Créer son entreprise : obstacles

Seconde édition des Journées du Réseau des Alumni de l’université de Strasbourg (13-15 mars 2015). J’ai assisté à la table-ronde En partenariat avec l’Eurométropole : créer son activité/entreprise à Strasbourg.

Trois diplômés de l’université – Séverine Sigrist, Rémy Perla, Jérémy Wies – ont franchi toutes les étapes de la fondation d’entreprise et commercialisent désormais le « produit innovant » dont ils ont eu l’idée – un dispositif médical bio-artificiel implantable, une lettre qui fait rêver les enfants, un software pour les ambulanciers. Ils en sont fiers et heureux. Trois diplômés en quatre tweets : leur parcours de formation, leur entreprise, le ou les produits conçus et commercialisés, les prix obtenus.

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Jean-Marc Jeltsch anime la table-ronde et pose, dans la seconde partie du débat, la question : quels sont les obstacles rencontrés ? que faire pour les lever ?

Les créateurs d’activité identifient trois problèmes : le logement, le financement, les structures d’accompagnement .

1. La crise du logement. Le nombre de m² nécessaires évolue au fil de la réalisation du projet : un coin dans son salon, puis une niche dans un incubateur, puis les premières surfaces propres à l’entreprise, puis des espaces plus grands pour assurer en même temps la production, la commercialisation, la R&D… Le développement – ça marche ! – signifie embauche de personnels ; le stade de 100 salariés est dépassé pour une des entreprises.

Au fil de l’aventure, il faut, inévitablement, trouver un autre lieu de production et de travail, sous contraintes d’attractivité, de visibilité, de lisibilité: coût du loyer, emplacement et standing minimum pour accueillir le mieux possible les clients, locaux hyper-branchés, fonctionnels. Des questions se posent : faut-il hiérarchiser les espaces de travail selon les fonctions ? a-t-on besoin, à temps plein, de locaux, de bureaux, d’équipements ? Le marché immobilier dans la métropole strasbourgeoise n’est pas encore optimal pour les jeunes pousses qui grandissent vite. Un lieu nouveau signifie aussi un déménagement, la déstabilisation des réseaux construits jusque là (nostalgie de l’incubateur où l’on partage des compétences et où l’on mutualise des tuyaux), la réinvention nécessaire de coopérations avec d’autres…

P12903602. La crise du financement. Trouver l’argent nécessaire à la maturation de l’idée, à son prototypage, à sa production et à sa commercialisation est un vrai parcours du combattant. 20.000 euros, obtenus dans un concours, pour commencer ; puis 2 ou 3 prix dans l’année pour atteindre 100 K€ ; puis la levée de fonds devient obligatoire : 1, 2, 3 millions d’euros. « Je passe trop de temps dans la recherche de financements aux dépens du développement ; j’ai compté que j’ai eu, depuis le début, 19 financeurs différents. J’ai toujours eu l’impression qu’on me mettait des bâtons dans les roues. Le risque est particulièrement grand au moment de la production et de la commercialisation : il faut payer un plus grand nombre de salariés avant que l’argent ne rentre ; les banques ne suivent pas ».

Un autre créateur revient sur la multiplicité des appels à projets et des aides financières à la création. « Les dossiers sont toujours complexes et incluent un nombre important de conditions : il faut quelquefois dimensionner son projet (=rentrer dans les cases) pour avoir une chance. Un appel à projets exigeait la mise en œuvre de partenariats ; je n’en avais pas besoin, ayant toute les compétences en interne. On arrive même à un paradoxe : le budget des appels à projets n’est pas toujours dépensé ».

3. La crise de l’accompagnement. « Il y a trop d’organismes qui aident à la création d’entreprises, qui accompagnent, qui suivent. On y trouve généralement des gens qui n’ont jamais créé d’entreprise, et/ou qui n’ont pas de réseaux, et/ou qui ont des compétences limitées à tel ou tel champ. Je n’ai jamais rencontré, hélas, LA structure parfaite. Pour avancer dans mon projet, j’ai bricolé et j’ai presque tout appris sur YouTube! »

Multiplicité des financeurs, multiplicité des structures. Ministères, collectivités territoriales, chambres de commerce et d’industrie, chambre des métiers, grandes entreprises, services de valorisation des universités, sociétés d’aide au transfert de technologie, tous promettent – et tout le temps – la simplification du mille-feuille institutionnel. Beaucoup de temps est passé en réunion – coûts de coordination pour transformer le paysage -, et il faut s’estimer heureux quand les palabres ne se terminent pas par la création d’une couche supplémentaire dans le mille-feuille.

A la table-ronde, Rémy Banuls, directeur adjoint à la Direction du développement économique et de l’attractivité de l’Eurométropole de Strasbourg, est tout ouïe.

Et enfin, pour conclure, une petite pensée pour Geneviève Fioraso et ses Pépites. « Mercredi 4 février 2015, Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a lancé avec Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe du groupe Caisse des Dépôts, la deuxième édition du Prix PEPITE – Tremplin pour l’Entrepreneuriat étudiant« .

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1 commentaire

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Une réponse à “Créer son entreprise : obstacles

  1. Serge

    Ok, créer son entreprise = obstacles. Oui mais non. Des années à entendre ce discours, souvent des créateurs qui pleurent. Une solution et c’est la plus simple : avoir du « pognon perso » à disposition pour couvrir dès le début de l’activité le fond de roulement, avoir des commandes de clients « solvables » avant le début de l’activité, être patient ET surtout avoir les collaborateurs adéquats. Les subventions, exonérations et autres CIR sont dans ce cas des « grands plus » au CA permettant d’investir ou encore de recruter (mon cas). Mais sans investissement personnel en terme financier, rien à la sortie. Bien sûr, les exceptions existent. L’un des trois autour de la table est l’exemple parfait du processus que je viens de d’écrire ; et il réussit superbement le gars. Dans l’absolue, la France est un pays extraordinaire en terme de subventions, autres aides aux entreprises, assistance d’agences spécialisées, et pas seulement pour les entreprises innovantes (qu’est que l’innovation finalement ???). Passez en Allemagne et les données changent.