J'ai mal aux regroupements (2)

J’ai mal aux regroupements. Épisode 2, le cas du Languedoc-Roussillon. Chroniques du blog sur l’enseignement supérieur et la recherche dans la région.

Que va-t-il se passer dans les 3 années qui viennent en Languedoc-Roussillon ? La situation y est compliquée, voire conflictuelle. Devenir des établissements et devenir des présidents en fonction rendent l’avenir incertain, mais également croquignolesque. Plusieurs scénarios de regroupements peuvent être imaginés.

État des lieux. 1. Cinq universités dans la région : Montpellier 1 (Droit, économie et gestion, Santé), Montpellier 2 (Sciences et Techniques), Montpellier 3 Paul-Valéry (Arts, Lettres, Langues, Sciences Humaines et Sociales) ; ces trois universités sont issues de la loi Faure de 1968. Aux trois universités historiques, héritières de l’université médiévale, se sont ajoutées Perpignan Via Domitia (40 ans d’existence) et Nîmes Université professionnalisante (fondée en 2007).

2. Le PRES Sud de France a été créé en 2009 (décret du 9 juin). Dix membres fondateurs  : les 5 universités et 5 écoles. Sept membres associés dont la ville de Montpellier, l’agglomération, la région.

3. Lauréates du Plan Campus, les universités de Montpellier ne figurent pas, en 2012, dans les 8 lauréats des Initiatives d’excellence (IDEX).

4. Février 2013. Les Conseils d’administration des universités de Montpellier 1 et 2 votent une charte de la fusion. Montpellier 3 Paul-Valéry n’a pas souhaité entrer en fusion avec les deux autres universités. Le vote de cette charte constitue un événement majeur dans l’histoire des universités montpelliéraines. Elle concrétise le début du processus de fusion entre deux de ses universités phare qui n’en feront plus qu’une au 1er janvier 2015. Elle répond à une ambition partagée, celle de réunir les forces de chaque établissement pour relever les défis de demain de l’enseignement supérieur et de la recherche

5. 22 juillet 2013. Suite à la loi Fioraso, le PRES Sud de France est devenu automatiquement une Communauté d’universités et d’établissements. Celle-ci a jusqu’à mi-novembre 2013 pour choisir si elle reste CUE, si elle opte pour la fusion ou pour le statut d’Association, un seul établissement organisant la coordination territoriale autour d’un établissement pilote (article L 718 3 du Code de l’éducation). Si elle demeure CUE, elle doit adapter ses statuts avant la mi-juillet 2014. A noter : la CUE a le statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP).

Et c’est alors que les choses se corsent : des calendriers de réformes structurelles qui s’entrechoquent et des présidents qui ont des trajectoires, des mandats qui sont en conflit avec les calendriers des réformes. Celui qui est le plus concerné est Philippe Augé, né le 14 juin 1967, professeur des universités en droit public depuis 2009, président de Montpellier 1 depuis 2009 et président du PRES Sud de France depuis 2012. Sa trajectoire sur le site de Montpellier 1, sur EducPros, sur ce blog.

Premier problème pour lui. Il ne pourra plus cumuler, être à la fois président de son université (son second mandat se termine en mars 2016) et président d’une CUE, si le statut de CUE est maintenu. L’article 712-2 du Code de l’éducation précise en effet que les fonctions de président d’université sont incompatibles… avec celles de dirigeant exécutif de tout établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ou de l’une de ses composantes ou structures internes. Juillet 2014 : choisir entre la présidence de l’université et la direction exécutive de la CUE ?

Second problème. La fusion de Montpellier 1 et de Montpellier 2 est prévue, selon la charte votée en février 2013, pour le 1er janvier 2015. Si le projet est maintenu et devient opérationnel, il est probable que Philippe Augé sera candidat à la présidence de l’université unifiée. De juillet 2014 au 1er janvier 2015 : ce peut être une solution pour lui de demeurer à la tête de son université avant de devenir président de l’université unifiée, et de laisser la direction exécutive de la CUE à quelqu’un d’autre.

Mais un deuxième scénario est possible : faire un putsch et obtenir, avant la mi-novembre 2013, d’arrêter tout de suite la CUE et de faire choisir à celle-ci le 3ème type de regroupement : l’association, Montpellier 1 assurant la coordination territoriale des établissements associés et pilotant ainsi de fait le contrat unique de site (c’est le modèle choisi en Alsace).

Philipe Augé est un homme qui a une ambition de carrière dans les responsabilités administratives (faute d’avoir passé ou échoué à l’agrégation du supérieur en droit ?). Il est vice-doyen de la faculté de droit de son université dès 2001 (il a alors 34 ans), vice-président en charge du CA en 2004 (37 ans), président en 2009 (42 ans) ; c’est en 2009 également qu’il devient professeur des universités. Il échoue cependant à devenir vice-président de la CPU en décembre 2012 (45 ans).

Un troisième scénario. Philippe Augé se retire temporairement du jeu : il est nommé conseiller de la Ministre ou recteur d’Académie. Et il fait son retour dans la seconde partie de 2014 pour être candidat à la présidence de l’université unifiée, coordinatrice territoriale des établissements associés (dont les 3 universités subsistantes).

Philippe Augé, bien sûr, vous n’allez pas révéler sur ce blog l’état de vos réflexions actuelles. Nous ne nous sommes jamais rencontrés, même à l’occasion de mon reportage à Montpellier du 7 au 9 octobre 2013. Peut-être me gardez-vous rancune d’un accrochage épistolaire au moment de la préparation des Journées de SCUIO de juillet 2009 ?

Le lecteur du blog l’aura compris : la loi Fioraso et ses regroupements créent un énorme pataquès dans les établissements !

2 Commentaires

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2 réponses à “J'ai mal aux regroupements (2)

  1. Martinville

    Aujourd’hui, pour réussir, il faut être proche du pouvoir (politique, économique, syndicale) et faire une carrière d’appraratchik. L’apparatchikisme, c’est un moyen de faire de très belles carrières pour les universitaires médiocres. Un apparatchik reçoit en effet immédiatement des primes, des points d’indice, puis viennent les promos-récompenses et les fromages…
    Un chercheur lui reçoit un salaire de m… et doit espérer, éventuellement, des promotions médiocres, s’il est bien évalué… alors que l’apparatchik qui échoue est certain de sa carrière… C’est là le reflet de notre époque et de la déviance soviétique de l’Université, institution pervertie par l’idéologie managériale néo-libérale et syndicale.

  2. David

    tout à fait exact. mais entendons nous sur la notion de médiocrité. Pour moi cette notion est ambigue et mérite d’être définie au regard des critères de jugement de l’académie. Il n’est pas dit qu’un chercheur médiocre aux yeux de l’académie soit un mauvais chercheur. Le plus souvent les esprits érudits et novateurs sont mal compris par leur pairs. L’institution académique y est pour quelques choses. Il suffit de comparer les deux environnements institutionnels nord américain et le notre pour s’en rendre compte. Les américains raflent tous les ans des médailles de toutes sortes et des prix Nobel, alors que ce n’est vrai pour nos chercheurs de l’académie bien pensante et arrogante. Il ne suffit pas de traduire les articles étrangers pour se constituer un CV suspect mais qui passent pour être sérieux. D’ailleurs, un collectif s’est fondé pour dire stop à la recherche court-termiste qui mène nulle part, si ce n’est de garnir des CV suspects. Les américains ouvrent leur portes à tous ceux qui ont quelques choses à dire, alors que notre académie ouvre sa porte aux perroquets qui reproduisent, alors qu’ils devaient produire, innover,etc.