Le SUP : l’exception française (2)

Suite de la chronique, Le SUP : l’exception française (1). Depuis 2009, ce blog combat pour une révolution du premier cycle de l’enseignement supérieur : regroupement des classes supérieures des lycées (CPGE, STS), des IUT et de la licence universitaire dans des établissements nouveaux – Instituts d’enseignement supérieur -, établissements publics disposant de l’autonomie statutaire, administrative, pédagogique et financière et associés, dans chaque grande région, à des universités, dédiées aux deuxième et troisième cycles de formation, à la recherche fondamentale et appliquée. Objectif : une quinzaine d’universités de recherche, issues de fusions entre universités, entre universités et établissements.

Cette révolution n’a jamais fait l’objet d’une analyse et d’une discussion approfondies par le Ministère, la CPU, les syndicats de personnels et étudiants, les médias. Jean-Yves Mérindol et Jean-René Cytermann ont utilisé un argument d’autorité pour la retoquer : « cela n’existe nulle part ailleurs ». Une exception française de plus, ça leur fait mal ? Je jette l’éponge et ne publierai plus de chroniques politiques sur l’actualité de l’enseignement supérieur… ou tout au moins pas avant le printemps de 2017. Le blog Histoires d’universités commencera une 4ème vie, le 4 août 2014.

Glossaire des exceptions françaises en matière de réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche. Glossaire inspiré par celui de Patrice Brun, ex-président de Bordeaux Montaigne, dans son livre à l’humour féroce et bienvenu : De la renonciation comme acte politique (pages 208 à 228). Les dix premiers éléments du glossaire, liés à l’actualité récente. Je compte sur les lectrices et lecteurs pour l’enrichir dans les semaines et mois à venir.

Collège universitaire. Une ligne rouge à ne pas franchir : personne n’en veut. Un exemple en date du 17 juillet 2014 : communiqué des conférences de doyens et directeurs d’UFR sur les nouvelles architectures universitaires. « Dans les nouvelles architectures qui émergent, trois évolutions majeures se dégagent : … 2. Un découplage entre les licences et les masters, les premiers restants au niveau de l’université, les seconds fortement impliqués voire mutualisés dans les nouveaux regroupements de type COMUE ». Quelles représentations des Collèges universitaires ont ses détracteurs ? L’Institut d’Enseignement Supérieur est une espèce de Collège universitaire : oui, secondarisons le 1er cycle !

Communauté d’universités et d’établissements (COMUE), article 718-7 du Code de l’éducation. La COMUE est le mode de regroupement chéri par la Secrétaire d’État, Geneviève Fioraso, et par sa DGESIP, Simone Bonnafous. Elles l’aiment tellement qu’elles ont cherché, par oukases, à l’imposer à marche forcée. La loi ESR ne disait-elle pas que les statuts des COMUE devaient être votés avant le 22 juillet 2014. Échec pour elles  : 4 statuts seulement déposés, 4 rejets par le CNESER. Un exemple de statuts de COMUE non encore mentionné sur ce blog : COMUE Lille Nord de France : vote des statuts par les CA des 12 membres fondateurs prévu entre le 29 septembre et le 10 octobre 2014. exception française : l’autonomie des universités est une des plus limitées en Europe : nulle part ailleurs n’existent ces mastodontes abracadabrantesques.

Communication institutionnelle. Celle du secrétariat d’État et celle des universités « positive ». Le verre est toujours à moitié plein et jamais à moitié vide. Un exemple caricatural : le communiqué du Secrétariat d’État du 23 juillet 2014. « La loi sur l’enseignement supérieur et la recherche a été adoptée le 22 juillet 2013. Un an après, les deux tiers des décrets d’application de la loi ont été publiés et de nombreuses mesures sont entrées en application sur le terrain. Bilan d’un an d’actions ». Par quels canaux passent donc les mauvaises nouvelles ?

Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Instance nationale consultée sur toutes les questions ayant trait à l’enseignement supérieur et à la recherche (article L 232-1 du Code de l’éducation). Il arrive que le CNESER soit fort mécontent et le fasse savoir par des votes hostiles aux propositions du ou de la Ministre : COMUE : le CNESER résiste ! Il résiste, mais ne peut rien faire car la/le Ministre se refuse toujours à tenir compte de votes négatifs. Quand le CNESER, instance consultative, est d’accord, la/le Ministre s’en félicite par un long communiqué de victoire.

Contrat d’objectifs et de moyens (COM). Il s’agit d’un serpent de mer. J’y ai consacré une 1ère chronique en décembre 2009 : « Le COM est négocié par chaque composante avec la direction de l’université et inscrit dans le budget voté par le CA : il définit les actions, les cibles chiffrées à atteindre, les indicateurs, les moyens alloués ». L’Association des directeurs d’IUT (ADIUT) n’aime pas les COM ; elle préfère, avec raison, l’ancien temps, celui d’avant la LOLF où le budget de chaque IUT était « fléché », ce qui empêchait leurs universités d’appartenance de leur piquer des sous. Voici les 113 IUT confirmés dans l’application du droit commun : décret du 21 juillet 2014. Pas de communiqué de l’ADIUT pour reconnaître sa défaite. Un exemple de COM conquis à la force du poignet : celui de l’École de Management de Strasbourg.

Geneviève Fioraso. Ministre puis Secrétaire d’État sous la présidence de François Hollande. A donné son nom à la loi de juillet 2013, dite aussi loi ESR. Exception française : elle est la seule ex-fonctionnaire [elle fut professeur d’anglais et d’économie dans une vie antérieure] vraiment passionnée par la R&D, l’innovation et le transfert de technologie, tant elle a été émue par son passage dans la start’up Corys. Une Ministre, dégradée en Secrétaire d’État, une autre exception bien de chez nous.

Millefeuille institutionnel. Une obsession bien française : celle de réduire le dit-millefeuille. Effet pervers des innombrables belles paroles sur la simplification des couches institutionnelles : à tous les coups, la simplification conduit à ajouter une nouvelle couche, multipliant les places possibles pour les dites-élites (Le millefeuille et la lutte des places). Ainsi en est-il pour les COMUE !

Copie de Copie de CocoMUEMotions, pétitions, communiqués syndicaux. Moyens d’action utilisés quand la grève limitée ou illimitée, l’occupation des locaux universitaires, la grève administrative des notes, la séquestration des cadres, la manifestation de masse font peur. Peur de quoi ? « De ces combats [du 13me siècle »], comment les corporations universitaires étaient-elles sorties victorieuses ? Par leur cohésion et leur détermination d’abord. en menaçant d’employer et en utilisant effectivement cette arme redoutable : la grève et la sécession. Les pouvoirs civils et ecclésiastiques trouvaient trop d’avantages dans la présence des universitaires qui représentaient une clientèle économique non négligeable, une pépinière unique de conseillers et de fonctionnaires, une source éclatante de prestige, pour résister à ces moyens de défense » (Jacques Le Goff, Les intellectuels au Moyen-Age, Éditions du Seuil, Points, 1957, page 77). Exception française : un grand nombre de syndicats et d’associations professionnelles dans le SUP.

Primes des directeurs et conseillers. Exception française : se mettre au service de l’intérêt collectif est fort rémunérateur. Primes au cabinet de Geneviève Fioraso. « Selon René Dosière, la rémunération de Geneviève Fioraso est de 9.443 euros bruts par mois. Rétrogradée, elle a perdu près de 500 euros par mois. La pauvre ! Rémunérations très élevées des conseillers. Pour certains – les vieux -, cela permet de maintenir le niveau de revenus qu’ils avaient dans leur fonction antérieure (ne pas déchoir). Pour d’autres – les jeunes -, c’est une occasion inespérée de gagner beaucoup sans avoir à faire carrière dans un métier. Le drame est qu’ils n’auront de cesse que de se maintenir à ce haut niveau toute leur vie !« . Quiz : quel est le revenu d’un directeur d’administration centrale, du directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) par exemple ? On peut le savoir en explorant la base de données sur les déclarations de revenus des parlementaires, en ligne depuis le 24 juillet 2014. Une surprise intéressante !

Recours contentieux auprès de la juridiction administrative. La plupart des juristes de droit public disent que la loi ESR est une loi juridiquement bâclée, comportant des ambiguïtés, des contradictions. Les recours progressent en nombre, participant d’un mouvement tendant à la judiciarisation des conflits (ici et ici). Contentieux concernant les élections aux Conseils centraux des universités en 2012. Et peut-être un recours de la Conférence des Grandes Écoles. « La CGE met en demeure l’État de supprimer des dispositions jugées illégales. Deux arrêtés, dont celui du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations, prévoient que la délivrance du diplôme national de master relève d’un seul type d’établissement : les EPSCP (établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel)… Les avocats de la CGE défendent l’impossibilité pour des textes de nature réglementaire de contraindre la loi, cette dernière ne prévoyant aucunement une telle restriction » (EducPros. 22 juillet 2014). Par ailleurs, la CGE n’aime pas les COMUE.

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