Des enseignants irresponsables

Je suis fort énervé en cette fin de matinée. Et pourtant la journée avait bien commencé : je me faisais un plaisir de suivre mon premier cours du second semestre au Palais universitaire de Strasbourg. 23 minutes de marche pour me rendre de chez moi à l’université. Sous une giboulée de mars… en janvier. Il n’y a plus de saison.

Même si je connais la durée précise de mon trajet pédestre, j’arrive toujours à l’université avec 5 à 10 minutes d’avance. Un seul étudiant devant la porte (fermée) de la salle où doit avoir lieu le cours. Le calendrier de la semaine est affiché à droite de la porte. Le cours auquel je viens assister est bien annoncé. Pas de problème donc. Je note que le cours précédent, de 8 à 10 heures dans cette même salle, n’a pas eu lieu.

J’engage la conversation avec le seul étudiant présent dans le couloir. Il est d’origine française, mais il a émigré au Canada pour y faire ses études supérieures. Il est en master professionnel d’Histoire de l’art à l’université de Montréal. Son sujet : l’évolution de la muséographie. Son projet professionnel : devenir cadre dans la médiation culturelle. Par les paroles échangées, il me semble que cet étudiant a une excellente culture historique et une culture artistique… supérieure à la mienne.

10 heures 13. Toujours pas d’enseignant et pas d’autres étudiants. Bizarre ! L’étudiant de Montréal et moi allons de concert prendre des nouvelles au secrétariat. Une des secrétaires : qu’est-ce qui vous amène ? L’absence de l’enseignant X. Je ne sais pas, je vais voir. Elle change de pièce et revient : il ne devrait pas y avoir de problème, mais nous allons vérifier sur le panneau d’affichage dans le couloir.

L’absence de l’enseignant est effectivement signalée dans le panneau vitré (je photographie). Elle ne l’est pas sur la porte de la salle de cours : le calendrier de la semaine affiche au contraire son occupation par l’enseignant… absent.

Rappelons qu’il s’agissait du premier cours du semestre.

  • L’enseignant n’a donc pas pu prévenir de son absence, par courriel, les étudiants qui vont participer à son cours… puisqu’il ne les a pas encore vus.
  • Aucune rubrique « absences d’enseignants » sur le site de la Faculté
  • Nous étions deux étudiants présents devant la porte fermée. Je suppose qu’il y a d’autres étudiants inscrits dans ce cours. Comment ont-ils été prévenus de l’absence du prof ? Mystère !
  • Quant au rattrapage d’une séance annulée, il est le plus souvent impossible, dans le contexte d’un calendrier très serré, mais ne comportant pourtant que 12 ou 13 semaines de cours par semestre.

Je quitte l’université et rentre à pied chez moi : 23 minutes sous une averse de neige. Je suis fort énervé. Mais tout n’est pas perdu : j’ai fait mes 45 minutes de marche par jour !

Pour les semaines suivantes, je laisse tomber ce cours : il n’était pas d’une grande valeur ajoutée pour moi. Au premier semestre, je m’étais planifié 10 heures 30 de cours par semaine ; j’ai fini à 3 heures 30 seulement, écœuré par des absences répétées, par des cours qui ne font pas la durée annoncée, par des cours magistraux transformés en TD avec exposés d’étudiants, par les modalités, fort généreuses, du contrôle continu intégral…

Dans les trois universités où j’ai enseigné (Lille 3, Paris X Nanterre, Marne-la-Vallée), j’ai toujours observé une minorité d’enseignants irresponsables quant à l’exécution de leur service d’enseignement.

Mais les temps changent. Même les enseignants irresponsables devraient le comprendre. Ils sont en train de tirer une balle dans le pied de la corporation universitaire tout entière.

Le métier d’enseignant-chercheur peut disparaître. Les cours ne peuvent plus être dispensés comme il y a 25 ans. On ne peut pas se le cacher ! La crise est vraiment profonde.

6 Commentaires

Classé dans C. Grand-Est (Alsace Lorraine Champagne-Ardenne), E. Mobilité internationale

6 réponses à “Des enseignants irresponsables

  1. Frétigné Cédric

    Cher Pierre.
    J’ai souvenir qu’il y a 25 ans, lorsque vous assuriez à l’Université de Paris X-Nanterre votre enseignement d’introduction à la sociologie du travail, en deuxième année de DEUG (comme on disait à l’époque !) le lundi matin à 9h00, vous étiez un modèle de ponctualité. Je comprends d’autant mieux votre énervement d’aujourd’hui…

  2. Voila pourquoi j’ai renoncé à aller suivre des cours ! que voulez-vous ? l’enseignant qui a un service d’enseignement de nos jours c’est quelqu’un qui n’a pas réussi à prendre une « responsabilité » dans un des nombreux « machins » dont vous nous entretenez sur ce blog.

    « Entia non sunt multiplicanda » ah ah ah !

    Il y a maintenant tellement peu d’enseignants présents sur les lieux d’enseignement que lorsque la fac fait venir une sommité, on a bien de la peine à avoir de quoi faire public dans l’amphi.

    Lors du pot de mon lotissement, j’en entends de belles…

    A Strasbourg, il paraît que c’est extra pour le vélo ! pour la santé et éviter l’ulcère, fuyez l’université et par exemple, allez faire de la mécanique vélo dans une asso. Avez-vous l’équivalent de Vélocampus ?

    http://www.velocampus.net/

  3. Penny

    Permettez-moi de trouver votre billet d’humeur (et de mauvaise humeur, qui ont le sait n’est pas toujours bonne conseillère) fort injuste et même « dangereux ». Sachez (au cas où…) qu’il y a aussi des enseignants malades (car la maladie ne trie pas entre ceux qui font 35 h de travail par jour et ceux qui ont un service d’enseignement de 128h/an et s’ils sont sérieux un travail de chaque jour, en ,bien au-delà des 1700 h requises recherche comprise…. on le sait toutes et tous); qui s’échinent à ne pas s’arrêter malgré les indications médicales et qui ce faisant « aggravent » parfois leur état et se sentent pour autant « coupables » d’accepter un arrêt maladie dont ils discutent la durée (à la baisse) avec leur médecin, prévoyant des rattrapages de cours (non obligatoires) le samedi s’il n’y a pas d’autres solutions… Je trouve ici scandaleux que l’on traite d' »irresponsable » un enseignant dont la raison de l’absence n’a pas été précisée et la rencontre peut-être avec un personnel de scolarité pas au fait de tout, car il y avait une information sur le panneau d’affichage… Car là aussi cela arrive puisque les personnels de scolarité ont de plus en plus de choses à faire avec de moins en moins de moyens… L’Université a changé là aussi… Surchargée et sous-équipée. Vous le savez pourtant. Votre texte concourt et alimente ainsi le discours méprisant du gouvernement sur les fonctionnaires en général. Ce n’est pas – monsieur Dubois – parce que vous avez eu la chance de pouvoir faire vos cours de manière toujours ponctuelle, en des temps où les moyens (humains) de scolarité par exemple étaient sans doute plus importants, que c’est le cas de tous les EC et Universités de France aujourdr’hui… J’aurais trouvé bien plus rigoureux de votre part de scinder votre commentaire en deux: la question de l’information des étudiants (qui est problématique aujourd’hui en effet et ce malgré les avancées techniques) et ce que vous appelez – à raison – l' »irresponsabilité » de certains EC, mais pas parce qu’absents sans information des étudiants mais car ne faisant plus leur métier (et « être absent » n’est pas « ne plus faire son métier »… depuis quand pour être un « EC responsable » faut-il être toujours présent ?). Quand j’évoque l’irresponsabilité des EC, je pense – comme vous je crois – à ceux qui ne font plus cours en fait car ils ne « créent » plus leur cours mais se contentent soit de répéter le contenu des manuels (parfois avec de simples photocopies sous les yeux des-dits manuels) et en le dictant aux étudiants (à qui on explique la « fraude via le plagiat ») soit de faire faire des exposés aux étudiants (donc in fine leur « travail » en tout cas ce pour quoi ils sont eux payés, pas les étudiants…) ce qui se développe de plus en plus et qui me semble bien éloigné d’une formation universitaire même en TD…
    Moi, je n’ai pas encore eu de neige, cette année, mais je ne suis pas d’accord du tout avec la tonalité globale et cinglante de votre billet qui confine à dénoncer quelque chose qui est une confusion entre « absence » et « absentéisme »… même si – si je comprends bien – l’enseignant absent ne vous a pas paru être par ailleurs un « EC responsable » sur le fond de son cours…
    Cordialement
    P.

  4. Henry IV

    Cher Pierre, je lie vos chroniques depuis pas mal d’années, avec plaisir, et souvent délectation. Là vous me semblez un peu à côté et un peu trop généraliste (la mauvaise humeur, c’est compréhensible, je déteste marcher sous la pluie froide moi aussi, sans rire). Pour contre exemple, moins de 1% d’arrêt maladie dans mon université dans le corps des EC, ce qui d’ailleurs étonne bcp les intervenants de santé extérieurs à l’Université. Nous rattrapons nos cours qd nous sommes absents, l’annualisation de nos services et notre relative liberté le permet, pour l’instant. Pour ma modeste part, 0 jours d’absence en 24 ans. Je touche du bois (désolé pour le jeu de mot, aie!)

    • Réponse à Penny. Il me semble, cher anonyme, que vous « alimentez aussi le discours méprisant du gouvernement sur les fonctionnaires » quand vous écrivez « Quand j’évoque l’irresponsabilité des EC, je pense – comme vous je crois – à ceux qui ne font plus cours en fait car ils ne « créent » plus leur cours mais se contentent soit de répéter le contenu des manuels (parfois avec de simples photocopies sous les yeux des-dits manuels) et en le dictant aux étudiants (à qui on explique la « fraude via le plagiat ») soit de faire faire des exposés aux étudiants (donc in fine leur « travail » en tout cas ce pour quoi ils sont eux payés, pas les étudiants…) ce qui se développe de plus en plus et qui me semble bien éloigné d’une formation universitaire même en TD »…

      Réponse à Henry. Je n’ai pas de chance. Premier cours ce matin ; l’enseignant annonce d’emblée qu’il ne sera pas présent la semaine prochaine et termine son heure de cours 10 minutes avant l’horaire prévu. Le deuxième cours (2 heures de CM/TD) est interrompu par 12 minutes de pause. Depuis quand (et de quel acquis universitaire) les heures de cours ne durent-elles que 50 minutes ? Je dois ajouter que le contenu des deux cours suivis et leur niveau m’ont tout à fait satisfait.

      Bien sûr aucun étudiant ne proteste. Un cours abrégé ou non fait, c’est autant de contenu sur lequel on ne peut être interrogé.

      • Penny

        Il vous est possible de répondre à mon « attaque » par l' »attaque », mais, là, vous le faites de manière biaisée car vous n' »attaquez » pas la « bonne question » que j’évoquais alors (je parle de l’absentéisme fantasmé par le gvt lorsque je dis que vous pouviez alimenter la vision du gvt, pas de ce vous dites de « mal » des EC, de Strasbourg apparemment, ce à quoi vous faites référence dans votre réponse)… Pour ce que je dis de la pratique de certains EC (que vous-même évoquez), je le maintiens puisque je le « vois » de certains (très, très peu, quelques unités à peine, bien entendu, mais certains) de mes collègues… et les étudiants aussi le constatent et le disent… comme vous l’avez vous même dit… C’est pourquoi je me permettais de vous appeler à la rigueur (dans votre réponse ici aussi dans le non mélange des « questions/réponses » si vous me permettez) en scindant les deux aspects: l’absence et l’information d’une part et le contenu des cours d’autre part (des cours avec de seuls exposés… c’est vous qui en parlez à la fin d’un message qui se veut un « tout » sur « l’irresponbilité » des EC ) car oui, les EC qui travaillent ainsi, si peu nombreux soient-ils (car ils sont très peu nombreux encore une fois et peut-être d’ailleurs parce que submergés par une multiplication des cours qui s’imposent mais sans augmentation des moyens humains et avec gel des postes…) serviront d’arbres pour abattre la forêt…
        Quant à « mon » anonymat apparemment plus génant que celui d’Henry, il me semble que vous demandez sur votre site un « pseudonyme »… supprimez cette possibilité s’il le faut ou alors ne le reprochez pas – même par des « cher » – SVP… Désolée, car si je lis vos chroniques avec grand intérêt et suis souvent d’accord et informée, éclairée par elles, car vous avez ouvert là un espace unique et précieux, là, dans ce billet et dans la réponse que vous me faites, je ne suis absolument pas d’accord par quelque chose qui semble relever plus de votre subjectivité… la pluie, la neige sans doute et puis alors toutes ces absences et morceaux de cours non faits qui semblent s’accumuler à l’Université de Strasbourg à qui l’on peut conseiller de faire ce qui se fait dans d’autres universités (dont la « mienne »): intégrer la pause dans les emplois du temps càd dans les créneaux de cours (càd prévoir 2h10 de cours dont 10 minutes de pause… ce qui fait 2h de cours pour 2h prévues).