Président Jean-François Méla

Jean-François Méla est blogueur (JFM’s Blog) depuis 2007. J’avais, depuis un moment, envie de le rencontrer et de discuter avec lui de l’avenir des universités. Rendez-vous est pris le 16 septembre 2010 : nous déjeunons rue Soufflot à Paris.

JFM blogue sur l’université, la recherche depuis 2007, i.e. depuis qu’il est en retraite (il est né en 1939). Son parcours exceptionnel serait impossible aujourd’hui (son CV) : polytechnicien à 21 ans, attaché de recherche au CNRS à 23 ans, docteur d’Etat en mathématiques à 28 ans, professeur des universités également à 28 ans en 1967. C’est la Faculté des sciences de l’université de Paris qui l’accueille (nous sommes avant 1968). Après 3 ans à l’université de Paris XI Orsay, Jean-François Méla part en 1970 à Paris 13 Villetaneuse (dit aussi « Paris Nord« ), qui vient d’être créée ; il se définit alors lui-même comme « gauchiste ». Fidélité exceptionnelle à une seule université : il y exercera 37 ans, de 1970 à 2007.

Il y prend les responsabilités « normales » pour un professeur, dans sa discipline tout d’abord, au plan local puis au plan national : président du département de mathématiques (1981-1984), directeur d’une unité de recherche CNRS en « analyses et applications » (1985-1991), président de la société mathématique de France (1985-1988), membre du groupe de réflexion ministériel sur l’enseignement des mathématiques (1988-1989), président du groupe de réflexion sur l’enseignement scientifique des sociétés savantes et associations (1988-1992) (JFM : « grand colloque, énorme préparation, important soutien officiel, édition des Actes, beaucoup de choses intéressantes, mais… peu de conséquences pratiques comme bien souvent en matière d’éducation »). JFM est passionné par la pédagogie des sciences.

22 ans après son arrivée dans l’université, JFM en est élu président en 1992. Si je ne me trompe pas, il a exercé son mandat quinquennal sous deux présidents de la république (François Mitterrand, Jacques Chirac) et quatre ministres en charge de l’enseignement supérieur et/ou de la recherche, et non des moindres : Jacques Lang, François Fillon, François Bayrou, Claude Allègre. Est-ce un cas unique ?

L’immédiate après-présidence de l’université se déroule sous les années Jospin (1997-2002). Jean-François Méla n’est pas nommé recteur d’académie. Il assume néanmoins deux types de responsabilités importantes. Il est chef de la Mission scientifique universitaire (MSU) au MENR de 2000 à 2002. Il s’investit dans le développement universitaire dans le Nord francilien : membre de la mission ministérielle « Seine Saint-Denis » (1998-1999), chargé de mission pour la mise en place du plan U3M sur le pôle « La Villette- Aubervilleurs- Plaine-Saint-Denis » (2000-2001), chargé de mission académique pour le suivi du CPER sur le pôle « Plaine Saint-Denis » depuis 2002. 2002, la droite gagne l’élection présidentielle et les élections législatives. La retraite approche pour le président Méla mais il continue de s’investir dans son université : depuis 2002, il est membre du Conseil scientifique de la Maison des sciences de l’homme de Paris-Nord (MSHPN), structure fédérative de recherche, créée en 2001, sous son mandat. Une MSH qui est un peu la fille d’un mathématicien ! « La MSH n’est pas un hôtel d’unités de recherche, plutôt un Institut à thèmes dont les programmes fédèrent pendant un temps variable des équipes de recherche (ce qui est assez nouveau et original en SHS et en France ». Logée dans des locaux provisoires depuis sa création, la MSH est concernée par un projet immobilier de taille : l’installation dans le quartier Diderot de la plaine Saint-Denis.

Et que pense Jean-François Méla de l’évolution des universités, de la recherche, de Paris 13 depuis 2007, date de création de son blog ? Ses chroniques sont toujours pertinentes, sans langue de bois, volontiers iconoclastes mais toujours fort documentées historiquement ; privilège d’avoir commencé à travailler en 1962 et d’avoir été président d’université de 1992 à 1997. Jean-François Méla est partisan de l’autonomie réelle d’universités plurisdisciplinaires, autonomie particulièrement nécessaire en matière financière, autonomie mais « avec un équilibre des pouvoirs qui n’existe pas actuellement et qu’il s’agit de construire » (chronique de JFM de janvier 2008 : « La gouvernance partagée : ça peut marcher« ). Il n’est pas favorable à la concentration à outrance des universités ; il veille à des universités actrices de l’aménagement du territoire en particulier en Ile-de-France et de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Pour donner l’envie d’aller lire le blog : 7 chroniques et quelques extraits.

Refonder l’université : une utopie française ! (1 juin 2009). A propos du manifeste des « Refondateurs ». « On pourrait avoir le sentiment, aujourd’hui, que l’histoire se répète. En tout cas le scénario est le même : on se tourne vers l’Etat pour qu’il règle une bonne fois pour toutes les problèmes de « l’université française » (dont certains plongent leurs racines dans la réalité sociale la plus profonde) et l’on s’étonnera ensuite de voir l’Etat impuissant. Ainsi, par exemple, le récent manifeste des « refondateurs » voit dans la dualité des formations universitaires et des formations sélectives la cause première de tous nos maux et avance comme solution… la création d’un « super ministère » de l’enseignement supérieur, comme si ce pouvoir ministériel avait quelque chance d’échapper à l’influence de « la noblesse d’Etat » qui défend bec et ongles le système hyper-sélectif dont elle est issue ».

Autonomie. Quelques propositions (20 novembre 2009). « Une première proposition est de sortir de la réserve et du double langage, pour adopter une position plus claire et plus offensive : accepter le principe de l’autonomie et faire pression sur l’Etat pour qu’il joue pleinement le jeu ; aménager le fonctionnement interne de l’université de façon que cette autonomie s’exerce dans des conditions acceptables ; la mettre à profit pour lancer des opérations innovantes ».

L’autonomie ou la planification ? (24 février 2010). Analyse critique du rapport Larrouturou. « Au fond, la situation est tellement compliquée et dégradée que Bernard Larrouturou a du mal à croire que l’autonomie produira autre chose que du « gâchis ». Il faut quand même remarquer que le désordre actuel n’est pas le résultat de l’autonomie, mais de longues années de centralisme. et on a encore plus de mal à croire que c’est par une coordination et un pilotage centralisé qu’on s’en sortira. Le véritable drame c’est que le système étatique a largement déresponsabilisé les acteurs académiques vis-à-vis du devenir des universités… A Paris, encore plus qu’ailleurs, le salut ne viendra pas d’un retour de l’Etat, mais d’un plus grand investissement collectif de la communauté universitaire dans le devenir de ses universités ».

Paris 13 : 40 ans d’aventure (25 mars 2010). « A la suite des évènements de 68 et sous la pression démographique, l’ancienne Sorbonne a explosé en 13 morceaux. Mais l’université Paris 13 n’a pas seulement été un débris de cette explosion ; elle représentait une innovation audacieuse. Avec l’université Paris 12, elle était l’une des deux universités françaises réellement pluridisciplinaires. Mais surtout cette implantation signifiait la présence, dans une banlieue populaire, d’une université à part entière qui contribuerait à la promotion supérieure des populations locales et au développement économique de leur territoire, dans un contexte de recherche de niveau international ».

Paris 13 ne s’est-elle pas trompée de PRES (31 mai 2010) ? Ouverture du blog à une libre opinion. « Il faut un vrai projet pour Paris 13 lié au territoire et au développement d’une logique de promotion sociale et non à la promotion de quelques-uns (façon Sciences Po) qui ne remet nullement en question l’inégalité sociale et culturelle dont les populations de notre territoire sont les premières victimes. Ce projet doit être articulé à celui d’une excellence scientifique située (et non pensée de façon abstraite, vue de loin, c’est-à-dire de Shanghaï), qui ne se dissolve pas dans Paris centre qui absorberait masters, doctorats et la recherche alors que Paris 13 serait confinée aux licences, aux IUT »…

L’avenir de l’autonomie des universités (30 juillet 2010). « Certains aspects de la LRU relatifs à la gouvernance devront certainement être amendés. Mais tout ne se résume pas à la loi. A l’intérieur du cadre législatif, la communauté universitaire dispose de marges de liberté et peut imposer de saines pratiques. L’autonomie a l’avantage de clarifier le rôle des universitaires dans la politique de leur établissement. Le plus important est de sortir d’une position de passivité et de résignation pour aménager le fonctionnement interne de l’université de façon que l’autonomie s’exerce dans des conditions acceptables et prenne une valeur positive. Le pilotage centralisé par l’Etat n’est pas une garantie d’égalité ; c’est plutôt l’instrument de la reproduction sociale. L’autonomie peut donner des marges de liberté pour agir dans un sens démocratique, si elle ne se résume pas à la loi de la jungle, et si les acteurs en ont la volonté ».

Les classements des universités et l’excellence (21 septembre 2010). « … Reste une explication totalement iconoclaste : tout ceci serait la preuve que l’important n’est pas tant la quantité de ce que les étudiants apprennent, mais le fait de passer 3 ou 4 ans dans telle ou telle institution, après une éventuelle sélection à l’entrée »… « La démocratisation de l’accès aux études est un paramètre inexistant dans les classements internationaux« … « Dans le cas du « Grand emprunt », il s’agit de concentrer les moyens sur un petit nombre d’établissements et de projets « excellents ». Cette logique bureaucratique risque d’écraser la logique scientifique (l’excellence n’est pas toujours concentrée : penser aux mathématiques), la logique économique (penser à l’aménagement du territoire) et la logique démocratique (penser à la ségrégation croissante dans la société française) ».

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