Brève. La loi Hôpital, Patients, Santé, Territoire (cliquer ici pour accéder au projet de loi), dite loi Bachelot, a été discutée cette semaine à l’Assemblée nationale. Son chapitre 2 modifie profondément la gouvernance de l’hôpital : il confère la totalité du pouvoir au Président du directoire, président nommé et nommant la majorité des médecins membres du directoire. La révolte commence à gronder chez les médecins et chez les personnels : ils craignent d’être encore plus soumis aux impératifs de rentabilité financière. La réforme de l’Hôpital, qui ne date pourtant que de 2007, a mis en place la tarification à l’activité, et a entraîné les médecins dans une logique économico-financière, quelquefois – souvent, contraire à leur déontologie et à la santé des malades. La loi de 2007 ne suffisait pas à Nicolas Sarkozy : « il faut un patron à l’hôpital et un seul« .
Ce qui se passe à l’Hôpital doit faire réfléchir les présidents des universités et tous les personnels. Et si Nicolas Sarkozy décidait d’abolir lui-même la LRU (il doit avoir envie d’en finir avec ces libertés et responsabilités des universités !) et dictait de faire gouverner les universités par des directeurs nommés ; Valérie Pécresse ne s’en émouvrait même pas (lire : « l’alternative de Valérie« ). Napoléon l’a fait et, tout au long du 19ème siècle, l’université (ou plutôt ce qu’il en restait) fut dirigée d’en haut.
La CPU a soutenu la LRU (lire : Lettre ouverte aux Présidents d’Université). Elle a, depuis l’automne 2008, voulu démontrer qu’elle n’était pas « à la botte des ministres » mais elle a trop tergiversé sur les réformes du statut des enseignants-chercheurs et de la formation des enseignants, durcissant le ton puis s’empressant trop vite d’accepter les reculs des deux ministres, mangeant au besoin le chapeau (lire : « l’autonomie, c’est fini !« ), et demandant enfin la semaine dernière de reprendre les cours.
Si les présidents d’université avaient, dès l’annonce de la grève illimitée des enseignants-chercheurs à compter du 2 février 2009, exprimé nettement leurs exigences et menacé de démissionner en bloc, n’aurait-on pas fait l’économie d’un mouvement qui a terni l’image des universitaires et quasiment tué le 1er cycle universitaire (lire : « image ternie« ) ? Le débat sur la création de Lycées d’Enseignement Supérieur (LES) ne doit-il pas être mis à l’ordre du jour (cliquer ici : « créer 480 LES ») ?
Pas de chance pour la CPU : elle a donné du grain à moudre aux plus radicaux par le choix du thème de son assemblée annuelle (« l’université, acteur économique » : cliquer ici), retraduit immédiatement par « la privatisation de l’université » ou « l’université vendue au capital ». Son assemblée a été chahutée par des manifestants, obligeant ses membres à se réfugier dans une enceinte fermée de la marine nationale. Suprême humiliation : le président de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) a été molesté ! La CPU, dans ses communiqués en ligne (cliquer ici), se félicite cependant du déroulement normal de l’assemblée, tout en condamnant – avec raison et fermement – les violences. Et le contenu des débats ? Il faut dire, redire et prouver que : « oui, oui, oui, l’université est un acteur économique clé ! » ; il faut aujourd’hui en persuader les Français ; les universités ne sont pas seulement un coût pour la Nation.
La CPU doit refaire son unité et les présidents doivent retrouver leur légitimité et leur crédibilité en proposant de toute urgence à leurs conseils d’administration une réforme statutaire, respectant l’esprit de la LRU et non sa lettre : en toute autonomie et responsabilité, les présidents doivent décider de se faire confirmer dans leur fonction par un congrès, composé de tous les membres élus et nommés des conseils centraux de l’université et des conseils des composantes. Tant pis si certains d’entre eux ne le sont pas !
L’autonomie de l’université est toujours fragile ; elle peut disparaître. Le pouvoir politique a toujours voulu mettre au pas les universités : lire les chroniques « Orléans, née de Paris« , « la Pragmatique sanction« . Des présidents légitimes, libres et responsables, « oui ! », mais il faut qu’ils prouvent qu’ils le sont. Sinon, ils laisseraient ouverte la porte à des Présidents nommés. Napoléon l’a fait, Nicolas Sarkozy pourrait le faire !
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