Yvon Berland et le classement QS

Ma chronique du 9 mars 2017 – Classement QS des universités – a donné lieu à un commentaire d’Hervé Boismery. Yvon Berland, président d’Aix-Marseille Université, répond à Hervé Boismery dans un courriel qu’il m’a envoyé aujourd’hui.

Hervé Boismery. « Un classement de ce type n’a évidemment qu’une valeur relative. Néanmoins, apparaissent d’une manière significative les reculs de certaines universités françaises, notamment les Tours de Babel issues des méga-fusions du début de la décennie 2010. Le cas le plus probant est probablement celui d’Aix-Marseille Université, « la plus grande université de France » et peut-être aussi d’Europe (?).

Ainsi, entre 2015 et 2017, dans le classement afférent à la rubrique « Life Sciences and Medicine », cet établissement est passé du rang 183 au rang 224, et cela en seulement deux ans. Dans le domaine de la Médecine, domaine où Marseille bénéficiait jadis d’une renommée mondiale, AMU se situe désormais à un niveau modeste, loin derrière non seulement des universités européennes, mais aussi, ce qui est surprenant, loin derrière des universités de pays émergents. Ainsi, l’Université de Chulanlongkorn de Thaïlande obtient un ranking nettement meilleur qu’Aix-Marseille en matière médicale.

Ce résultat est d’autant plus paradoxal que l’Université d’Aix-Marseille est dirigée par un médecin. Dans la quasi-totalité des champs disciplinaires, le recul d’Aix-Marseille, désormais surclassé par plusieurs universités d’Asie et d’Amérique latine, est flagrant et semble irréversible…Une évolution qui ne peut manquer de susciter des interrogations ».

Yvon Berland à Pierre Dubois. « Monsieur, Je souhaite par le présent mail apporter des éléments de réponses à un commentaire de Monsieur Hervé Boismery sur l’article « Classement QS des universités » publié sur votre blog.

Aix-Marseille Université a progressé cette année dans ce classement (entrée dans le classement pour 4 domaines sur 5, classée dans 17 disciplines contre 11 en 2016 et notée dans 42 disciplines contre 39 en 2016 avec 34 notes en progression/2016). Cependant, ces progressions et entrées dans le classement ne reflètent pas le niveau de notre recherche, car celle-ci est bien au-delà de ces scores. En effet, QS est un classement multidimensionnel, c’est-à-dire que la recherche, au travers de l’analyse des bases de données de publications (Nombre de citations par article et impact de la production scientifique) ne représente que 15 à 25% en fonction du domaine analysé. Les autres critères sont des réponses à des enquêtes mondiales via des experts ou des entreprises communiqués par les universités elles-mêmes. Ces personnes enquêtées doivent identifier 10 institutions nationales et 30 internationales dans leurs domaines. Pour le domaine Life Science & Medicine par exemple cela représente 75% de la note finale.

Pour comparer deux universités dans ce classement, il faut donc prendre en considération ces deux types de critères (enquêtes mondiales et Recherche), ainsi que le nombre total de points qui séparent les deux institutions.

Pour le cas cité dans le commentaire de M. Hervé Boismery, 25 places séparent Aix-Marseille Université de l’Université thaïlandaise de Chulalongkorn. Il s’avère que cet écart de places ne représente que 1,5 point pour un total de 100 points.

En analysant la répartition des points sur les deux types de critères (enquêtes mondiales et recherche / publications scientifiques), nous pouvons constater un écart de 53 points  qui nous sépare de l’université de Chulalongkorn, université la plus ancienne et une des plus réputées du pays. Il semble donc plus aisé d’avoir un meilleur classement national lorsque deux fois moins d’institutions nationales sont classées, par rapport à la France où 12 universités sont dans ce classement.

Pour ce qui est de l’analyse des publications : Dans cette catégorie qui mesure la pertinence de notre recherche, l’écart de points en notre faveur est de plus de 44 points, ce qui signifie que la qualité de notre recherche est sans aucun rapport avec l’université de Chulalongkorn.

L’écart de classement n’est donc en rien lié à la valeur de notre recherche dans ce domaine, mais à des réponses subjectives à des enquêtes…

Pour le domaine de la Médecine, cela est d’autant plus flagrant, car Aix-Marseille Université se classe  dans les critères « Recherche », 152° (citations) et 109° (h-index) alors que l’université de Chulalongkorn est respectivement 358° et 357°.

Il ne faut pas se focaliser sur un seul classement pour tirer des conclusions hâtives, et surtout avant tout, comprendre les critères de classement pour en mesurer les enjeux. Il ne faut pas utiliser les classements multidimensionnels comme des classements de l’excellence de la recherche…

Prenons comme exemple le classement de Leiden, classement purement recherche basé sur l’analyse des publications : Pour ne pas être « avantagé » par l’effet taille, analysons le critère « Proportion de publications dans le Top 10% », Aix-Marseille Université est classée 192° dans le domaine « Biomédical & Health Sciences » avec une proportion de 10,9% de sa production scientifique dans le top 10%, alors que l’université de Chulalongkorn est classée 668° avec une proportion de 4,8%.

Dans l’Essential Science Indicator dans le domaine « Clinical Medicine », Aix-Marseille Université est classée 255ième avec 6 149 publications pour 103 739 citations  (16,87 taux de citation/publications) et 156 Top Papers. En parallèle, Chulalongkorn University se classe 821ième avec 2 265 publications pour 21 909 citations (tx de citation/publications de 9,67) et 30 Top Papers.

Ou encore dans le classement de Shanghai par domaines : en médecine, Aix-Marseille Université est classée 162° en 2015[1] alors que l’université de Chulalongkon n’est pas classée donc en deçà de la 200ème  place mondiale.

La renommée mondiale se quantifie-t-elle en interrogeant des contacts demandés par les structures commerciales aux institutions classées ou en analysant l’impact des publications scientifiques ? c’est toute la problématique des classements recherche et des classements multidimensionnels qui s’opposent.

Bien cordialement ».

1 commentaire

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Une réponse à “Yvon Berland et le classement QS

  1. Zeb

    On peut comprendre la fierté mouchée des uns par un commentaire peu aimable des autres, mais le débat est surréaliste: peu importe la comparaison entre Chulalongkorn University et AMU; les deux sont, dans les classements, très très très loin des meilleurs, ce qui ne les empêche pas d’avoir une recherche « d’excellence », comme on dit.