Sorties du SUP : quel gâchis !

Boris Ménard, Sortants du supérieur : la hausse du niveau de formation n’empêche pas celle du chômage, CEREQ Bref, n°322, septembre 2014.

Cet excellent CEREQ Bref est écrit sans langue de bois. Il faut absolument le lire et prendre en compte les résultats. Sa lecture m’a fait crier : arrêtons le gâchis humain et financier ! Que sont devenus, fin 2013, les 396.000 jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010 ? 91.000 (soit 23% de l’ensemble) ont abandonné soit les études de licence (59.400), soit les études de BTS ou de DUT (31.600), et ce sans avoir obtenu de diplôme. Montant de la dépense publique gâchée : plus de 800 millions d’euros ! Le combat du blog – créer des Instituts d’enseignement supérieur – est plus que jamais d’actualité.

Copie de P1190255Tableau en grand format

Marasme également pour les titulaires d’une licence (taux de chômage en hausse) ou d’un master universitaire (chômage en forte hausse) ; salaires en baisse par rapport à ceux des diplômés 2004. S’en sortent mieux les diplômés des formations sanitaires et sociales (bac+2 ou 3), les ingénieurs et les docteurs (santé et hors-santé).

Il faut enfin instaurer la sélection à l’entrée de la licence et du master : la dotation économisée (plus de 800 millions d’euros  pour le seul 1er cycle) étant mobilisée pour augmenter très fortement le nombre de contrats de service civique pour les jeunes bacheliers qui ne seront pas admis immédiatement dans le SUP.

Extraits du CEREQ Bref. « Les jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010, interrogés dans le cadre des enquêtes Génération, n’échappent pas à la dégradation de la conjoncture. Bien que plus diplômés sous l’effet de la réforme du LMD, ils sont plus souvent au chômage et un peu moins rémunérés que leurs prédécesseurs sortis en 2004. Les non-diplômés restent les plus exposés, mais l’insertion des diplômés de la voie professionnelle subit également les effets de la crise.

Parmi les sortants de l’enseignement supérieur en 2010, seuls les ingénieurs, les docteurs et les diplômés de la santé et du social sont épargnés par la progression du chômage. Pour tous les autres, la situation après trois ans de vie active s’est aggravée entre 2007 et 2013.

Les 369.000 jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2010, soit 3 % de plus qu’en 2004, sont pourtant plus diplômés que leurs prédécesseurs. En effet, la généralisation du LMD a entraîné, par un jeu de vases communicants, une élévation du niveau général, et une modification de la structure des sortants. Ainsi, la part des sorties au niveau bac+2 (diplômés de BTS ou DUT) a reculé au profit du niveau L3 (notamment les licences professionnelles). Les sorties au niveau M1 se sont raréfiées, alors que le master 2 est en passe de devenir le diplôme le plus délivré. Au final, en 2010, près d’un jeune sur trois issu de l’enseignement supérieur entre sur le marché du travail avec un diplôme du supérieur long en poche (bac+5 et plus).

Cette élévation du niveau de diplôme ne s’est pas traduite par une insertion professionnelle plus aisée. En 2013, trois ans après leur sortie de l’enseignement supérieur tous niveaux confondus, 13 % des jeunes actifs sont au chômage. Ce taux est en hausse de quatre points par rapport à la Génération 2004. Certes, la part des emplois occupés à durée indéterminée est stable (73 %), de même que la part des emplois de niveau cadre ou profession intermédiaire (73 %). Ces emplois sont en moyenne plus qualifiés, la proportion d’emplois de niveau cadre ayant, à elle seule, progressé de cinq points. Après trois années de vie active et sous l’effet de la crise, les jeunes actifs de la Génération 2010 subissent néanmoins une baisse de leur pouvoir d’achat. La rémunération mensuelle nette, qui s’élève à 1.620 euros, est inférieure à celle de Génération 2004 (- 30 euros) ».

5 Commentaires

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5 réponses à “Sorties du SUP : quel gâchis !

  1. PiWi

    Bonjour,
    Quelqu’un pourrait-il rappeler le taux de réponse brut de l’enquête génération ? C’est à dire avant retraitement et redressement via des algorithmes statistiques qui ne sont jamais explicités.
    Par ailleurs, je m’étonne que votre commentaire de l’article s’attarde sur une comparaison entre les générations et non sur une comparaison de la « dispersion » à l’intérieure des générations, c’est à dire entre les diplômés et les non-diplômés.

    PiWi

  2. Julien B.

    Bonjour,
    J’émettrais une réserve sur le lien de causalité exclusif entre absence de sélection à l’entrée du sup et taux de sortie sans diplôme. Tout d’abord, la réussite ne se base pas uniquement sur une question de porte d’entrée, mais aussi sur la qualité des enseignements et particulièrement de l’accompagnement. Restons cependant sur cette question de la porte d’entrée. Non spécialiste de la question, je me hasarde à avancer deux facteurs saillants contribuant à la réussite de ces parcours universitaires, facteurs liés à la dite porte d’entrée : le niveau des étudiants, réel à l’entrée ou potentiel (plus dur à estimer) ; leur motivation.
    Ce deuxième point m’apparait comme crucial et indissociable de la problématique. S’assurer de la motivation des étudiants implique de nombreux sous-facteurs, parmi lesquels : une connaissance de leur part des contenus disciplinaires ; une connaissance de et une projection dans la dynamique pédagogique ; une projection sur l’utilisation de ces savoirs, savoirs-faire et savoirs-être dans l’environnement économique et social, dont le « monde du travail ».
    L’effort à fournir pour les institutions, du secondaire comme du supérieur, mais également du « monde du travail », afin de positionner les filières dans leur environnement est considérable. Le sas d’orientation – ou plutôt l’absence de sas – que constitue le dernier trimestre de terminal doit être totalement revu. Il s’agit bien de sanctuariser un lieu, un temps, une préoccupation qui prendrait en charge ce sas, en agrégeant des acteurs décloisonnés de leur milieu.
    Une année de service civique est une idée intéressante pour gagner du temps et prendre du recul (cela se pratique depuis des décennies en Allemagne), mais cet option doit s’intégrer à une approche plus globale : accepter de perdre du temps pour en gagner.
    Je n’ai pas de conclusion d’analyse arrêtée sur l’option d’une sélection à l’entrée pour conjointement évaluer le niveau et la motivation, mais une chose est certaine : cette option appelle des enjeux dont la prise en compte pose des questions bien plus fondamentales.

  3. Pingback: Hausse du niveau de formation et chômage : évitez de dire trop de bêtises… | Olivier Bouba-Olga

  4. Samuel BLIMAN

    Les analyses et observations du devenir des étudiants sortis aux différents niveaux sont intéressantes mais…Parmi ceux -ci figurent ceux qui ont suivi des cycles en alternance: université-entreprise et donc diplômés.(échec et abandon moindre)
    Il serait souhaitable de tenter, pour ces derniers analyses et statistiques: en effet, pour autant que je connaisse le devenir des étudiants formés dans un cycle bac+5 que j’avais initié en 1995, l’emploi semble moins problématique. Ce type de cursus proche du cycle allemand « technische hochschule » peut par ailleurs se comparer aux cycles « ingénieurs » français comportant aussi un séjour « long » en entreprise.
    Peut-être un développement de ces formations serait « profitable » à tous… mais la contrainte forte réside dans la négotiation avec le monde des entreprises, pas toujours aisée.

  5. @Samuel Bliman. Impact des formations en alternance sur l’accès à l’emploi et les caractéristiques de l’emploi ? Oui !

    Extraits du Bref CEREQ. « La crise n’a pas épargné les sortants de ces
    filières. Bien que plus diplômés, et plus souvent issus de l’apprentissage que leurs aînés de 2004, ils voient leur taux de chômage augmenter. La
    détérioration est nette pour chaque niveau : +6 points pour les BTS/DUT et +5 points pour les licences professionnelles. Les diplômés de licence
    professionnelle accroissent néanmoins légèrement leur avantage sur les BTS/DUT ; pourtant, ils n’ont jamais affronté un chômage aussi élevé
    (10% en 2013) ».

    Dans les filières professionnelles du supérieur court, l’apprentissage occupe une place jamais atteinte. Respectivement 23 % des diplômés de
    BTS/DUT et 31 % des licenciés professionnels sont passés par cette voie. Pourtant, la crise a impacté de manière spectaculaire le taux de chômage des apprentis titulaires d’un bac+2 dans une spécialité industrielle, taux multiplié par cinq entre les deux générations (de 2% à 10%). Malgré la légère dégradation observée au niveau bac+2, les diplômés passés par la voie de l’apprentissage conservent leur avantage relatif sur le marché du travail. Moins souvent au chômage, ils occupent des emplois plus qualifiés et plus rémunérateurs que les non-apprentis: en 2013, quel que soit le diplôme, leur salaire net médian est supérieur de 200 euros