Coupables projections d'effectifs

Chronique d’humeur. La lecture de la Note d’information 12.12 de la DEPP, « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2012 à 2021 », m’a passablement énervé. Pourquoi demande-t-on à des statisticiens chevronnés de calculer des projections d’effectifs basées sur la seule poursuite dans l’avenir des tendances observées dans les années passées ? Pourquoi le politique ne leur demande-t-il pas de construire des scenarii qui prennent en compte la modification de ce qui est inacceptable dans les tendances observées ces dernières années ? Les projections d’effectifs publiés dans cette Note sont politiquement coupables parce qu’elle laissent concevoir un avenir cauchemardesque pour les bacheliers, leurs familles, les universités, le pays.

Avenir noir pour l’enseignement supérieur. Tableau 1. Progression de 11,8% d’étudiants en licence universitaire de 2011 à 2021 (+80.400 étudiants), de 9,5% en CPGE (+5.800 élèves), et seulement de 4,5% en IUT (+4.800 étudiants) et de 3,1% en STS (+2.800 élèves). +80.400 étudiants en licence et +7.600 seulement dans les deux filières professionnelles alors que les vœux des bacheliers se portent majoritairement sur elles et non sur la licence universitaire (54 chroniques sur Admission Pots-bac). La statistique publique ne doit pas « s’en foutre » des 55.000 bacheliers professionnels 2012 conduits au massacre : ici et ici.

Tableau 2. 16,6% des bacheliers professionnels ont poursuivi des études supérieures en 2000. Le taux a progressivement augmenté pour atteindre 26,9% en 2011 (8,3% à l’université et 17,8% en STS). Il passerait à 28,6% en 2021 : 9,5% à l’université et 18,1% en STS alors que 0% et 28,6% seraient souhaitables vu les taux d’obtention de la licence observés à l’université.

Pire encore : le tableau 3. Le scénario tendanciel prévoit, dans les 10 ans à venir, une diminution du nombre d’entrants dans les STS. En 2021 par rapport à 2011, il y aurait 20.100 néo-entrants de plus (bacheliers de l’année) en 1ère année de licence universitaire (256.100 contre 236.000), et 200 entrants de moins en STS (123.600 contre 123.800) !

La méthodologie utilisée pour faire de la prévision est éprouvée mais elle est contestable si elle limite le nombre d’hypothèses à la base des projections, si elle ne fait que reproduire les tendances observées (scénario tendanciel, page 6 de la Note), et donc si elle ignore les changements structurels qui seraient, devrait être décidés par le politique (… la création des Instituts d’enseignement supérieur  IES– dédiés au cycle licence par exemple).

Hypothèses prises en compte sur la base de projections des effectifs annuels de bacheliers, liés en partie seulement à l’évolution démographique (importance des classes d’âge). Les effectifs de bacheliers par types de bac étant estimés, la prévision se base sur des hypothèses concernant leurs taux de poursuites d’études supérieures dans chaque type de filière de l’enseignement supérieur et le taux de passage ou de redoublement dans chacune des filières.

Les hypothèses du scénario tendanciel 2012-2021 sont invraisemblables et/ou politiquement inadmissibles : diminution du taux de poursuite d’études des bacheliers généraux et des bacheliers technologiques, progression du taux de poursuite des bacheliers professionnels, cette diminution et cette progression conduisant globalement à une diminution vu les poids respectifs de différents types de baccalauréat. La loi de 2005 sur l’École n’impose-t-elle pas de construire un scénario qui aboutisse à ce que 50% des jeunes obtiennent un diplôme de l’enseignement supérieur ? Le scénario tendanciel empêchera d’atteindre cet objectif !

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Une réponse à “Coupables projections d'effectifs

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  2. Damien

    Bof. De toute façon, en comparant avec la même étude établie il y a 2 ans ( http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/82/8/NIMESR1007_158828.pdf ), on voit que sur certains points c’est vraiment du doigt mouillé.
    Pour le sujet qui me concerne directement (les étudiants en L de sciences-STAPS), on prévoyait il y a 2 ans une chute jusqu’à 150 000 étudiants en 2019. Actuellement, on prévoit plutôt une remontée pour dépasser 200 000 étudiants en 2021 (33 % d’écart, excusez du peu) (et encore, en M, l’écart va pratiquement du simple au double). Tout ça parce que, de 2009 à 2011, on a observé un léger retournement de tendance. Pourquoi ? Bonne question. Mais si on ne sait pas pourquoi, comment on peut savoir si le mouvement a une chance ou non de se poursuivre ? Au pif ?