prusse : carte en 1740 et 1786

Extension de la Prusse entre 1740 et 1786. Source : extraits de l’article de Wikipédia dédié à Frédéric II Le Grand

Frédéric II Le Grand (1712-1786) est l e fils de Frédéric-Guillaume Ier de Prusse (dit le  Roi-Sergent) et de Sophie-Dorothée de Hanovre. Il naît le 24 janvier 1712, sous le règne de Frédéric Ier, dont il est le petit-fils.

Il règne de 1740 (première année  de la guerre de Succession d’Autriche, 1740-1748). Il est impliqué dans la guerre de Sept Ans (1756-1763) et dans celle de Succession de Bavière (juillet 1778 – mai 1779), ainsi que dans le premier partage de la Pologne (1772).

Sous le règne de Frédéric II, la Prusse passe du statut de puissance émergente à celui d’une puissance de premier plan en Europe. Son territoire, dispersé et de petite taille relative, gagne en population, en espace, en continuité comme l’indiquent les deux cartes ci-dessous.

À la mort de Frédéric, le 17 août 1786, la population de la Prusse passe de 2,2 millions de sujets à 6 millions (sur 195 000 km2) et Berlin triple sa population à près de 150 000 habitants.

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Faïences du Savoisien (18ème)

Musée Savoisien (Chambéry) : faïences et faïenceries (18ème). Chroniques précédentes du blog sur la faïence et la faïencerie.

La faïencerie de la Forêt à Saint Our (Savoie). Source :  J. Caillet, article initialement paru dans Kronos N° 2, 1987. Nouvelle publication sur Kronos, avril 2016. L’article comprend les photos de 4 faïences, dont une Piétà.

Diaporama de 12 photos (5 œuvres, cartels, détails).

« Noël Bouchard, fils de Jacques Bouchard, quincaillier à Chambéry, fonda, vers 1730, à Saint Ours, au lieu dit « La Forest » une faïencerie dont les frais d’installation s’élevèrent à la coquette somme de 80 000 livres.

Le Roi de Sardaigne lui accorda, par lettres patentées du 23 Janvier 1730, le monopole de vente, l’exemption de nombreux impôts, ainsi que des facilités pour l’achat du sel et du plomb nécessaires aux vernis.

Noël Bouchard adjoignit un magasin de faïence à son commerce de quincaillerie de Chambéry. Après quelques années, son fils Jean Marc lui succéda, et les privilèges accordés par le Roi de Sardaigne furent prorogés en 1749 pour 15 ans, et en 1763 pour 10 ans »…

« Noël Bouchard n’avait que peu de compétences dans la fabrication des faïences ; aussi est-il probable qu’il utilisa les services de techniciens de Nevers, grand centre de fabrication, mais qui, à l’époque de la fondation de la Forest avait, par suite de la multiplication excessive de ses ateliers, été victime à la fois d’une crise de chômage et de la limitation du nombre des entreprises…

Il ne semble pas que l’on ait retrouvé des pièces attestant un style particulier à la Forest ; la faïencerie imitait des œuvres de provenances diverses (Nevers, Moustiers, faïenceries italiennes, etc…). La plus grande partie de la production était celle d’objets usuels, plats et assiettes, uniquement en faïence jusque vers 1770, parfois en porcelaine à partir de cette date ».

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Rousseau. Le discours rebelle

1750. Rousseau. Le discours rebelle

Prix de l’Académie de Dijon en l’année 1750 sur la Question proposée par la même Académie :

Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs.

Rousseau  répond négativement à la question et obtient le Prix. Le succès de librairie est foudroyant. Mais des flots de critiques se déversent sur l’auteur, Siècle des Lumières et Encyclopédie obligent.

Partie 1. Discours sur les Sciences et les Arts. Source : texte intégral dans Les Échos du Maquis, v. 1,0, avril 2011.

NOTE SUR CETTE ÉDITION

« Texte intégral du Discours qui valut à Rousseau le prix de l’Académie de Dijon en 1750. Le manuscrit de la version originale de ce texte a disparu. Le Discours tel qu’on le connaît est basé sur une version corrigée plus tard par Rousseau et destinée à une éventuelle édition des Œuvres complètes. Dans la Préface, l’auteur rend compte de ce qui peut distinguer cette nouvelle version de la première.

Rousseau ajoute également, lors de la réalisation de cette version corrigée, un Avertissement, qui se lit ainsi: Qu’est-ce que la célébrité? Voici le malheureux ouvrage à qui je dois la mienne. Il est certain que cette pièce qui m’a valu un prix et qui m’a fait un nom est tout au plus médiocre et j’ose ajouter qu’elle est une des moindres de tout ce recueil. Quel gouffre de misères n’eût point évité l’auteur, si ce premier livre n’eût été reçu que comme il méritait de l’être? Mais il fallait qu’une faveur d’abord injuste m’attirât par degrés une rigueur qui l’est encore plus.

PRÉFACE

« Voici une des grandes et belles questions qui aient jamais été agitées. Il ne s’agit point dans ce Discours de ces subtilités métaphysiques qui ont gagné toutes les parties de la littérature, et dont les programmes d’Académie ne sont pas toujours exempts; mais il s’agit d’une de ces vérités qui tiennent au bonheur du genre humain.

Je prévois qu’on me pardonnera difficilement le parti que j’ai osé prendre. Heurtant de front tout ce qui fait aujourd’hui l’admiration des hommes, je ne puis m’attendre qu’à un blâme universel; et ce n’est pas pour avoir été honoré de l’approbation de quelques sages que je dois compter sur celle du public: aussi mon parti est-il pris; je ne me soucie de plaire ni aux beaux esprits, ni aux gens à la mode. Il y aura dans tous les temps des hommes faits pour être subjugués par les opinions de leur siècle, de leur pays, de leur société: tel fait aujourd’hui l’esprit fort et le philosophe, qui par la même raison n’eût été qu’un fanatique du temps de la Ligue. Il ne faut point écrire pour de tels lecteurs, quand on veut vivre au-delà de son siècle.

Un mot encore, et je finis. Comptant peu sur l’honneur que j’ai reçu, j’avais, depuis l’envoi, refondu et augmenté ce Discours, au point d’en faire, en quelque manière, un autre ouvrage; aujourd’hui, je me suis cru obligé de le rétablir dans l’état où il a été couronné. J’y ai seulement jeté quelques notes et laissé deux additions faciles à reconnaître, et que l’Académie n’aurait peut-être pas approuvées. J’ai pensé que l’équité, le respect et la reconnaissance exigeaient de moi cet avertissement ».

EXORDE

« Le rétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer ou à corrompre les mœurs? Voilà ce qu’il s’agit d’examiner. Quel parti dois-je prendre dans cette question? Celui, Messieurs, qui convient à un honnête homme qui ne sait rien, et qui ne s’en estime pas moins. »Le rétablissement des sciences et des arts a-t-il contribué à épurer ou à corrompre les mœurs? Voilà ce qu’il s’agit d’examiner. Quel parti dois-je prendre dans cette question? Celui, Messieurs, qui convient à un honnête homme qui ne sait rien, et qui ne s’en estime pas moins.

Il sera difficile, je le sens, d’approprier ce que j’ai à dire au tribunal où je comparais. Comment oser blâmer les sciences devant une des plus savantes compagnies de l’Europe, louer l’ignorance dans une célèbre Académie, et concilier le mépris pour l’étude avec le respect pour les vrais savants? J’ai vu ces contrariétés; et elles ne m’ont point rebuté. Ce n’est point la science que je maltraite, me suis-je dit, c’est la vertu que je défends devant des hommes vertueux. La probité est encore plus chère aux gens de bien que l’érudition aux doctes. Qu’ai-je donc à redouter? Les lumières de l’Assemblée qui m’écoute? Je l’avoue; mais c’est pour la constitution du discours, et non pour le sentiment de l’orateur. Les souverains équitables n’ont jamais balancé à se condamner eux-mêmes dans des discussions douteuses; et la position la plus avantageuse au bon droit est d’avoir à se défendre contre une partie intègre et éclairée, juge en sa propre cause.

À ce motif qui m’encourage, il s’en joint un autre qui me détermine: c’est qu’après avoir soutenu, selon ma lumière naturelle, le parti de la vérité, quel que soit mon succès, il est un prix qui ne peut me manquer: je le trouverai dans le fond de mon cœur »…

Pages 10 et 11. « Telle est la pureté que nos mœurs ont acquise. C’est ainsi que nous sommes devenus gens de bien. C’est aux lettres, aux sciences et aux arts à revendiquer ce qui leur appartient dans un si salutaire ouvrage. J’ajouterai seulement une réflexion; c’est qu’un habitant de quelque contrée éloignée qui chercherait à se former une idée des mœurs européennes sur l’état des sciences parmi nous, sur la perfection de nos arts, sur la bienséance de nos spectacles, sur la politesse de nos manières, sur l’affabilité de nos discours, sur nos démonstrations perpétuelles de bienveillance, et sur ce concours tumultueux d’hommes de tout âge et de tout état qui semblent empressés depuis le lever de l’aurore jusqu’au coucher du soleil à s’obliger réciproquement; c’est que cet étranger, dis-je, devinerait exactement de nos mœurs le contraire de ce qu’elles sont.

Où il n’y a nul effet, il n’y a point de cause à chercher: mais ici l’effet est certain, la dépravation réelle, et nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection. Dira-t-on que c’est un malheur particulier à notre âge? Non, Messieurs; les maux causés par notre vaine curiosité sont aussi vieux que le monde. L’élévation et l’abaissement journalier des eaux de l’océan n’ont pas été plus régulièrement assujettis au cours de l’astre qui nous éclaire durant la nuit que le sort des mœurs et de la probité au progrès des sciences et des arts. On a vu la vertu s’enfuir à mesure que leur lumière s’élevait sur notre horizon, et le même phénomène s’est observé dans tous les temps et dans tous les lieux »….

Page 15. « Peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu vous préserver de la science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant; que tous les secrets qu’elle vous cache sont autant de maux dont elle vous garantit, et que la peine que vous trouvez à vous instruire n’est pas le moindre de ses bienfaits. Les hommes sont pervers; ils seraient pires encore, s’ils avaient eu le malheur de naître savants »…

Pages 17 et 18. « Que de dangers! que de fausses routes dans l’investigation des sciences? Par combien d’erreurs, mille fois plus dangereuses que la vérité n’est utile, ne faut-il point passer pour arriver à elle? Le désavantage est visible; car le faux est susceptible d’une infinité de combinaisons; mais la vérité n’a qu’une manière d’être. Qui est-ce d’ailleurs, qui la cherche bien sincèrement? même avec la meilleure volonté, à quelles marques est-on sûr de la reconnaître? Dans cette foule de sentiments différents, quel sera notre criterium pour en bien juger ?

Et ce qui est le plus difficile, si par bonheur nous la trouvons à la fin, qui de nous en saura faire un bon usage?

Si nos sciences sont vaines dans l’objet qu’elles se proposent, elles sont encore plus dangereuses par les effets qu’elles produisent. Nées dans l’oisiveté, elles la nourrissent à leur tour; et la perte irréparable du temps est le premier préjudice qu’elles causent nécessairement à la société. En politique, comme en morale, c’est un grand mal que de ne point faire de bien; et tout citoyen inutile peut être regardé comme un homme pernicieux en saura faire un bon usage? »

Pages 26 et 27. « Mais si le progrès des sciences et des arts n’a rien ajouté à notre véritable félicité; s’il a corrompu nos mœurs, et si la corruption des mœurs a porté atteinte à la pureté du goût, que penserons-nous de cette foule d’auteurs élémentaires qui ont écarté du temple des Muses les difficultés qui défendaient son abord, et que la nature y avait répandues comme une épreuve des forces de ceux qui seraient tentés de savoir? Que penserons-nous de ces compilateurs d’ouvrages qui ont indiscrètement brisé la porte des sciences et introduit dans leur sanctuaire une populace indigne d’en approcher, tandis qu’il serait à souhaiter que tous ceux qui ne pouvaient avancer loin dans la carrière des lettres, eussent été rebutés dès l’entrée, et se fussent jetés dans les arts utiles à la société. Tel qui sera toute sa vie un mauvais versificateur, un géomètre subalterne, serait peut-être devenu un grand fabricateur d’étoffes. Il n’a point fallu de maîtres à ceux que la nature destinait à faire des disciples. Les Vérulam, les Descartes et les Newton, ces précepteurs du genre humain n’en ont point eu eux-mêmes, et quels guides les eussent conduits jusqu’où leur vaste génie les a portés? Des maîtres ordinaires n’auraient pu que rétrécir leur entendement en le resserrant dans l’étroite capacité du leur. C’est par les premiers obstacles qu’ils ont appris à faire des efforts, et qu’ils se sont exercés à franchir l’espace immense qu’ils ont parcouru. S’il faut permettre à quelques hommes de se livrer à l’étude des sciences et des arts, ce n’est qu’à ceux qui se sentiront la force de marcher seuls sur leurs traces, et de les devancer. C’est à ce petit nombre qu’il appartient d’élever des monuments à la gloire de l’esprit humain ».

Partie 2. Autre version intégrale du Discours sur les Sciences et les Arts. Libretti, Le Livre de poche, 2021, 93 pages. Édition présentée et annotée par Jacques Berchtold.

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1770-1830. Figures de la montagne

Exposition du 12 mai au 5 novembre 2023 au musée des Beaux-arts de Chambéry :

L’adresse au paysage. Figures de la montagne.

Diaporama de 36 photos (11 œuvres, cartels, détails).

Partie 1. L’adresse au paysage. Figure de la montagne, de Jean-Antoine Linck à Marianne Werefkin.  Source : Livre de Jean-François Chevrier et Elia Pijollet, Creaphis éditions, 2023, 160 pages. Texte de présentation.

« Les auteurs proposent une lecture des représentations de la montagne depuis les dernières décennies du XVIIIe siècle – quand la moyenne et haute montagne des Alpes devient un sujet pour les peintres – jusqu’aux années 1930. Tableaux, aquarelles, dessins, gravures et photographies, certains célèbres et incontournables, d’autres méconnus, plus rarement vus, mais tous de grande qualité, ont été très précisément choisis…

S’adresser au paysage suppose qu’il n’est pas qu’étendue (géographique), milieu (biologique) ou décor (d’une intrigue ou d’un récit) ; cela suppose qu’il constitue une entité suffisamment personnifiée pour être le destinataire d’une parole ou d’une pensée adressée ; on s’adresse à quelqu’un. L’idée romantique que le paysage peut véhiculer, manifester, refléter ou exprimer un état d’âme a contribué à cette possibilité d’une adresse au paysage.

Le premier ressort de l’intérêt pour la montagne qui se manifesta à l’époque des Lumières fut scientifique : ce milieu retiré et hostile, haut-lieu de l’imaginaire, matrice de mythes et de légendes, devint alors un terrain d’étude pour les naturalistes, qui s’attelèrent à résoudre les énigmes de la formation des reliefs géologiques, du cycle de l’eau, des effets de l’altitude… Les deux approches – puissance imaginaire et visée de connaissance – ont orienté également le travail des artistes confrontés aux paysages alpins. Elles constituent deux veines, deux tendances qui, souvent, se mêlent au sein d’une même œuvre, à des degrés divers et de manière plus ou moins délibérée de la part de l’artiste.

L’exposition et le livre présentent certains aspects particulièrement saillants de cette histoire. Ouverts avec Jean-Antoine Linck (1766-1843), soit une pratique de la peinture accordée à une connaissance de la montagne, ils débouchent sur l’œuvre expressionniste de la peintre russe Marianne Werefkin (1860-1938), encore très peu connue en France, dont le musée d’Ascona a consenti le prêt exceptionnel de huit grandes peintures ».

Jean-Antoine Linck, Extrémité du Glacier des Bossons, 1799

« Formée au grand style réaliste à Saint-Pétersbourg, Werefkin interrompit une carrière prometteuse pour poursuivre sa quête d’un art nouveau. En 1896, elle s’installa à Munich avec Alexei Jawlensky, qui fut son compagnon pendant près de trente ans. Après l’aventure du Blaue Reiter, et la Grande Guerre, elle passa les vingt dernières années de sa vie à Ascona, qui était alors un village de pêcheurs, sur la rive suisse du lac Majeur. Déjà présent dans sa peinture, le motif de la montagne se renforce, multipliant les symboliques, parfois jusqu’à l’allégorie. Les hautes montagnes au profil caractéristique qui entourent le lac y apparaissent souvent, bien que transfigurées par la force expressive de la couleur. Elles sont à la fois des figures à part entière et le cadre de scènes hallucinées où l’être humain et la grande nature se confrontent, dans un rapport de force variable allant de la coexistence harmonieuse à l’exploitation.

Partie 2. Figures de la montagne. Source : article du site de la ville de Chambéry.

« Du 12 mai au 5 novembre 2023, le musée des Beaux-arts présente sa nouvelle exposition temporaire, intitulée L’Adresse au paysage. Figures de la montagne.

Marc-Théodore Bourrit, Vue de la source de l’Arvéron et de son amas de glace à Chamouni

(vers 1780-1790)

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1792-1815. Département Mont-Blanc

1792-1815. Le département du Mont-Blanc

Sources.

  • Visages de la Savoie par Paul Guichonnet, Maurice Morel, Henri Ménabréa, Emile Vesco, Éditions des Horizons de France, Paris, 1947, 207 pages : le 84ème département, pp. 92-93.
  • Extraits de l’article de Wikipédia.
  • Giulano Ferretti (sous la direction de), les États de Savoie, du duché à l’unité d’Italie (1416-1861), Classiques Garnier, 2019, pages 457 à 514, La Révolution et l’Empire (1792-1814).

Partie 1. Les grandes dates

« A partir de 1792, les sociétés savoyardes et piémontaises ont été confrontées à l’expansion militaire de la France, qui a fait de la péninsule italienne (Piémont et Milanais en particulier) l’un de ses terrains prioritaires.

23 septembre 1792. Entrée des troupes françaises dans Chambéry. Réactions locales : entre consentement, adaptation et refus.

27 novembre 1792. Décret d’annexion et création du département du Mont Blanc.

1796. Bonaparte avance jusqu’à Cherasco en Piémont. Victor Amédée, par le Traité de Paris, renonce à la Savoie et au comté de Nice.

28 août 1798. Formation du département du Léman avec Genève comme chef-lieu. Fin de la  république de Genève, État indépendant ayant existé de 1541, date de la ratification par le Conseil général des ordonnances ecclésiastiques de Jean Calvin, jusqu’à 1798, date de son annexion par la France, puis de décembre 1813, date de sa restauration, à mai 1815, l’État genevois devenant alors la république et canton de Genève au sein de la Confédération suisse.

17 février 1800. Perte du massif du Mont-Blanc au profit du département du Léman.

Mars 1802. Charles-Emmanuel IV signe un traité d’alliance avec la France et renonce à tous ses États de Terre ferme, quitte le Piémont, se retire en Sardaigne, revient sur sa décision puis abdique une deuxième fois, après la paix d’Amiens.

30 mai 1814. Traité de Paris : suppression du département du Léman. Genève rejoint la Confédération suisse. Chambéry et Annecy sont occupées par les troupes autrichiennes.

20 novembre 1815. Traité de Paris : suppression du département du Mont Blanc. Chambéry et Annecy sont rendues aux Sardes.

24 mars 1860Par le traité de Turin, Nice et la Savoie reviennent à la France. Napoléon III obtient ces deux territoires en récompense de son intervention militaire contre l’Autriche, aux côtés du royaume du Piémont, et en échange de l’annexion de l’Italie centrale par le Piémont.

Partie 2. Les trois périodes du département du Mont-Blanc (source : Wikipédia)

« Le Mont-Blanc est un département ayant existé de 1792 à 1815 et dont le chef-lieu était Chambéry.

La nouvelle circonscription administrative fait suite au duché de Savoie envahi en septembre 1792 et définitivement incorporé à la République française par la loi du 27 novembre, selon les vœux de l’Assemblée des Allobroges.

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Chambéry, cathédrale, trompe-l’œil

Chambéry. La cathédrale et son trompe-l’œil.

« Le trompe l’œil s’est particulièrement développé à Chambéry au XIXème siècle. Parce que la Savoie a toujours aimé les décors peints, mais aussi parce qu’il permet, à moindre frais, de compléter les décors, de créer des perspectives, des mouvements »…

Partie 1. Cathédrale Saint-François-de-Sales, métropole de l’archidiocèse de Chambéry, Maurienne et Tarentaise. Source : Article du site Savoie-Mont-Blanc.

« Les travaux débutèrent en 1418 à l’initiative des Franciscains et l’église fut achevée en 1587. Elle devient cathédrale en 1779 puis métropole en 1817 lorsque Chambéry est élevé au rang d’archevêché. Derrière une sobre façade, elle abrite un vaste ensemble de peintures en trompe-l’œil.

La façade n’offre pas la grandeur habituelle des cathédrales. Ceci s’explique par la modestie franciscaine mais aussi par le sous-sol marécageux qui a nécessité l’installation de plus de 30000 pilotis de mélèze. De telles fondations n’ont pas permis la construction d’une structure élancée ».

« L’intérieur, en revanche, frappe par sa grandeur et par son style gothique flamboyant très simple.

La caractéristique principale de la cathédrale Saint François de Sales reste cependant les peintures en trompe-l’œil qui recouvrent les murs et les voûtes. Elles furent réalisée en 1834 par Casimir Vicario qui privilégia le style gothique troubadour alors très populaire en Savoie ».

« Son orgue romantique datant de 1847 est une œuvre du manufacteur Augustin Zeiger. Avec ses 50 registres, c’est l’un des plus important de la région Rhône-Alpes ».

« Depuis 2010, une réplique à l’identique du Saint Suaire est exposée à la cathédrale Saint François. Elle a été offerte à la ville par l’archevêque de Turin à l’occasion du 150e anniversaire de la réunion de la Savoie à la France ».

Partie 2. Saint François de Sales (1567-1622). Source : extraits d’un article de Wikipédia.

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