Morel, docteur en médecine à 18 ans

Et si la France encourageait les jeunes à mettre en œuvre des projets utiles, le plus tôt possible ? Et si elle les incitait, pour se parfaire dans leur art, à ne chercher des formations supérieures qu’en fonction des connaissances et des savoirs qu’ils estimeront nécessaires, à un moment de leur trajectoire professionnelle et grâce à la formation tout au long de la vie ? Et si la formation en alternance pouvait s’exercer, pour une majorité de jeunes, dès la fin de la scolarité obligatoire, et précéder la formation supérieure, dite initiale ? Le Chassé-croisé entre travail et études… Études de plus en plus longues et carrières de plus en plus retardées : un mal pas seulement français ! Les problèmes sont complexes. Mais, il n’y a pas si longtemps…

Gabriel Louis François Anaclet Morel est né à Colmar en 1769 sous l’Ancien régime ; il y meurt en 1842 sous la Monarchie de Juillet. Sa carrière est époustouflante. Hollander et Roethinger y consacrent un chapitre de leur ouvrage « Chirurgiens d’Alsace à l’Académie de médecine » (références en fin de chronique). Strasbourg, photo de la Porte de l’Hôpital (7 janvier 2013).

Études au Collège royal de Colmar. « Dès son jeune âge, il est initié au maniement du scalpel par son père chef du service médical de l’hôpital de la ville »… « Il prend plaisir à s’initier aux langues anciennes sans négliger pour autant les langues vivantes » (allemand, anglais, italien et espagnol).

1783 (14 ans), Morel « entre au service des hôpitaux militaires de Colmar, comme élève en pharmacie, tout en étant placé chez un pharmacien de la ville ». Puis il entreprend des études de médecine à Strasbourg. A 18 ans en 1787, il est « reçu docteur en médecine et chirurgie » ; la thèse est écrite en latin, comme c’est encore la coutume à l’université. Il part alors à Paris pour y « parachever sa formation ».

1789, 20 ans. La révolution. Morel rentre en Alsace et devient « chef des bataillons de la garde nationale de Colmar ». 1792, chirurgien-major de 1ère classe à l’armée du Centre. Juillet 1794 (25 ans), éclate l’affaire de la culotte : « Morel avait eu l’idée de se faire confectionner une culotte avec la peau d’un maire alsacien guillotiné pour meurtre » ; bien défendu, il est relaxé. 1795, chirurgien en chef de l’hôpital militaire de Colmar. 1801 (32 ans), les français en Espagne : Morel « dirige l’hôpital militaire de Ciudad-Rodrigo, près de Salamanque ». 1805, le Ministre de la guerre veut le nommer chirurgien-major de la cinquième division militaire ; il refuse et s’établit définitivement à Colmar.

Chirurgien, souvent en opérations militaires entre 1792 et 1805, i.e. entre 23 et 36 ans, Gabriel Morel s’investit dans les questions de santé publique. 1797 (28 ans), traduction de l’allemand en français d’un Traité des plaies de la tête : il y fait part de son expérience sur les conditions d’utilisation de la tréphine (sorte de trépan) ; « il fonde son opinion sur l’autopsie d’une grand nombre de cadavres, lors du siège de Mayence en 1793 » .

1801 (32 ans), il « fait lui-même des expériences d’inoculation de la vaccine sur le cheptel bovin de la vallée de Munster, puis, avec succès, sur des enfants ». 1803, il parvient à faire créer à Colmar la première école de sage-femmes ; il en assure la direction et est nommé, en 1807, « professeur d’accouchement pour le département du Haut-Rhin ». Il est également « l’auteur d’un mémoire sur le Traitement d’un paralytique par le gaz oxygène et d’une Analyse des eaux minérales de Wattwiller« . Le sommet de la carrière. 1825 (56 ans) : correspondant de l’Académie de médecine dans la section Chirurgie. 1828, « agrégé libre » à la Faculté de médecine de Strasbourg.

Fort logiquement, la volonté de Gabriel Morel d’améliorer la santé publique va de pair avec un engagement politique (ne serait-ce que pour trouver les financements). Mais les régimes de l’époque ne durent guère ! C’est donc un atout ou un handicap selon les périodes ! Sous l’Empire : conseiller municipal de Colmar à partir de 1804 (35 ans), maire en 1813 et 1814, député du Haut-Rhin en 1815 (46 ans), sous les Cent-Jours. Et donc, « suspendu de toutes ses fonctions politiques par la seconde restauration » de Louis XVIII.

A l’avènement de Louis Philippe et de la Monarchie de Juillet 1830, Morel retrouve immédiatement « son fauteuil de maire et entre au Conseil général du Haut-Rhin en 1833 ». Il abandonne toutes ses fonctions politiques en juin 1841. Il meurt le 18 décembre 1842, à l’âge de 73 ans.

Une vie de médecin associant théorie et pratique, une science qui progresse grâce à l’expérimentation, une vie d’engagement social et politique. Mener des projets, s’engager pour le bien public : cela peut, cela doit commencer dès le plus jeune âge ?

Référence de la chronique. Louis F. Hollander et Jean Roethinger, Chirurgiens d’Alsace à l’Académie de médecine, Strasbourg, Éditions Coprur, 2008, pp. 52-62.

Lire aussi. Histoire de Colmar. Soins et santé.

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Classé dans AF. Histoire 16-17èmes siècles, AH. Histoire 19-20èmes siècles, C. Grand-Est (Alsace Lorraine Champagne-Ardenne)

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