Bernard Saint-Girons, délégué interministériel à l’orientation, a remis son rapport d’activité pour l’année 2009 (cliquer ici). Les recommandations sont nombreuses. Je partage, avec l’ancien 1er vice-président de la CPU, deux points de vue : il est nécessaire de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur ; l’objectif, légitime et inscrit dans la loi, de conduire 50% d’une génération à un diplôme de l’enseignement supérieur nécessite d’importantes réformes de l’enseignement secondaire et supérieur.
Je critique néanmoins son rapport (« L’orientation. Le cru 2010« ), car le délégué est prisonnier de deux contraintes auxquelles il ne doit pas, fonction politique oblige, toucher : l’absence de sélection à l’entrée de la licence universitaire (d’où la pléthore de recommandations sur l’orientation active) et la fragmentation de la 1ère année d’enseignement supérieur en 4 filières : CPGE, BTS, DUT, licence universitaire. Le lecteur sait que je milite pour des Instituts d’enseignement supérieur qui intégreront ces quatre filières (lire les chroniques précédentes, en particulier celle consacrée à l’organisation du cycle Licence dans les IES ).
Une partie fort intéressante (mais discutable) du rapport de Bernard Saint-girons est consacrée à la réforme du BTS. L’ancien recteur d’académie a raison : l’objectif des 50% passe 1. par une progression du nombre de bacheliers technologiques et professionnels, 2. par une progression du taux de poursuite d’études de ces bacheliers.
Je ne relève pas ici les données statistiques produites dans le rapport et qui sont erronées : origines sociales des bacheliers professionnels inscrits en BTS et taux de succès au diplôme. Pour les données chiffrées fondées sur les statistiques de la DEPP et pour le répérage des points forts et faibles des STS et des BTS, se référer aux 3 chroniques de ce blog : « STS et IUT, points + et –« , « Succés en BTS et en DUT« , « Avoir un DUT ou un BTS et après« .
La progression du nombre de bacheliers technologiques et professionnels passe par une réforme et une revalorisation de ces deux filières (« égale dignité des voies de formation »). Elle est entreprise : bac professionnel en 3 ans, expériences des cordées de la réussite, réforme structurelle conduisant à la création de lycées polyvalents, au rapprochement voire à la fusion de lycées professionnels et de lycées technologiques (éviter l’enfermement des élèves qui préparent le bac pro en lycée exclusivement professionnel).
Le relatif faible taux de poursuite d’études chez les bacheliers professionnels est bien analysé. « Tout concourt à limiter leurs ambitions : contrainte économique (davantage d’enfants des classes populaires chez les bacheliers professionnels), autocensure, faible incitation à la poursuite d’études, nombre limité de dispositifs adaptés, insuffisance de l’accompagnement personnalisé, crainte de ne pas maîtriser l’ampleur de leur poursuite d’études »…
Quand les bacheliers, surtout les bacheliers professionnels d’ailleurs, poursuivent des études supérieures, ils le font davantage dans les Sections de techniciens supérieurs que dans les IUT ou que dans la licence universitaire. Pour qu’ils soient plus nombreux à poursuivre en STS, qu’ils y abandonnent moins et y réussissent davantage, il faut réformer le BTS. Dont acte.
Quelles sont les réformes proposées pour faire augmenter le taux de réussite en STS ? « Gérer mieux la diversité des publics, individualiser les parcours, développer les compétences transversales, articulier mieux la formation initiale et continue ».
Déclinaisons de ces propositions générales. « Il faut faire évoluer l’architecture même des formations de BTS » pour la faire rentrer dans le schéma LMD. Celui-ci date de 2002 ! Il n’est jamais trop tard pour bien faire !
« Le BTS pourrait être organisé en un ensemble de modules correspondant à des unités de certification liées à des blocs de compétences »… « Cette architecture modulaire permettrait aux sortants non diplômés de disposer d’une certification reconnue sur le marché du travail et de compléter ultérieurement leur formation dans le cadre de la VAE ou de la reprise d’études »… Elle serait également bénéfique « pour les demandeurs d’emplois en reprise d’études ». Elle permettrait enfin « le développement de l’alternance ».
Le délégué interministériel découvre donc les unités capitalisables, en vigueur depuis 40 ans dans le DEUG et la licence universitaire. Dont acte ! Le BTS existe depuis 50 ans et a échappé aux grandes réformes impulsées par la formation professionnelle continue (1970), devenue la formation tout au long de la vie. Il faudra un jour faire l’histoire de cette anomalie.
La mise en oeuvre d’unités capitalisables permet-elle aux universités de capter une part significative du marché de la formation continue ? Cela se saurait depuis 40 ans ! Permet-elle d’augmenter le taux de succès au diplôme ? Non ! L’histoire du DEUG et de la licence universitaire est là pour le démontrer. De plus, Bernard Saint-Girons n’aborde même pas la question des modalités de contrôle des connaissances, des MCC (compensation entre les unités capitalisables pour le BTS réformé). Là encore, des MCC, de plus en plus favorables aux étudiants et qui leur ont été concédées par pure démagogie politique lors de la mise en oeuvre du LMD, n’ont pas fait progresser les taux de succès en licence !
Préconisation suivante. « La nouvelle architecture des formations de BTS pourrait reposer sur un tronc commun permettant d’acquérir les connaissances et compétences requises au sein d’un champ professionnel, complété par des modules correspondant aux différents métiers auxquels conduisent les formations actuelles ». L’idée d’un tronc commun suivi d’une spécialisation par métier est récurrente dans toute l’histoire des formations. L’organiser au sein d’un diplôme de deux années est difficile voire impossible. Mais pourquoi l’ancien recteur d’académie ne va-t-il pas jusqu’au bout de la mise en oeuvre du LMD professionnel ? il faut organiser les diplômes professionnels supérieurs en 3 et non en 2 ans.
Enfin, l’organisation du BTS réformé en modules « faciliterait l’intégration d’un plus grand nombre d’étudiants inscrits en licence et souhaitant changer de parcours, à l’issue notamment du premier semestre ». Gloup ! Cette phrase met à terre les 73 pages du rapport du délégué interministériel à l’orientation. Oser dire cela après avoir proposé une montagne d’étapes, de procédures, de techniques, de portails d’orientation depuis la classe de seconde du lycée, démontre l’inanité de toutes les propositions du rapport : il faut trouver des solutions pour les étudiants entrés dans la licence universitaire non sélective et qui s’y plantent !
Conclusion. Le rapport de Bernard Saint-Girons ne pouvait évidemment sortir des frontières de sa fonction politique. Il est délégué interministériel et doit donc être « politiquement correct » : il faut faire progresser le taux d’accès à l’enseignement supérieur et ainsi, mécaniquement, faire progresser la démocratisation de celui-ci.
Le problème est que ce rapport, qui s’attaque avec raison à l’organisation vieillotte du diplôme de BTS, est lui-même atteint de sénilité précoce. Une réforme des diplômes professionnels du premier cycle de l’enseignement supérieur doit concerner en même temps les DUT et les BTS ; elle doit se faire sur la base de 3 années d’études et non de deux. C’est ce que propose la création des Instituts d’enseignement supérieur !