Cézanne, Bazille, histoire de vies

Paul Cézanne et Frédéric Bazille sont presque contemporains. Le premier est né à Aix-en-Provence en 1839, le second à Montpellier en 1841. Ce dernier connaît une fin de vie tragique : il n’a que 29 ans quand il meurt au combat le 28 novembre 1870 à Beaune-la-Rolande (Loiret). Pour sa part, Cézanne meurt en 1906.

Après mes chroniques sur ces deux peintres (Cézanne, exposition à Martigny, 97 photos. Bazille au musée Fabre, 24 photos), j’ai eu envie de comparer les 30 premières années de leur vie : enfance, formation, orientation et réorientation, parcours professionnel. Bien des similitudes entre Cézanne et Bazille mais deux différences importantes.

Enfance dans un milieu aisé. « En 1839, le père de Cézanne est chapelier, mais, en juin 1848, il ouvre la banque Cézanne et Cabassol (nom de son associé)… Bazille naît dans une famille de notables protestants. Son père, Gaston, est agronome et sénateur, sa mère, Camille, est héritière du domaine agricole de Saint-Sauveur à Lattes ».

Cézanne vers 1862

Bazille vers 1868

Baccalauréat et études supérieures. Tous deux habitent une ville importante, dotée d’un lycée et d’une faculté universitaire. Milieu aisé et offre de formation de proximité : deux facteurs importants qui conduisent à l’obtention du baccalauréat (moins de 1% des français obtiennent le bac vers 1860) et à la poursuite d’études à l’université, sous l’injonction parentale. En 1858, Cézanne commence des études de droit à la faculté d’Aix ; en 1859, Bazille entreprend des études de médecine pour faire plaisir à ses parents.

La vocation artistique l’emporte. Cézanne et Bazille sont des décrocheurs : ils abandonnent leurs études supérieures, pour se consacrer à leur vocation artistique.

Celle-ci semble traverser des étapes incontournables pour tous les deux : formation au dessin dans une école locale, copies d’œuvres dans les musées, montée à Paris pour travailler chez un maître reconnu, constitution d’un réseau de connaissances voire d’amis, obtention de la reconnaissance grâce à l’acceptation d’œuvres par le Salon, premières peintures sur le motif, installation dans un premier atelier.

Les cours de dessin dans la ville de naissance. « En parallèle à ses études, Cézanne s’inscrit en 1857, à l’École gratuite de dessin à Aix, peint d’après le modèle vivant et les plâtres et sculptures conservés au musée. En 1859 (il a 20 ans), il y reçoit le deuxième prix de peinture pour « une étude de la tête d’après le modèle vivant, à l’huile et de grandeur naturelle ».

« La vocation de Bazille remonte à sa rencontre avec un ami de ses parents, le collectionneur et mécène d’art montpelliérain Alfred Bruyas (1821-1877), qui influença Courbet ainsi que les impressionnistes. Dès 1859, il suit des cours de dessin au musée Fabre dans l’atelier des sculpteurs montpelliérains, Baussan père et fils, et de peinture en copiant les maîtres anciens comme Véronèse ».

La montée à Paris. « Cézanne part s’installer à Paris à 22 ans, accompagné par son père et malgré l’avis défavorable de son professeur de dessin. Il travaille le matin à l’académie Charles Suisse, se lie avec de jeunes artistes et échoue au concours d’entrée de l’École des beaux-arts, « en raison d’un tempérament coloriste jugé excessif ». Il revient à Aix travailler dans la banque paternelle. En 1862, il retourne à Paris, assisté par le peintre Chautard, un Aixois, qui lui corrige ses études à l’académie Charles Suisse. Il est inscrit comme copiste au Louvre ».

Bazille gagne Paris en 1862 (il a 21 ans). « Il s’inscrit à l’atelier du peintre Charles Gleyre. Il commence par se perfectionner en dessin. Dans cet atelier, il rencontre Claude Monet, puis Auguste Renoir. Très vite, un groupe se forme qui intègre Edgar Degas, Alfred Sisley, Édouard Manet, Berthe Morisot, Paul Cézanne, Camille Pissarro, Émile Zola, Paul Verlaine »… « En 1864, il loue son premier atelier rue Vaugirard à Paris, puis il partage divers ateliers avec Renoir et Monet dès 1865 ».

Être accepté au Salon. « Entre 1863 et 1870, Cézanne alterne les séjours entre Aix et Paris. Il peint à l’Estaque, sur le motif. Il réalise d’abord des toiles de grandes dimensions. Il copie Les Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin. A l’académie Charles Suisse, il rencontre Camille Pissarro, Auguste Renoir, Claude Monet, Alfred Sisley. Il subit des échecs successifs au Salon (en 1867, Le Portrait d’homme est refusé, bien que Daubigny l’ait défendu). Mêmes revers au cours de chacune des années suivantes. Cézanne doute ».

A l’inverse – et c’est une première différence entre les deux peintres -, Bazille a davantage de succès au Salon. « En 1866 (il a 25 ans), il soumet deux toiles à l’épreuve du jury : un sujet moderne, Jeune fille au piano et une nature morte classique, Poissons. Seule la seconde est acceptée. Par la suite, il sera régulièrement présent au Salon ».

Montée à Paris, suivi de cours chez un maître, installation dans une premier atelier : tout cela coûte de l’argent, alors que les deux peintres ne vendent pas encore de toiles. La famille – aisée – prend en charge leurs dépenses, les entretient.

1870. Jusqu’à la guerre avec la Prusse, la trajectoire des deux peintres a été fort similaire. Celle de Bazille s’arrête à 29 ans : « il s’engage au 3e régiment de zouaves, contre la volonté de ses proches, dans le conflit franco-prussien. Sergent-major, touché au bras et au ventre, il meurt quelques jours avant ses 29 ans, le 28 novembre 1870, à la bataille de Beaune-la-Rolande ». Je ne peux m’empêcher de penser : et si Bazille n’avait pas été tué à la guerre ?

Bazille, La  toilette, 1870

Quant à Cézanne, il a échappé à la guerre. La raison de ceci remonte à 1860. « En février, a lieu le tirage au sort des conscrits, au cours duquel Cézanne tire un mauvais numéro. En mai, une fois passé le conseil de révision, il est considéré comme apte au service. Son père lui trouve très facilement un remplaçant, ce qui lui permet d’éviter la conscription et d’obtenir, en juillet, le document le délivrant définitivement de tout service militaire ».

« En 1870, la déclaration de guerre à la Prusse pousse Cézanne à quitter Paris pour l’Estaque. Il est dénoncé comme « réfractaire », la gendarmerie vient l’arrêter mais ne le trouve pas. Cézanne, seul, s’installe dans la bastide du Jas-de-Bouffan, résidence que son père a achetée en 1858 »

Cézanne, Neige fondue à l’Estaque, vers 1870

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