Acte de décès de la LRU

Novembre 2011, 4 ans et 3 mois après la publication de la loi Libertés et Responsabilités des Universités. Novembre 2011 est une date dont les universités publiques se souviendront. Le mois de la mort de la LRU. Son acte de décès a été signé au niveau international par l’Association Européenne des Universités (EUA), au niveau local par Jacques Fontanille, président de l’université de Limoges, ancien vice-président de la CPU, élève modèle du passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE dès 2009).

Novembre 2011, l’EUA publie les résultats d’une étude comparative sur l’autonomie des universités dans 26 pays européens (le rapport de l’EUA et dossier de Mathieu Oui sur EducPros). La France est « à la traîne ». Elle se classe 16ème sur 26 en matière d’autonomie d’organisation, 22ème en matière d’autonomie financière, 25ème en matière d’autonomie de gestion des ressources humaines, 26ème et bonne dernière en terme d’autonomie pédagogique.

Et dire que, pendant plus de 4 ans, la communication de Valérie Pécresse et de Laurent Wauquiez a fait croire que les universités françaises étaient devenues autonomes comme jamais elles n’avaient été dans leur histoire. Il s’est donc agi d’une communication politique objectivement mensongère. La LRU, me disait un président d’université en avril 2009, ce sont les responsabilités sans les libertés. La LRU a piteusement échoué à rendre les universités autonomes. Elle est morte, mais elle entraîne dans sa tombe les universités publiques. A moins que la LRU ne visait cette mort !

Novembre 2011, Jacques Fontanille, dans un long communiqué (lire le dossier de Fabienne Guimont sur EducPros), signe aussi l’acte de décès de la LRU. Partisan des RCE dès 2009, le président explique comment et pourquoi il a dû mettre son université en hibernation progressive. Malgré les efforts importants pour rogner, sabrer, annuler des dépenses depuis 2009, le président jette l’éponge et met son université sous tutelle du recteur d’académie et de la direction régionale des finances publiques.

Jacques Fontanille a voulu créer le modèle de l’université autonome à la mode LRU : il s’est trompé ; on l’a trompé ; il a échoué. L’université de Limoges n’est plus une université et le président Fontanille devrait fort logiquement démissionner. La situation de l’université a encore empiré depuis l’année dernière (chronique du blog du 5 novembre 2010 : « RCE et GVT : Limoges dans le mur« ). D’autres universités suivront. Il faut arrêter ce massacre !   

Novembre 2011. La LRU est morte. Il faudra l’enterrer au plus vite au printemps 2012. Et reconstruire. Les universités méritent d’être libres et responsables. Elles ont été trompées par les déclarations de Valérie Pécresse, de Laurent Wauqiez et du président de la République, encore récemment à Strasbourg. Cet Etat a trompé les personnels de l’enseignement supérieur, les étudiants et leurs parents : il a transféré de plus en plus de compétences aux universités sans leur transférer les moyens nécessaires, tout en maintenant toute une série de réglementations tatillonnes et absurdes. L’Etat jacobin ne sait pas décentraliser. Les preuves figurent dans le communiqué de l’université de Limoges. Les résultats de l’enquête de l’EUA le prouvent tout autant.

La LRU est morte. La France a perdu son AAA pour l’enseignement supérieur et la recherche. Il faut penser la reconstruction en urgence, penser une autre avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche (chronique « Hollande doit révolutionner le SUP« ). Créer 5 à 600 Instituts d’enseignement supérieur (IES) pour organiser le cycle Licence, accélérer le processus de fusion pour parvenir à une petite vingtaine d’universités de recherche, enfin visibles et lisibles dans le monde. La France ne doit pas devenir un pays de second rang dans le monde pour la recherche et la formation supérieure !

Actualisation de la chronique, 18 novembre 2011. Communiqué emberlificoté de la CPU, dans CPU Infos, Lettre n°78.

26 Commentaires

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26 réponses à “Acte de décès de la LRU

  1. François

    Dans la logique gouvernementale actuelle, il ne sert plus à rien d’accorder une autonomie réelle à des entités qui vont disparaître : les universités actuelles.
    Le schéma qui se dessine est leur remplacement par un nombre beaucoup plus réduit de méga-universités qui seront des PRES aux frontières redessinées et/ou les entités ayant répondu aux appels d’offres IDEX.
    Il serait intéressant de savoir si, en cas de changement politique en 2012, le futur gouvernement entreprendra de détricoter cette nouvelle organisation.

  2. Joel Pothier

    « La LRU m’a tuer », c’est sûr, et on l’a dit depuis 2007 !
    Il faudra abolir la LRU, ou bien se résigner à ne plus avoir d’enseignement supérieur digne de ce nom.

    Des fusions à la mode PRES me semblent aussi dangereuses pour le vrai travail de recherche: de la recherche de qualité s’effectue dans plus que 20 universités en France ! Les fusions, c’est l’illusion de la « big science ». Et l’arrosage n’est pas la condition de la recherche: sur le blog gaia universitas, une série intéressante de graphiques montre que la production par chercheur ne dépend pas que l’on soit dans une région « arrosée » ou non arrosée (http://rachelgliese.wordpress.com/2010/02/08/les-regions-qui-publient/).
    On n’a pas besoin d’être regroupés par milliers dans des grands « poulaillers » pour pouvoir faire de la recherche.

    Par contre, il faut favoriser les coordinations/collaborations/échanges entre universités (l’Université de France), au contraire de ce que fabrique la LRU qui attise la guerre de tous contre tous, et qui instille une misérable mentalité « boutique » qui n’a vraiment rien à voir avec l’Université (mais tout à voir avec ces dispendieux et débilitants « services de communication » qui ont poussé comme des champignons dans les universités, qui ne sont vraiment pas notre « coeur de métier », et qu’on devrait tout simplement dissoudre, pour des raisons économiques… et intellectuelles).

    L’autre versant du regroupement/fusion, les IES – détachés de la recherche – me semblent aussi dangereux (je sais que nous ne sommes pas d’accord là dessus). L’enseignement au delà du bac devrait toujours être en liaison avec la recherche, que les étudiants se destinent à la recherche ou pas, c’est une question de dynamisme, d’ouverture et d’exemple).

    Cordialement

  3. Joel Pothier

    « La LRU m’a tuer », c’est sûr, et on l’a dit depuis 2007 !
    Il faudra abolir la LRU, ou bien se résigner à ne plus avoir d’enseignement supérieur digne de ce nom.

    Des fusions à la mode PRES me semblent aussi dangereuses pour le vrai travail de recherche: de la recherche de qualité s’effectue dans plus que 20 universités en France ! Les fusions, c’est l’illusion de la « big science ». Et l’arrosage n’est pas la condition de la recherche: sur le blog gaia universitas, une série intéressante de graphiques montre que la production par chercheur ne dépend pas que l’on soit dans une région « arrosée » ou non arrosée (http://rachelgliese.wordpress.com/2010/02/08/les-regions-qui-publient/).
    On n’a pas besoin d’être regroupés par milliers dans des grands « poulaillers » pour pouvoir faire de la recherche.

    Par contre, il faut favoriser les coordinations/collaborations/échanges entre universités (l’Université de France), au contraire de ce que fabrique la LRU qui attise la guerre de tous contre tous, et qui instille une misérable mentalité « boutique » qui n’a vraiment rien à voir avec l’Université (mais tout à voir avec ces dispendieux et débilitants « services de communication » qui ont poussé comme des champignons dans les universités, qui ne sont vraiment pas notre « coeur de métier », et qu’on devrait tout simplement dissoudre, pour des raisons économiques… et intellectuelles).

    L’autre versant du regroupement/fusion, les IES – détachés de la recherche – me semblent aussi dangereux (je sais que nous ne sommes pas d’accord là dessus). L’enseignement au delà du bac devrait toujours être en liaison avec la recherche, que les étudiants se destinent à la recherche ou pas, c’est une question de dynamisme, d’ouverture et d’exemple).

    Cordialement

  4. PR27

    Diable diable, la France n’est pas encore conforme aux canons libéraux de l’EUA. Afficher des classements de conformité à ses idées, c’est transformer une divergence d’opinion en hiérarchisation paternaliste qu’on essaie de faire passer pour « valeur objective », non ?

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  6. Ipseite

    En même temps, quand l’on regarde les critères d’évaluation de l’autonomie des universités, il n’est pas certain qu’ils dessinent un modèle vers lequel il serait souhaitable de se rapprocher : sélection des étudiants, choix de la langue d’enseignement (soit imposer l’anglais en lieu et place de la langue du pays). L’Angleterre est première du classement : est-ce vraiment vers ce modèle-là qu’il faut se diriger ?

  7. François

    La pensée officielle sur le sujet (bienfaits de l’autonomie des universités) est inspirée par les pages 17 à 20 du rapport

    Cliquer pour accéder à Mission_Aghion_Rapport-etape_135615.pdf

  8. Pingback: Autonomie des universités : le naufrage annoncé a bien lieu « (DES) ILLUSIONS

  9. Georges Henry

    1) Je pense qu’au maximum 40% des professeurs et maitres de conférences méritent de rester à leur statut actuel. Les 60% qui restent doivent enseigner 12 heures par semaine et oublier la recherche. Avec les heures sup économisées ont doit meme pouvoir les augmenter un peu.

    2) Une réforme de cette ampleur entrainera de facon automatique la création des collèges universitaires préconisés par Pierre Dubois. Pas l

    3) Le financement de la recherche dans ces colleges et universités de seconde zone est possible sur dossiers et projets. Dans toutes les petites universités, il y a un ou deux labos qui marchent tres bien,( souvent lies aux particularités locales comme le vin ou la mer, ou simplement un type de génie qui a réussi a faire quelque chose), qui jusqu’ici servent à dissimuler l’indigence du reste. Ca s’arrangerait très bien avec un financement approprié et ponctuel.

  10. Georges Henry

    (je continue sur le point 2, internet a envoyé trop tot mon message). Pas la peine de toucher aux grandes écoles, bien assez grandes pour se réformer elles meme si elles en sentent le besoin. Ces collèges universitaires doivent justement copier les classes prépa: petites classes, meme professeur toute l’année, examens nationaux, surveillance du travail des enseignants par des inspecteurs.

  11. Bliman Samuel

    La vision obsessionnelle de ceux qui portent la LRU: le « modèle américain » savoir des « collèges » conduisant à la licence (4 ans)largement distribués sur le territoire et des universités de recherche en nombre limité recevant les « masters » et Ph.D.et les laboratoires de recherche.Cela se ferait à quel prix?
    1) augmentation des frais d’inscription – l’état se désengageant- pour atteindre des niveaux « significatif » permettant l’autonomie financière!
    2) course des présidents pour obtenir des « donations »- à placer en bourse en espérant par le jeu de la finance gagner, ces gains alimentant le budget ordinaire de l’établissement
    3)les universités de recherche devront se faire à la pratique de la course aux contrats de recherche… et tant pis pour les disciplines ne pouvant produire des brevets!
    4)la « gouvernance »: le « rêve » fonctionner comme une entreprise privée avec un P.D.G. (pardon un président) pas forcement un universitaire, un C.F.O. chief financial officer pour s’occuper des « choses sérieuses, les budgets », enfin un D.R.H. pour organiser un appel au marché du travail c’est à dire recruter des vacataires(question : comment peut on tolérer que les personnels, toutes catégories confondues soient tenus pour une ressource, donc jetable comme un ordinateur ou une machine outil, hors d’usage!)
    5) pour couronner ce bel édifice et s’inscrire dans le « marché » on pourra vendre tel ou tel segment de l’établissement!
    Manque à cette « évolution » le constat têtu que les étudiants américains voient ,même dans les établissements de la Ivy League de plus en plus de vacataires , que les frais atteignent des niveaux tels qu’ils s’endettent au point qu’aux USA on voit poindre une crise financière liée au non remboursement des emprunts.

    Les observations de Jacques Fontanille donnent déjà le début de l’orientation engagée!

  12. mado

    La LRU n’est pas ce que vous croyez… d’où votre « indicible » erreur.
    C’est la dénomination navale de « Liquide de Refroidissement Universel » produit utilisé par les marins, et précision utile par ailleurs, ce produit est miscible avec tous les liquides de refroidissement jusqu’à – 25°C.
    Cela mérite réflexion n’est ce pas?
    En tout cas pour ce qui est du refroidissement, quel que soit le sens de LRU, c’est le constat qui semble le plus représentatif on dirait. Tout est refroidit… au risque de geler et de casser.
    Le sigle choisis serait il « prémonitoire »?

  13. Merci à toutes et à tous pour vos commentaires. Ils vont au fond de plusieurs débats : celui de la structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) dans le pays à l’horizon 2020, celui de l’autonomie universitaire (libertés et responsabilités), celui du financement de l’ESR, celui de la compétition / coopérations entre universités pour la recherche, celui de la performance mesurée et classée.

    @ Mado. Merci d’avoir glissé dans ces débats de fond une touche d’humour bienvenue. LRU, liquide de refroidissement universel. Bien vu !

    @ François. Il est effectivement important de renvoyer au rapport de référence d’Aghion : « Autonomie et moyens de l’autonomie ». Le rapport est dans le paysage. Ne pas l’oublier.

    @ PR27. Le rapport de l’EUA. Procéde-t-il d’une idéologie libérale ? Et en quoi ? Peut-on être contre l’autonomie des universités ? Bien sûr que non ! Une université non autonome n’est pas une université. Tout l’histoire des universités nous le rappelle. Fondée par le pape ou par le monarque, l’université médiévale puis moderne a toujours bénéficié d’une autonomie statutaire et pédagogique, de franchises universitaires. Certes, les universités n’ont pas toujours été capables de préserver cette autonomie ; ce ne fut pas à porter à leur crédit.

    L’enquête de l’EUA prend en compte 30 critères d’autonomie et classe les pays. La France est à la traîne : la LRU a échoué à rendre les universités plus autonomes et les a écrouées dans un carcan de contraintes financières absurdes. J’aime le titre de la loi LRU, Libertés et responsabilités, mais seulement son titre.

    @ François, Joël, Samuel. Fusions et méga-universités. L’université de Strasbourg a initié la voie de la fusion ; elle a eu raison. Lorraine et Aix-Marseille fusionnent au 1 janvier 2012. D’autres fusions sont annoncées dans les IDEX pré-retenues. On ne reviendra pas en arrière (les classements internationaux ont « porté » ces fusions à la française).

    Combien d’universités à terme ? 15 à 17, i.e. une université par grande région (dont plusieurs en ile de France). Je me suis opposé dès le départ aux IDEX pour un grand nombre de raisons, dont celle de leur nombre limité (chroniques : 14 régions désertifiées).

    Mais les fusions actuellement organisées créent des méga-universités (plus de 60.000 étudiants). Dans ces universités, le 1er cycle déjà moribond sera assassiné. Il faut sauver la licence et en urgence. Les méga-universités n’ont pas à traîner ce qu’elles considéreront forcément comme un boulet, la licence.

    C’est pourquoi je crois que le temps est venu de franchir une nouvelle étape historique. La préparation au baccalauréat a été sortie de l’université à l’ère moderne. Il faut, aujourd’hui, sortir la licence de l’université et les classes supérieures des lycées pour les regrouper au sein d’Instituts d’enseignement supérieur. Les IES n’ont rien à voir avec les collèges universitaires américains.

    Les 15 à 17 universités ne seraient donc pas des méga-universités, mais des universités de 15 à 25.000 étudiants selon les régions, universités évidemment multi-sites dans chacune d’elles.

    Suite du commentaire dans l’après-midi.

  14. @ Georges. Je perçois que nos analyses et nos réflexions pour le futur de l’enseignement supérieur et de la recherche partagent une même vision. Je m’en sens moins seul ! Continuons à débattre.

    @ Ipseite et @ Samuel. Autonomie et financement. Dans tous les cas de figure, le financement des établissements publics d’enseignement supérieur doit rester public. La LRU et la politique du gouvernement actuel conduisent clairement à un désengagement de l’Etat et à la progression de l’enseignement supérieur privé. Ma position est, j’espère que le lecteur l’a compris, de défendre un enseignement supérieur public, un financement public très majoritaire.

    Néanmoins, on peut discuter de la répartition du financement public entre Etat et collectivités territoriales. Le financement de celles-ci sera plus important dans les Instituts d’enseignement supérieur que dans les 15 à 17 universités de recherche (financement de l’Etat majoritaire). Dans un temps de crise et d’endettement public, il faut aussi discuter d’un financement plus important par les étudiants et leurs familles et par les entreprises.

    Oui, je suis favorable à une augmentation raisonnable des droits d’inscription en fonction des revenus des parents. Je suis par contre totalement hostile aux emprunts étudiants (cf. ce qui se passe au Royaume Uni et aux Etats-Unis). Il y a quelques années, dans Vie Universitaire, je proposais un financement par les étudiants une fois le service fait (= le diplôme obtenu). Si l’étudiant et l’entreprise qui le recrute verse l’équivalent du 1er mois de salaire du diplômé nouvellement recruté, cela représente deux milliards d’euros.

    @ Joel. Compétition, coopération et communication des universités. D’accord avec vous : les universités ont renforcé leur service de communication… Pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur : les universités ne peuvent pas ne pas communiquer sur leurs points forts (cf. les commentaires de Ghislain de l’université de Poitiers à la chronique : « Nantes n’a plus de thune »). Pour le pire : ces services ne peuvent être que la voix de leur maître, le président de l’université ; ils ne peuvent faire que de la communication institutionnelle (et c’est démoralisant pour une partie des communicants, d’où un turn-over important dans la fonction). Heureusement, les blogs existent et peuvent traquer les points faibles, les points qui doivent être améliorés.

    @ Samuel. Faites-moi crédit : vous ne pouvez croire que je partage la vision de la LRU et du modèle américain. Je défends certes une fusion des universités autour de 15 à 17 universités en région et des IES. Mais il s’agit bien d’universités et d’IES publics. Ils peuvent se réaliser sans obligation de mettre en oeuvre les points 1 à 4 que vous énoncez. J’espère que mes deux commentaires successifs vous en persuadent a minima.

    Vous avez une analyse argumentée du système français, de son passé et des réformes souhaitables. J’ai lu avec plaisir et intérêt l’article que vous avez écrit en 2008. Je me permets de signaler aux lecteurs du blog le lien vers cet article : http://regulation.revues.org/index5963.html

    A toutes et à tous, merci. Ce blog souhaite plus de coopération. Il vous est ouvert pour toute chronique, libre et responsable, sur l’enseignement supérieur et la recherche que vous souhaitez pour 2020. Je publierai votre chronique avec grand plaisir.

  15. Naïf déçu

    Est-il légitime de parler d’un échec de la LRU? Pas sûr du tout. Car on constate au bout de trois ans en gros que pas mal de ménage a été fait, et c’était le but: il y a les PRES qui se sont constitués tant bien que mal selon les cas, mais qui sont constitués, et forment de gros pôles visibles, comme souhaité. Et puis il y a le reste, dont le compte se règle progressivement. Il me semble que ce résultat peut en lui-même être considéré comme positif, car correspondant à l’objectif même de la loi. Et le tout sans grève générale ou autre perturbation généralisée (comme ce qu’avait donné la lutte anti-CPE par exemple).

    Naturellement nous a-t-on répété, les plans Campus et autres IDEX ou appels à projet pour débloquer des aides n’étaient pas seulement pour ces pôles qui ont réussi à se former, toutes assurances ont été données là-dessus au départ : l’expertise, en toute indépendance évidemment, ne porterait bien sûr que sur l’excellence du projet. Les résultats montrent d’ailleurs que les PRES n’ont pas tous obtenu tous les projets présentés: n’est-ce pas la preuve de l’objectivité de l’expertise?
    Vous avez lu des projets qui ont été acceptés? Vous avez pu les comparer à ceux qui ont été recalés? Vous êtes convaincus que l’excellence est bien ici et pas là? Moi non – il est vrai que je n’ai pas assisté aux auditions des présidents présentant leur projet, c’est peut-être là que s’explique la différence.

    Bref, il y a des établissements qui n’ont rien obtenu, autrement dit qui ne sont pas foutus de définir un projet d’excellence.
    Et qui n’ont pas non plus été fichus de constituer un PRES – et là, deux raisons possibles: ou bien c’est parce qu’ils sont tellement forts que leur excellence a fait peur aux autres, qui n’ont pas voulu constituer un PRES avec eux (c’est ce que j’entends dire dans mon propre établissement). Ou bien, est-ce que par hasard ce ne serait pas pour la même raison que ce qui a présidé à leur refuser leurs projets d’IDEX (et autres)?
    Admettons un instant cette dernière hypothèse: je me trouve alors dans une université qui n’est pas dans un PRES et n’a pas su faire la preuve de son excellence. La conclusion me paraît claire : de même que, ci-dessus, Georges Henry considère que seuls 40% des enseignants-chercheurs méritent de continuer à être considérés comme tels, les autres pouvant passer à 12h par semaine (mais pourquoi seulement 12?), eh bien, de même, mon établissement fait partie de ces universités qui ne méritent pas leur statut et par conséquent doivent être converties en « collèges » ou « instituts » dévolus à la Licence. Et à qui la faute? Certainement pas à la loi LRU, qui n’a en rien empêché mon établissement d’entrer dans un PRES ou de proposer des initiatives d’excellence.

    La loi LRU a réussi à faire ce qui aurait impossible autrement: ce sont les établissements eux-mêmes qui administrent publiquement la preuve qu’ils ne sont pas dignes de continuer à prétendre être des universités: il sera donc légitime et normal de les amener à se transformer en revoyant leur prétention et leur arrogance à la baisse, car rien ne les justifie objectivement. C’est génial, non? Il faudrait s’en inspirer en pédagogie…

  16. Thomas

    Naïf (vous portez bien votre pseudo),

    La loi LRU a déclenché en 2009 l’une si ce n’est la plus importante crise universitaire française : cinq mois de blocage dans la plupart des universités françaises avec la plupart des étudiants et enseignants main dans la main contre le gouvernement, alors quand vous nous dites qu’il n’y a pas eu de perturbation généralisée, les bras m’en tombent !

    Les PRES, qui n’existent qu’en France, consistent en regroupements de plusieurs universités, plusieurs grandes écoles et plusieurs instituts de recherche autour de même sujets de recherche. C’est comme avoir dans un cockpit d’avion une demi-douzaine de pilotes qui veulent tous aller dans une direction précise : l’avion ne va jamais décoller ! (d’ailleurs il n’a jamais décollé, la science française va même encore plus mal qu’auparavant selon les différents types d’évaluation internationales).

    Le plan campus, le plan Licence, le grand emprunt ne sont que des effets d’annonces, l’argent promis n’est toujours pas là (sauf pour les happy few) et avec l’énorme crise des dettes souveraines européennes et leurs lots de politiques d’appauvrissement généralisé caché sour les termes plus présentable de « rigueur » et « d’austérité » les universités françaises pourront toujours attendre un financement digne de ce nom…

    Ce qui me révolte le plus dans votre commentaire c’est de faire porter le chapeau des difficultés financières et des difficultés de création / transmission du savoir aux seules universités ; universités a qui on a soit transféré de l’argent mais sans pouvoir (gérer la masse salariale) soit du pouvoir sans argent (gérer l’immobilier), dans un tel contexte, c’était évidemment qu’elles allaient couler (et certaines plus vite que d’autre). l’Etat est le seul responsable depuis des décennies de ce désastre, l’incompétence et l’irresponsablité des universitaires n’en sont que les conséquences logiques.

    Au delà de ça, personnellement, je suis, sans entrer dans les justifications, pour des établissements d’enseignement supérieur non universitaire qui délivrent uniquement des licences pluri-disciplinaires, malheureusement ce n’est pas demain la veille que ça arrivera pour une multitude de raisons : les lycées refuseront de perdre les BTS et classes préparatoires, les grandes écoles refuseront de disparaitre au profit des universités et surtout les politiques, de gauche comme de droite, refuseront toujours la vraie démocratisation du supérieur (la qualité pour tout le monde) car ils sont foncièrement élitiste (on donne beaucoup a quelques-uns seulement, eux et leurs enfants en l’occurence).

  17. François

    @Thomas.
     » l’Etat est le seul responsable depuis des décennies de ce désastre  »
    C’est un peu court … qui est « l’État » ?

  18. Thomas

    François,

    L’Etat avec un E majuscule est assez clair : « L’Etat français désignant l’ensemble des pouvoirs publics ( exécutif et législatif, mais pas le judiciaire concernant l’université).

    Le problème étant que l’exécutif et le législatif depuis… finalement depuis toujours sous la cinquième république agissent dans l’intérêt de certains français contre l’intérêt de l’écrasante majorité des français : On finance correctement 5% des étudiants (principalement ceux dans les grandes écoles) et on sous-finance tout le reste (surtout la plupart des étudiants universitaires), on donne un vraie autonomie aux grandes écoles et une autonomie de façade aux universités etc..

  19. @ Naïf déçu et @ Thomas. Deux commentaires en parfaite opposition. Il faut garder en vue le calendrier des réformes récentes. Les PRES sont le produit de la loi Goulard de 2006 sur la recherche : ils ont visé la structuration de la recherche (dont le doctorat et le master). Certains établissements se sont PRESsés uniquement pour augmenter leur masse de publications aux fins d’apparaître dans le classement de Shanghaï. Dès le début du blog en 2009, j’ai écrit que les PRES étaient obsolètes, car ils ajoutaient une structure de plus, des coûts de coordination importants, une mise à l’encart de la licence.

    D’autres PRES se sont donné comme objectif la fusion, objectif plus clair, mais tout aussi préjudiciable pour l’avenir des licences. Je suis cependant partisan des fusions, mais non de méga-universités.

    Après le PRES, il y eut la LRU et son objectif principal : les responsabilités et les compétences élargies. Cette chronique porte sur le décès de la LRU et uniquement sur cela. C’en est fini des responsabilités et compétences élargies !

    Pius il y eut le Plan Campus et les investissements d’avenir. C’est encore autre chose. D’accord avec Thomas : les universités et les projets excellents n’ont encore reçu que peu d’argent et dieu sait ce qu’il en sera demain avec les plans de rigueur.

    @ Naïf déçu. Il n’est pas bien difficile de deviner à quelle universté vous appartenez. Elle est concernée par les trois étapes des réformes énoncées ci-dessus : elle n’est pas PRESsée, elle a échoué au Plan Campus et aux investissements d’avenir, et elle va passer aux RCE le 1er janvier prochain. Cette université se dit pourtant excellente : chronique « A chacun ses indicateurs d’excellence »
    http://blog.educpros.fr/pierredubois/2011/08/08/a-chacun-ses-indicateurs-dex/

    Et demain. Hostilité de Naïf déçu aux Collèges universitaires. Pour Thomas, création d’établissements délivrant la licence, mais chance quasi nulle de les voir apparaître. Deux visions pessimistes donc. Je prends le parti de l’optimisme : les Instituts d’enseignement supérieur ne sont pas une punition pour les médiocres ! Ils constituent le socle de l’enseignement supérieur et de la recherche de demain. Ils sont la condition sine qua non de l’université de recherche de demain. Ils sont la condition de la démocratisation de l’accès et de la réussite dans le supérieur. Mais Thomas a raison de dire que des lobbies s’y opposeront. Il faut montrer aux lobbies, en particulier aux professeurs agrégés des classes supérieures des lycées, qu’ils seront des enseignants du supérieur et non plus des enseignants du secondaire. Leur métier serait bien plus valorisant !

  20. Naïf déçu

    Cher Thomas, j’ai eu le tort de faire du second degré, excusez-moi, ce n’est pas très malin de ma part car l’ironie ne transparaît pas bien à l’écrit.

    Je me plaçais du point de vue du gouvernement actuel et de ses ministres, et je maintiens que, de ce point de vue-là, la loi LRU a fait le boulot qu’on en attendait (« on »: ceux qui l’ont concoctée et votée, bien sûr), et qu’elle est passée somme toute sans faire beaucoup de vagues (la preuve: elle est bel et bien passée), sans doute parce que beaucoup (même de gauche) étaient conscients qu’il fallait un changement.

    Je maintiens aussi, pour avoir dirigé deux-trois structures dans ma vie, et avoir ainsi côtoyé de près bien des enseignants-chercheurs, que les universitaires sont responsables et coupables d’un certain nombre d’échecs, à commencer par celui des étudiants. Vous reconnaissez vous-même, dans des termes beaucoup plus sévères, l’incompétence et l’irresponsabilité des universitaires, mais vous en attribuez la cause à l’Etat – j’ai peut-être des valeurs quelque peu obsolètes, mais je crois que, quel que soit le contexte, chaque individu fait des choix, donc exerce sa responsabilité, et d’ailleurs au sein de n’importe quel établissement il y en a qui sont vertueux et qui s’évertuent pour la collectivité, et il y a ceux qui ne considèrent guère que leur seule carrière et leur propre confort.

    Je ne suis pas a priori hostile aux Collèges universitaires, si on y fait ce qu’il faut pour véritablement former les étudiants qui ne peuvent intégrer les filières sélectives, donc comme « condition de la démocratisation de l’accès et de la réussite dans le supérieur » ainsi que dit ci-dessus. Mais cela suppose un changement de mentalité chez la plupart des enseignants-chercheurs, lesquels fonctionnent à l’exclusion (l’accumulation de l’encre rouge dans les marges) plutôt qu’à l’intégration. Qui va lancer cette révolution des mentalités? Cela fait combien de temps que des didacticiens et des pédagogues réfléchissent, expérimentent, produisent… et pour quel résultat en ce qui concerne les applications à l’université?

    Le problème des enseignants-chercheurs, alimenté par les critères d’évaluation en vigueur au CNU et autres Comités de sélection, c’est qu’ils visent (en principe) à être reconnus sur le plan de la recherche, mais que leurs performances en matière d’enseignement au mieux vont de soi, ou sont soigneusement cachées (d’ailleurs, l’évaluation des enseignements, prévue par LMD, n’avance guère, car on y voit le danger d’être jugé comme enseignant).

    Je ne crois pas que la création de Collèges universitaires change grand-chose si les méthodes d’enseignement restent les mêmes, et restent en particulier complètement coupées des pratiques de recherche. Dommage (mais révélateur), à cet égard, que le rapport Gauthier (2007) n’ait guère été relayé…

  21. Soutier

    Comment a-t-on pu croire pendant plus de quatre années que la LRU allait révolutionner le (petit) monde universitaire et lui faire retrouver une aura internationale que l’on a cru perdue ?
    Comment a-t-on pu penser cette « révolution » en ignorant que les recrutements, carrières et promotions des chercheurs et des enseignants-chercheurs dépendaient pour grande partie des niveaux nationaux (commissions, CNU, concours…)presque sans lien avec ce qui est la base d’une véritable autonomie des Universités : pédagogie performante, gestion efficace et indépendance de la recherche…
    L’autonomie n’est pas seulement financière mais est aussi celle de la mobilisation de toutes les forces d’une Université : peut-elle reposer principalement sur des comportements dictés par des courses individuelles aux reconnaissances nationales ou internationales sans prendre en compte aussi celles des soutiers, travailleurs silencieux d’un ensemble qu’ils croient (malheureusement pour eux) unique et logique car associant la pédagogie, la recherche et la gestion des institutions ?

  22. @ Soutier. « Les recrutements, les carrières, les promotions dépendent en grande partie des niveaux nationaux ». Oui et non. Effectivement pour être recruté localement, il faut être qualifié par le CNU ; les sections du CNU disposent de 50% des quotas de promotion.

    Il n’en demeure pas moins que le niveau local est plus important à mon avis : ce sont les comités de sélection locaux qui font des propositions de recrutement au CA de l’université. 50% des promotions sont accordées au niveau local.

    A vrai dire, la LRU n’a rien changé de significatif pour le rôle des 2 niveaux, national et local.

    J’aime que vous mentionniez les « soutiers », les « travailleurs silencieux ». On parle trop peu souvent d’eux. Eux aussi contribuent à la réussite des projets universitaires. C’est pourquoi j’essaie de temps en temps de leur donner la parole dans la rubrique « Initiatives excellentes »
    http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/initiatives-excellentes/

  23. Soutier

    Je ne suis pas d’accord avec votre remarque (je vous cite) « ce sont les comités de sélection locaux qui font des propositions de recrutement au CA de l’université. 50% des promotions sont accordées au niveau local. »

    En tant qu’ancien Président de plusieurs de ces Comités, j’ai pris soin de déterminer avec les autorités de mon Université les profils des recrutements correspondant à nos « vais » besoins tant en recherche (intégration au sein d’un laboratoire) qu’en enseignement (intégration dans des équipes et les spécialités des Masters existant…)

    Mais jamais (et j’insiste sur ce terme) le CNU concerné et, pire bien qu’indirectement, les Jurys d’agrégation du supérieur (Groupe 1) n’ont tenu compte de ces profils en nous envoyant certes, des excellents chercheurs, mais dans des spécialités qui ne correspondaient pas à celles de nos laboratoires et nos Masters !

    Au total, tous ces promus n’avaient alors qu’un seul souci, celui de repartir au plus vite dans leur Université d’origine en nous accusant au passage de brimades ou de recrutement que l’on voulait « autochtones ».

    La LRU pouvait théoriquement changer cela mais nul Président n’a osé le faire puisque cette « autonomie » n’était en fait que factice !

  24. @ Soutier. Je suis désolé mais je confirme mon analyse : dans la plupart des disciplines, c’est le local qui l’emporte sur le national en matière de recrutement.

    Notre incompréhension vient de que vous n’avez pas mentionné votre appartenance à une discipline qui possède une agrégation du supérieur. Dans ce cas effectivement, c’est le rang de classement au concours d’agrégation qui permet au professeur de choisir son poste. l’université n’a évidemment que peu à dire : un jury national l’emporte sur le local.

    Le CNU ne recrute pas ; il qualifie. Votre affirmation (le CNU ne tient jamais compte des profils que nous établissons au plan local) est donc bizarre. Peut-être voulez-vous dire que le CNU peut ne pas qualifier des candidats qui intéressent votre établissement ? Ce qui est un vrai pouvoir au niveau national.

  25. Soutier

    En effet, j’ai oublié de signaler (même si cela apparaissait en filigrane) que je me référais principalement à des exemples de disciplines avec concours d’agrégation…
    Je voulais dire que le « filtre national » y fonctionne totalement pour les professeurs issus des deux formes d’agrégation (« traditionnelle » et « interne ») et ceux issus du 46/3 (voie longue…). Car, dans ce cas, même si les candidats retenus localement correspondaient à des besoins de l’Université, le taux de non-pourvoi des postes pourtant disponibles reste fort dans ce secteur (particulièrement en Sciences Economiques !)
    C’est à ce niveau que les CNU peuvent ignorer les profils locaux et malheur alors à l’Université dont les Comités de sélection classent par principe des candidats de bon niveau mais « à la marge » du profil demandé : ils seront préférés par les CNU dans plusieurs disciplines !
    Pour les recrutement des Maître de Conférences, les CNU peuvent en effet ne pas qualifier des candidats qui intéressent un établissement et, ce, pour des raisons diverses comme les rapports induits par les Universités dominantes dans un secteur, ou par des jeux d’échange entre membres des CNU (et plusieurs lettres ouvertes ou démissions de membres de ces instances ont émaillé un passé récent…)
    La LRU n’a pas changé cet état de fait en faisant subsister des formes de recrutement discutables et discutées et une « certaine idée d’autonomie » ! Elle a donc créé une contradiction supplémentaire entre les pouvoirs du local et du national, contradiction très forte dans les disciplines du Groupe 1 (agrégation…) et dénoncée parfois par certaines « Conférences de Doyens » de ces disciplines.

    En vous remerciant pour ce blog très stimulant !

  26. @ Soutier. Je suis, cette fois, en total accord avec votre analyse. Il nous suffisait à tous les deux de préciser un certain nombre de choses !

    A venir, une situation fort intéressante. A partir de la rentrée 2012, les sections du CNU vont évaluer tous les enseignants de leur discipline, une fois chaque quatre ans. Le national va donc s’affirmer encore plus par rapport au local… Mais, personne ne sait à quoi va servir cette évaluation. Des doublons ou des contradictions avec les évaluations de l’AERES qui conduisent à des taux de non-produisans ? A suivre !